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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°13, 1 avril 2013  >  Les peuples qui n’ont pas d’histoire n’ont pas d’avenir [Imprimer]

Les peuples qui n’ont pas d’histoire n’ont pas d’avenir

par Pierre-Henri Bunel, commandant, France*

Il y a dix ans, commençait une opération d’agression de l’OTAN contre un peuple fier et libre, le peuple serbe. Ce drame intervenait avec la complicité d’une partie des opinions publiques abusées par la propagande de l’OTAN et de ses satellites!
Pour avoir pris part à une action qui visait à empêcher une telle forfaiture, c’est de l’intérieur d’une prison française que j’ai suivi tous les épisodes de cet événement qui frappera d’opprobre ses coupables pour une longue période de l’histoire. J’ai ressenti devant ce crime annoncé un double sentiment de honte et de fierté.
D’abord la honte: celle de voir mon pays s’engager volontairement dans cette trahison. Une trahison envers lui-même d’abord, parce que les raisons invoquées ne reposaient sur rien, parce que participer à cette infamie ne pouvait pas servir le peuple français et enfin, et c’est peut-être le plus grave de l’affaire, parce que nos dirigeants trahissaient ainsi une amitié traditionnelle fondée sur l’héritage de l’histoire.
En bombardant Belgrade, comme l’avaient fait les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, les «alliés» ne pouvaient que ternir fortement leur image pour les temps à venir.
Mais j’ai aussi ressenti un sentiment de fierté. J’avais appris à connaître le peuple serbe pendant mon déploiement en Bosnie-Herzégovine. Certes, la situation des Serbes de Bosnie-Herzégovine était difficile, mais ils ont toujours fait montre de loyauté à leur parole dans tout ce que les forces d’occupation leur demandaient. Il ne s’agissait pas de basse «collaboration» mais de respect de la parole donnée, entérinée par la signature du diktat de Dayton. Ils sont les seuls à avoir fait preuve de tant de courage et de loyauté en cette période qui était déjà fort peu glorieuse pour les complices de l’OTAN.
Et dans ma prison parisienne, je ne pouvais que ressentir un sentiment d’amitié envers les Serbes injustement frappés pour avoir voulu défendre leur existence, leur culture et leur liberté. Pour avoir défendu leurs droits les plus élémentaires, en somme. J’ai été fier de voir ces patriotes se masser sur les ponts sous les bombardements pour servir de boucliers humains à leur patrie bien aimée.
Au cours de ma détention, j’ai reçu de nombreux témoignages de sympathie venant des Serbes de France, mais aussi de Serbie. J’ai dans mon bureau une carte postale représentant des militaires serbes et français lors de la campagne des Balkans en 1918. Sur cette carte postale, il est écrit, en serbe: Srpski i francuski oficiri u I svetla skom ratu et, en français dans une cartouche «Merci, mon commandant Pierre-Henri Bunel! La Serbie prie le Dieu pour toi en ce mars 1999. Il s’agit de la carte n° 188 des Editions Francophiles 1999 et porte la signature du professeur Branko Vasiljevic.
Lorsqu’en 2003, mes amis Yves Bataille et Mila Aleckovic m’ont invité à venir à Belgrade, et que le directeur des Editions Gutenberg Galaksija, M. Mile Bavrlic, a bien voulu éditer en serbe mon livre «Nato Crimes» [Crimes de guerre à l’OTAN], j’ai enfin pu venir rendre visite à ce pays que j’aime tant et rencontrer les héros qui ont résisté aux bombes tueuses.
J’ai aussi pu franchir la rivière Ibar qui coule en direction de Kosovska Mitrovica, sous les regards haineux d’Albanais, mais sous la protection des Serbes restés sur la rive nord. J’ai alors mieux compris combien mon pays d’Ariège, dans les montagnes du Sud de la France, est proche de cette province du Sud de la Serbie. Proche par ses montagnes, proche par ses habitants qui sont eux aussi habitués au dur travail de l’agriculture de montagne, aux hivers rudes. Les gens de mon pays ont eu, eux aussi, à lutter contre des envahisseurs venus du Nord et le haut lieu de Montségur est pour nous autres Pyrénéens comme Kosovo Poljé pour la nation serbe.
Mais la forfaiture a continué avec l’acceptation par des satellites de Washington de l’indépendance de la province serbe du Kosovo et de la Métochie. Mais la France aussi a connu des périodes sombres de son histoire. Elle aussi s’est trouvée amputée de l’Alsace et de la Moselle par les hordes germaniques. De 1940 à 1945, elle aussi a été envahie. Et nous en sommes sortis.
Certes, on peut penser que la France est à nouveau sur une pente dangereuse. Mais, à elle comme à la Serbie, il reste un espoir. Les mêmes forces qui ont conduit à la mutilation de la Serbie et qui conduisent à la mutilation de la France, vont provoquer des insurrections et des révoltes dans nos deux pays. Mais il faut pour cela que la jeunesse serbe et la jeunesse française ne se laissent pas aveugler par les mirages de la société de consommation.
Les peuples qui n’ont pas d’histoire n’ont pas d’avenir. En revanche, ceux qui savent conserver leurs traditions, tout en prenant dans le modernisme des éléments positifs, ceux qui savent garder la conscience de ce qu’ils sont, de ce que les ont faits leurs pères, ceux-là ont de l’avenir.
L’évolution du monde prouve que les modèles que prônent nos ennemis sont éminemment fragiles, parce qu’ils reposent sur la mollesse et la paresse. Dans le monde qui se dessine, l’avenir sera à ceux qui sont durs à la tâche, modestes et pas compliqués. C’est notre devoir, à nous adultes de montrer le droit chemin à nos enfants. Guidés par nos dirigeants spirituels, mais à la force de notre énergie, il nous appartient de reprendre les rênes de nos destins.
Vous, les Serbes, êtes courageux, vous l’avez montré au cours de votre histoire et au moins depuis la Bataille du Champ des Merles – Kosovo poljé. Aujourd’hui, vous n’êtes pas seuls, même si vos frères des combats futurs sont encore opprimés et contraints au silence.
La foi en Dieu, en la patrie et la tradition est la source de l’avenir glorieux et de notre honneur.
Aujourd’hui, en ce dixième anniversaire de ces horreur qui auront bientôt une fin, je voudrais vous dire à tous mon amitié et l’amour que je vous porte.

Gloire et longue vie au peuple serbe!

Votre ami, votre frère,

Pierre-Henri Bunel

(Traduction Horizons et débats)

*    Pierre-Henri Bunel, commandant des Forces armées françaises, à l’époque de l’opération d’agression de l’OTAN, il était représentant français auprès du comité militaire de l’OTAN à Bruxelles.