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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°38, 26 septembre 2011  >  Le sens de la justice et la sensibilité à autrui sont une mission de l’éducation [Imprimer]

Le sens de la justice et la sensibilité à autrui sont une mission de l’éducation

Le sens de la justice et la sensibilité à autrui sont une mission de l’éducation

par Eliane Gautschi, psychologue et enseignante spécialisée

Sans cesse nous entendons et lisons des nouvelles sur des incidents, dans lesquels des enfants et des jeunes – souvent d’une manière grave – enfreignent le droit. Nous entendons parler de bandes d’enfants qui vont ensemble pour faire des vols et cambriolages. Pensons à l’exemple des jeunes de Küsnacht près de Zurich qui ont assommé, lors d’un voyage de classe à Munich et par pur ennui, des passants en les blessant gravement. La tendance à commettre des actes de violence ne diminue malheureusement pas. Cela est confirmé par les études publiées fin août par le Service de centralisation des statistiques de l’assurance accidents suisse (SSAA)1 de la Suva et de l’Institut criminologique de l’Université de Zurich.2 L’étude du SSAA constate que les blessures corporelles dues à la violence dans l’espace public ont augmenté rapidement et massivement depuis le milieu des années 90. Ce sont surtout les jeunes hommes entre 15 et 24 ans qui sont spécialement concernés et entre 1995 et 2009 leur risque d’être blessés a triplé. L’auteur relève aussi que, contrairement à une intervention décidée dans l’espace privé et professionnel, on n’a pas encore trouvé de réaction convenable à l’encontre de la violence dans l’espace public.3 L’étude de l’Institut criminologique de Zurich retient en ce qui concerne les expériences de victimes dans la population du canton de Berne, que la Suisse a chuté au niveau européen par rapport à la sécurité.4 Ces nouvelles font réfléchir. La question se pose sérieusement de chercher comment nous pouvons donner une instruction et une orientation à la jeunesse grandissante pour une vie commune. Toute la société est appelée à faire un tournant. Nos enfants et notre jeunesse ont de nouveau besoin d’une «adhérence au sol». Ainsi ils doivent savoir de quel cadre de loi ils font obligatoirement partie. Ils doivent aussi connaître les conséquences des infractions contre la loi. La vie commune dans un état de droit démocratique ne peut fonctionner que si les citoyens et les citoyennes approuvent la constitution et la loi comme base obligatrice et si cette base est transmise à la prochaine génération. C’est un devoir pour nous tous d’y introduire les enfants et la jeunesse.
Au cours de l’histoire des idées se sont formées dans toutes les sociétés des règles déterminant comment la vie commune doit être organisée pacifiquement et satisfaisante pour tout le monde. Les avis diffèrent selon la culture, mais ils sont unanimes dans le principe de l’égalité devant la loi. Ce qui a été établi dans le passé oralement, par des anciennes coutumes et des droits transmis, est réglé aujourd’hui par des textes de loi en filigrane. Ils reflètent la conception des valeurs et de la morale de la communauté humaine et forment la base d’un état démocratique. Le législateur doit veiller à ce que les lois soient justes et qu’elles soient compréhensibles et réalisables dans leur sens et leurs effets. C’est ainsi que naît la confiance sur la base de la loi, sans laquelle un état de droit fonctionnant bien n’est pas pensable. Ce fondement doit être transmis d’une génération à l’autre, sinon les relations humaines se détruisent, la vie commune se délabre et la structure commune se délite. En l’occurrence il ne suffit pas de connaître «la loi à la lettre», mais l’action et la pensée humainement correctes doivent être intériorisées. Des enfants et des jeunes doivent apprendre à veiller sur leur prochain et sur eux-mêmes, à gérer des situations de danger correctement et à prendre des mesures de précaution, afin que personne ne subisse un préjudice. Il est important qu’ils développent la faculté de faire pénitence, d’avouer une culpabilité et de faire une réparation, ou dans le cas inverse de donner la main pour trouver une solution conciliante.
Les bases psychiques nécessaires pour un sens de la justice et la sensibilité à autrui doivent être semées chez l’enfant durant l’éducation. Ce pas de mûrissement psychique va de pair avec la formation d’une conscience naturelle, qui doit être l’indicateur de jugement de ses propres actes et de ceux des autres. Ces dernières décennies, ce devoir se pose d’une nouvelle manière. Pendant des siècles, les valeurs définitives de la culture chrétienne occidentale ont été déduites de la bible. Elles étaient un fondement important de l’éducation et donnaient aux parents un soutien dans le processus de l’éducation, et elles marquaient le développement des sentiments chez les enfants d’une manière décisive. Ces dernières décennies, beaucoup de gens se sont éloignés de la foi chrétienne. Ainsi s’est formé aussi un vide de valeurs donnant une signification profonde et qui doivent être transmises à l’enfant par l’éducation. Beaucoup d’enfants et de jeunes souffrent aujourd’hui du manque d’instruction et de modèles pour s’orienter et donnant un sens et un but à leur vie. Le résultat est que, chez beaucoup d’enfants et de jeunes, une conviction mentale manque dans les valeurs humaines. Ils se sentent mentalement sur un terrain vague et peuvent arriver plus facilement sur des faux chemins, et être victimes de stratégies de séduction de psychologie de masse. Ici nous devons absolument arriver à un revirement. Nous devons nous souvenir des bases de notre vie commune et exploiter à nouveau le potentiel de richesse de notre culture européenne. La génération à venir a besoin de notre instruction et de notre modèle vécu comme fondement pour un mode de vie digne dans une société démocratique. Le livre de Caroline Walser Kessel (cf. l’article ci-dessous) apporte un élément utile à l’accomplissement de ce devoir.    •

1     Lafranconi, Bruno, Neuer Höchststand der Gewalt unter jungen Menschen, Ergebnisse der Statistik der Unfallversicherung nach UVG, édité par le Service de centralisation des statistiques de l’assurance accidents suisse (SSAA), le 31/8/11
2    Killias, Martin et al. Studie zur Kriminalität und Opfererfahrungen der Bevölkerung im Kanton Bern, Analysen im Rahmen der Schweizerischen Opferbefragung 2011, édité par l’Institut criminologique de l’Université de Zurich.
3     voir le communique de presse de la Suva du 30/8/11
4     Les deux études méritent notre attention et vont être présentées de plus près dans une des prochaines éditions d’Horizons et débats.