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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°40, 6 janvier 2014  >  2014 – Année de l’agriculture paysanne familiale de l’ONU [Imprimer]

2014 – Année de l’agriculture paysanne familiale de l’ONU

thk. La question de la faim et la réponse à ce problème préoccupent l’humanité depuis des siècles. Afin de pouvoir lutter activement contre la faim, un groupe de travail international, composé du «Fonds monétaire international» (FMI), de la «Banque mondiale», de l’OCDE et des Nations Unies, a développé les «Objectifs du millénaire des Nations Unies» (Millennium Development Goals, OMD) et les a présentés en 2001.1 Le but était d’atteindre jusqu’en 2015, dans huit domaines différents de la vie sur notre planète, des améliorations significatives. L’un de ces objectifs est de réduire de moitié le nombre des individus souffrant de la faim, de près d’un milliard à 500 millions. D’une part c’est une tâche énorme, compte tenu des graves catastrophes de famine et de sécheresse sur notre planète, d’autre part cependant, c’est une honte que, malgré des greniers pleins et suffisamment de terres arables et de produits alimentaires dans le monde, il y ait toujours un si grand nombre d’individus souffrant de la faim. C’est en connaissance de cause que Jean Ziegler a intitulé son dernier ouvrage «Destruction massive. Géopolitique de la faim».2 Pour cet ancien rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation – qui, suite à ce mandat de l’ONU, analyse depuis plusieurs années déjà la question de la faim et de la situation alimentaire dans le monde – la faim et, en réalité, le fait de laisser mourir de faim des individus n’est ni une conséquence de catastrophes climatiques ou de sécheresses, ni d’une population sans cesse croissante, mais une affaire perverse dont les causes sont la spéculation et la répartition injuste des biens. Il part de l’idée qu’il y a sur notre terre assez de nourriture pour 12 milliards de personnes et que notre planète est encore loin d’être surpeuplée.3 Mais celui qui partage le point de vue des malthusiens verra la solution du problème de la faim uniquement dans une décimation de la population mondiale et accepte donc la faim comme un fait invariable. Une approche sinistre, défendue aujourd’hui encore dans certains milieux, mais réfutée depuis longtemps par la politique internationale.
Dans le contexte de cet énorme nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde, les Nations Unies ont initié en 2003, en collaboration avec la Banque mondiale, un processus international qui s’est terminé en 2008 par la publication du «Rapport sur l’agriculture mondiale» de l’«Evaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles» (IAASTD – International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and Technology for Developement).4 400 scientifiques du monde entier, dont plusieurs Suisses, ont participé à l’élaboration de ce rapport très complet. En gros, il représente une réponse à la spéculation et à la politique de force corrompue. Il remet la production agricole aux mains des citoyens et des paysans et propose ainsi une excellente alternative plus économique, plus écologique, plus durable et donc plus avantageuse que les entreprises multinationales qui font de grosses affaires avec la faim dans le monde entier: «Les petites exploitations paysannes diversifiées représentent la plus grosse partie de l’agriculture mondiale. Même si l’augmentation de la productivité se réalise plus facilement dans les grandes entreprises spécialisées avec un rendement élevé, c’est le système de la production paysanne très diversifiée sur des petits lopins de terres dans les pays en développement qui offrent le plus grand potentiel d’amélioration des conditions de vie et d’équité. Ce secteur de la petite paysannerie est très dynamique et répond rapidement à l’évolution des conditions-cadres socio-économiques naturelles auxquelles il adapte son offre de produits, notamment lors de la hausse de la demande.»5
Cela signifie tout simplement que l’avenir de l’agriculture ne réside pas dans une industrialisation toujours plus étendue, mais dans une utilisation sensée des possibilités qu’offre la petite paysannerie. Dans le rapport, il est également dit qu’en fin de compte, les petits paysans «ont davantage de rendement de la terre, ont des procédures de décision plus courtes, s’améliorent constamment et nuisent beaucoup moins à l’environnement».6
Dans 90% des cas, les exploitations paysannes sont des exploitations familiales, et selon le Rapport sur l’agriculture mondiale, cette structure a fait ses preuves et sera l’avenir de notre agriculture. En particulier dans les pays en développement, mais pas seulement là, cette structure est à la base de l’agriculture productrice depuis des siècles.
De toute évidence, cette forme de production agricole n’est pas assez promue par la politique. Au contraire, étant donné que l’agriculture fait souvent partie intégrante des accords de libre-échange interétatiques, elle est soumise à une concurrence impitoyable et les marchés des pays en développement ou des petits pays sont souvent inondés de produits à des prix cassés provenant de la production de masse des pays industrialisés. En fin de compte, l’agriculture locale est détruite, les gens dépendent de l’importation des producteurs étrangers et la sécurité et souveraineté alimentaires souhaitées sont perdues.
Pour que la faim appartienne au passé, les nations industrialisées doivent réviser leurs conceptions. Ce n’est pas le profit maximal pour un petit nombre de personne qui doit être la moteur de la politique agricole nationale et internationale, mais l’approvisionnement de la population en bons produits du terroir à des prix raisonnables qui indemnisent correctement les paysans pour leur travail. Il n’est guère probable qu’on puisse réduire de moitié le nombre des personnes souffrant de la faim jusqu’à la fin de cette nouvelle année. Néanmoins, l’humanité a le devoir d’entreprendre tous les efforts possibles pour que toute personne ait assez de nourriture à disposition.    •

