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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°8, 27 février 2012  >  Les Etats-Unis se retirent d’Afghanistan [Imprimer]

Les Etats-Unis se retirent d’Afghanistan

par Albert Stahel

Le 1er février dernier, lors d’une conférence de presse tenue à Washington, le ministre de la Défense Leon Panetta a confirmé que les Etats-Unis et leurs alliés cesseraient les combats menés par des unités importantes en Afghanistan au milieu de 2013.1 Mais après cette date, les Américains continueront d’effectuer des opérations avec des unités des Special Operations Forces. A partir de ce moment-là, c’est essentiellement l’Armée nationale afghane et la Police nationale afghane qui seront responsables de la sécurité du pays. A ce sujet, il faut noter que même les rapports du Pentagone reconnaissent, avec certes des formulations alambiquées, que les forces afghanes ne pourront pas mener cette mission à bien sans l’aide des troupes de l’OTAN.2 Panetta évite habilement de dire ce qui se passera après la fin de 2014, date du retrait définitif.
Au même moment, la ministre des Affaires étrangères Hillary Clinton résume la nouvelle politique afghane des Etats-Unis avec le slogan «Talk, Fight, Build»3. «Talk» se rapporte aux négociations avec des délégations des talibans au Qatar. Selon ces négociations, les talibans s’engageraient à ne pas entraver le retrait des troupes américaines par des opérations militaires. Cela rappelle les négociations de l’URSS en 1988 à Genève sur son retrait d’Afghanistan.
Avec les déclarations de Panetta et de Clinton, Obama veut probablement écarter tous les obstacles à sa réélection. La guerre en Afghanistan en fait partie.
Ces manœuvres verbales du gouvernement Obama rappellent beaucoup la guerre du Vietnam et les entretiens de Paris entre Kissinger et les représentants du Nord-Vietnam et du Vietcong en 1971-1973. Le gouvernement du Sud-Vietnam, la principale partie concernée, n’était en principe que toléré à ces négociations. Les Etats-Unis se moquaient des intérêts des Vietnamiens du Sud. Ce qu’ils voulaient, c’était pouvoir se retirer du Sud-Vietnam sans encombre. Ce retrait devint réalité en 1973 et le Sud-Vietnam ressembla ensuite à un patchwork de zones, celles du Vietcong et celles du gouvernement de Saigon. En 1975, à la suite de l’opposition du Congrès, les Américains ne réagirent pas à l’invasion et à la conquête de Saigon, capitale du Sud-Vietnam par des divisions nord-vietnamiennes et des troupes du Vietcong. Kaboul pourrait subir un sort identique en 2015.
Dans la guerre en Afghanistan, les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN n’ont pas remporté une victoire. Les exemples historiques nous l’apprennent: les guerres comme celle-là, dans lesquelles une puissance d’occupation n’obtient pas de victoire, sont considérées comme perdues. Cela s’applique également à l’Afghanistan. Les Etats-Unis ont perdu la guerre et maintenant, ils veulent se retirer du pays sans subir de pertes. Pour atteindre cet objectif, n’importe quel prix leur paraît justifié. Comme dans l’histoire du plat de lentilles d’Esaü dans l’Ancien Testament, les Américains vont livrer le président Karzaï et l’Afghanistan aux talibans, aux différents seigneurs de la guerre et à tous les Etats voisins qui veulent se partager le pays.    •

1    Media Availability with Secretary of Defense Leon Panetta. U.S. Department of Defense, 1 February 2012.
2    Report on Progress Toward Security and Stability in Afghanistan. U.S. Department of Defense, October 2011.
3    Rashid, Ahmed (2011). Madam Secretary, only «talk» can save Afghanistan. Financial Times, 4 December 2011.

Source: Albert Stahel, Institut für Strategische Studien, www.strategische-studien.com
(Traduction Horizons et débats)