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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°27, 2 juillet 2012  >  Pour l’Allemagne, le MES serait la pire alternative [Imprimer]

Pour l’Allemagne, le MES serait la pire alternative

par Eberhard Hamer, www.mittelstandsinstitut-niedersachsen.de

Ses partisans appellent le MES le «Mécanisme européen de stabilité».
Mais les critiques l’appellent la «machine européenne d’endettement» [jeu de mots jouant sur les premières lettres de l’expression en allemand].
Du point de vue du contenu, le MES est une banque de dettes supranationale d’une communauté débitrice européenne, disposant de l’autorisation de financer librement et sans contrôle des dettes publiques, de contraindre tous les Etats-membres responsables aux paiements correspondants et de pratiquer en Europe, sans contrôles, la politique financière centrale pour tous les Etats-membres de l’UE. Pratiquement, cela reviendrait en Europe à centraliser, par le biais du MES, la politique financière, à l’enlever aux parlements démocratiques pour le concentrer dans une superbureaucratie et ce faisant d’enlever aux pays européens leur droit démocratique de modification juridique le plus important – la perception et la répartition des finances.
En 1933, en Allemagne, la première loi sur les pleins pouvoirs a transformé notre démocratie en une dictature nationale, et la deuxième loi sur les pleins pouvoirs fait sauter notre autodétermination financière en faveur d’une dictature financière européenne.
Concernant la crise de la dette américano-européenne, les USA ont d’abord prétexté que des banques ayant flambé beaucoup d’argent ne pouvaient pas être soumises au droit normal d’insolvabilité – déposer leur bilan –, mais que les dettes de ces banques devaient être reprises par les Etats. C’est ce que l’ancien ministre des Finances américain Paulson (ancien président de Goldman-Sachs) a fait croire aux USA et obtenu par force dans les pays vassaux européens. L’arrière-plan révèle que l’industrie financière domine depuis longtemps la politique et non l’inverse, et qu’elle cherche à charger, avec l’aide des gouvernements qu’elle contrôle, ses pertes spéculatives menaçantes sur le dos des citoyens.
C’est la raison pour laquelle la Grèce n’a pas non plus pu se déclarer honnêtement en faillite, mais qu’on a élaboré des «plans de sauvetage» de plus en plus élevés, aboutissant à un endettement de plus en plus grave de la Grèce et d’autres pays. Ceux-ci ont fait de banques surendettées des pays surendettés, de sorte que pour les dettes individuelles des pays en banqueroute, les pays sains de l’UE ont dû reprendre à leur compte une garantie commune. Le point final de cette malheureuse union de dettes, de transferts et de responsabilités, c’est donc le MES, la machine à dettes centrale pour toute l’Europe, avec la garantie de tous les Etats-membres pour toutes les dettes, en faveur des banques internationales.
Ce qui a été obtenu ici politiquement par la force passe pour la plus grande bêtise dans l’économie privée: faire cadeau de bon argent à quelqu’un de mauvais qui se trouve menacé d’insolvabilité et se porter caution de façon irresponsable. Normalement, l’insolvabilité du premier débiteur entraîne les garants dans l’abyme.
Depuis 2009, dans le même état d’esprit, la crise de la dette américaine et européenne n’est pas combattue par le désendettement, mais prolongée et augmentée par des reprises de dettes de plus en plus grandes, des programmes de dettes et des plans de sauvetage. Le MES devient ainsi non seule­ment un centre de dettes, mais encore un manager de dettes central pour les banques américaines, et pour les eurocrates une autorité financière européenne dominant les finances nationales.
Formulé autrement: nos députés au Bundestag exigent du citoyen allemand – avec la loi sur les pleins pouvoirs concernant le MES – de garantir les dettes de tous les autres pays européens, ce qui inévitablement entraînera le surendettement de l’Allemagne, la baisse de notre niveau de vie et un fardeau permanent pour les générations futures. La ratification du MES nous place donc – pour les décennies à venir – devant la décision la plus lourde de conséquences en matière de politique financière et économique.
Apparemment, le gouvernement et les députés et également les dirigeants des ­partis d’opposition sont internationalement liés au point qu’ils préfèrent causer un préjudice à leurs électeurs avec des dettes – donc de les escroquer – que de résister à l’empire financier international, à son lobby et à la meute médiatique dirigée par eux. Est-ce ainsi qu’on en arrivera à une loi sur les pleins pouvoirs, au lieu de «marcher le dos droit»?
Sans cette pression internationale, nos politiciens n’auraient probablement pas toléré
•    que les critères de stabilité du Traité de Maastricht soient toujours plus rompus par tout le monde,
•    que l’exclusion de la reprise de garantie du Traité de Lisbonne (la clause du no-bail-out) soit rompue,
•    que déjà par les premiers contrats de participation aux dettes («plans de sauvetage») l’Allemagne se porte caution pour les pays européens dissolus pour une somme allant jusqu’à 700 milliards d’euros,
•    que même la Bundesbank laisse, contrairement aux statuts, s’accumuler pour 644 milliards d’euros de créances douteuses (Target 2) des Etats débiteurs,
•    et que la BCE ait repris, également contrairement aux statuts, un financement direct des Etats faillis par le rachat de leurs emprunts pour, dans un premier temps, 700 milliards d’euros,
•    et que personne n’ose exiger la restitution de l’or allemand des Etats surendettés – avant tous des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
Et ce qui a été prétendument justifié par la «solidarité européenne» n’a non seulement plus nui à l’Europe, mais l’a aussi plus divisée que toutes les mesures précédentes. La jalousie, la haine et les préjugés nationaux ainsi que les demandes de transfert dépourvues de retenue dominent la discussion en Europe. Avant tout, l’Allemagne n’a récolté pour son aide actuellement déjà excessive et désintéressée aucun remerciement, mais seule­ment plus d’exigences et de demandes de la part de l’Europe.