1    www.un.org/depts/german/millennium/fs_millennium.html 
2    Jean Ziegler, Destruction massive. Géopolitique de la faim. Seuil 2011, ISBN 978-20210-6056-0
3    Jean Ziegler, L’Empire de la honte, Fayard 2005, ISBN 978-22136-2399-3
4    International assessment of agricultural knowledge, science and technology for development (IAASTD): Global Report / édité par Beverly D. McIntyre … [ et al.].
5    ibid , p. 379
6    ibid , p. 379

Les prestations des exploitations paysannes familiales

–    Les exploitations paysannes familiales contribuent substantiellement a? nourrir la population autochtone.
–    Elles exploitent les ressources naturelles de façon durable.
–    Les exploitations paysannes familiales sont les dépositaires d’un vaste savoir sur les écosystèmes locaux, leur évolution et la manière de les gérer.
–    Elles privilégient les cultures diversifiées aux monocultures sur d’immenses surfaces.
–    Les exploitations paysannes familiales assurent une gestion durable de leurs terres pour que leurs descendants puissent aussi y gagner leur pain quotidien.
–    Les exploitations paysannes familiales assument la responsabilité de leur production et de leurs produits. Elles sont le garant d’une très grande qualité.
–    Elles traitent leurs animaux avec respect et veillent au bien-être animal.
–    Grâce aux exploitations paysannes familiales, la valeur ajoutée de la production alimentaire et le pouvoir de décision dans l’agriculture restent entre les mains de la population rurale.
–    Les exploitations paysannes familiales contribuent a? la création et au maintien d’emplois dans les régions rurales, car les secteurs en amont et en aval de la production dépendent de leurs activités. Dans les pays en voie de développement, cette prestation joue un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté.
–    Les exploitations paysannes familiales se distinguent par leur souplesse et leur capacité d’adaptation, et ce aussi dans un contexte difficile comme celui de la situation critique de l’économie mondiale ou de conditions climatiques défavorables.
–    Elles promeuvent l’occupation décentralisée du territoire et ralentissent l’exode rural.
–    Les exploitations paysannes familiales façonnent le paysage de leur région.
–    Elles contribuent a? perpétuer les traditions.
–    Une transmission du savoir a lieu entre générations au sein des familles paysannes.
Tous ces aspects montrent que les exploitations paysannes familiales participent au développement durable dans ses trois dimensions:
–    Sur le plan écologique: elles exploitent leurs terres et les ressources naturelles de sorte que leurs descendants puissent continuer a? vivre de l’exploitation.
–    Sur le plan économique: elles gèrent leur exploitation de sorte que leurs enfants et petits-enfants puissent reprendre une exploitation reposant sur des bases financières saines.
–    Sur le plan social: la sécurité sociale est assurée par la cohabitation de plusieurs générations au sein d’une famille paysanne. En dehors de la famille, elles forment des communautés solides, étant donne? que grâce a? leurs activités, ces exploitations assurent la survie d’autres secteurs dans les régions rurales et perpétuent des traditions et des coutumes régionales.

Source: www.familyfarming.ch.