Les conséquences d’une ratification de la loi sur les pleins pouvoirs du MES

S’il faut partir du fait que, de façon aussi discrète que possible et sans discussion, la loi sur les pleins pouvoirs du MES soit ratifiée par le Bundestag, cela ne restera pas sans conséquences:
1. La Grèce n’a été maintenue à flot que jusqu’à ce que l’Allemagne assure la co-garantie de ses dettes par le traité du MES. La totalité des paiements à la Grèce – sans ­parler du fait qu’ils ont pour la plupart été directement transférés aux banques internationales – n’ont rien amélioré, mais plutôt de plus en plus laissé le pays choir dans l’abyme.
Par une faillite d’Etat, la Grèce pourrait introduire une nouvelle monnaie et par une dévaluation (d’au moins 60%), redevenir plus concurrentielle, au moins dans le tourisme. Seule une banqueroute d’Etat obtiendrait enfin par la force la réforme structurelle dont la Grèce a absolument besoin.
Cependant, les eurocrates ne veulent pas laisser la Grèce quitter la zone euro par une faillite d’Etat. Ils veulent continuer à faire décliner la Grèce et diriger eux-mêmes les réformes centralisatrices européennes. Pour les eurocrates, la Grèce constitue le premier cas d’application de la prise du pouvoir central par une euro-dictature sur les anciens Etats nationaux, les actuelles provinces européennes auxquelles aspirent également Schäuble, Özdemir et Steinbrück. Se pose donc la question de savoir si vraiment une éventuelle banqueroute d’Etat peut mener la Grèce au redressement financier ou si l’eurocratie veut, par soif du pouvoir, poursuivre le chemin de croix de la Grèce et empêcher un apurement général du passif. Dans le premier cas, le choc pour la Grèce serait bref et rapide, douloureux certes mais surmontable, dans le second cas, la souffrance serait prolongée, une correction structurelle évitée dans un premier temps, la douleur augmentée, la garantie des dettes pour l’Allemagne augmentée, mais par conséquent le pouvoir de l’euro assuré.
2. Mais l’Europe ne brûle pas qu’en Grèce où l’économie s’est réduite de 15% depuis le début de la crise et où plus de 28% des Grecs de 18 à 64 ans vivent déjà au seuil de la pauvreté (Eurostat). Certes, en Espagne aussi des banques ont été sauvées avec plus de 100 milliards d’euros, mais actuellement déjà plus d’un million de chômeurs sans indemnités, sans perspective et sans travail échappent au filet social. La crise de la dette laissera derrière elle des banques saines, mais une population appauvrie parce que des politiciens sans conscience ont repris des dettes bancaires sur le dos de la population et continuent à le faire à l’aide du MES.
Si, ce qui est assez certain, l’Allemagne reçoit par le MES des rappels de paiement pour le financement des dettes d’autres pays, l’union de garantie deviendra aussi pour l’Alle­magne une union de crise et nous serons précipités dans la même crise de la dette que les pays européens pour lesquels nous devons payer. Cela entraîne inévitablement un nouvel endettement, une solvabilité en chute, des intérêts en hausse et des besoins de financement supplémentaires.
De plus, l’augmentation de la masse monétaire réduira, par un développement inévitable de l’inflation, la capacité financière et les économies de la population, et les revenus courants, notamment les rentes, seront dévalués. La population ressentira donc prochaine­ment déjà les conséquences de la reprise de la responsabilité du MES dans son propre porte-monnaie. Le miracle économique des années d’après-guerre se termine ainsi même pour l’Allemagne par l’appauvrissement des masses, comme c’était durant des siècles auparavant et comme cela deviendra probablement une habitude à l’avenir.
Notre génération a trop longtemps trop bien vécu. Nous sommes devenus arrogants, avons permis aux politiciens de distribuer plus de bienfaits à l’intérieur et à l’extérieur de notre pays que nous ne pouvions simplement payer et nous avons ainsi galvaudé l’avenir de la génération montante. La prochaine génération doit subir les conséquences de cela. A moins que nous le changions encore.    •
(Traduction Horizons et débats)

Ce texte est la version raccourcie d’une contribution de l’auteur. Nos lecteurs trouveront le texte allemand complet sur le site Internet www.zeit-fragen.ch