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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°34, 11 novembre 2013  >  La politique familiale dans le contexte international [Imprimer]

La politique familiale dans le contexte international

par Karl Müller

Un coup d’œil dans le livre paru en traduction allemande en 2009, écrit par l’analyste et stratège américain George Friedman intitulé «The Next 100 Years: A Forecast for the 21st Century» [Les 100 prochaines années: un scénario pour le XXIe siècle] montre jusqu’où vont les dimensions de la politique familiale. La thèse centrale de Friedman est que, malgré certains revers pour les Etats-Unis, le XXIe siècle sera en fait le siècle américain. L’Europe, en tant que concurrent potentiel, est par contre sur le déclin.
Friedman établit un lien entre ce destin prédit à l’Europe, la transformation de la famille sur notre continent, et le développement concomitant de la population: «Dans le passé, une réduction de la population signifiait en général perte de pouvoir. Cela s’appliquera aussi à l’Europe.» Le point de départ cependant se trouve aux Etats-Unis. Selon Friedman «au début de l’ère américaine, les Etats-Unis ont grand intérêt à briser les modèles traditionnels de la société. Cela provoque le degré d’instabilité qui leur procure la plus grande marge de manœuvre.»
Au préalable, il faut préciser que l’affirmation de Friedman éveille l’impression qu’il est sur la trace d’un genre de lois naturelles relatives au développement social, économique et politique. Très rarement seulement il laisse entrevoir, qu’il s’agit de développements qui ont été ou vont être induits de manière ciblée. C’est ainsi qu’il écrit qu’on ne peut pas freiner «la transformation de la famille» et justifie cette transformation de manière purement matérialiste – sans nommer d’acteurs, qui produisent ou veulent produire ce changement.
Le développement principal dans ce contexte est «le recul dramatique du taux de natalité dans le monde». Friedman écrit que «ce changement démographique caractérisera le XXIe siècle» et que quelques-unes «des plus importantes nations industrielles du monde, avant tout la Russie et l’Allemagne, perdront une relativement grande partie de leur population.»
En tant que matérialiste, Friedman pense que le mariage n’est plus aujourd’hui «une nécessité économique» et toujours en tant que matérialiste, il parle «des racines démographiques du féminisme»: «Etant donné que les femmes passent toujours moins de temps à mettre au monde et à élever les enfants, elles sont aujourd’hui beaucoup moins dépendantes des hommes qu’il y a 50 ans.» Friedman poursuit en disant que «le curriculum vitae traditionnel a fait son temps»: «Autrefois, la vie commune avec un partenaire allait de pair avec le mariage»; «aujourd’hui, ces deux choses ne sont plus liées.»
Même la reproduction «n’est actuellement liée ni à un partenariat conjugal ni à un partenariat extra-conjugal». Une durée de vie plus élevée, des taux de natalité en baisse et une durée de formation professionnelle plus longue ont abouti à un «effondrement du modèle biographique et social traditionnel». Cette évolution n’est «plus réversible». La conclusion de Friedman est la suivante: «Les anciennes différences entre les hommes et les femmes» disparaîtront «tôt ou tard.» Des relations entre partenaires du même sexe et sans enfants deviendront «une alternative acceptable».

L’UE veut mettre au pas la politique familiale

Depuis plusieurs années déjà, il existe au niveau européen, dans le domaine de la politique familiale, des modèles d’argumentation semblables. Dans la plupart des pays européens, ce sont ceux qui tentent de définir la politique familiale de la manière suivante qui ont la priorité dans les médias: en premier lieu hommes et femmes doivent pouvoir exercer une profession. Les femmes qui préfèrent s’occuper de l’éducation de leurs enfants pendant quelques années et qui renoncent donc à un salaire sont considérées comme défavorisées, voire rétrogrades. Les enfants doivent être placés dès que possible et de manière générale dans des établissements privés ou étatiques d’accueil et d’éducation de l’enfance. A ces fins, des fonds étatiques doivent être mis à disposition. Tout soutien financier étatique pour les parents qui décident néanmoins de s’occuper de leurs enfants et de les éduquer à la maison est exclu.
Cela est conforme aux objectifs de l’UE: l’extension de la garde externe des enfants selon les «Objectifs de Barcelone» et l’augmentation du nombre des femmes ayant accès au marché du travail selon la «Stratégie de Lisbonne». Il s’agit toujours de subordonner la politique familiale à de prétendues réflexions économiques.
En réalité, l’UE n’est pas habilitée à prendre des décisions relatives à la politique familiale. Néanmoins, elle s’immisce fortement dans la politique familiale des Etats membres. Les «Objectifs de Barcelone» ont été adoptés en mars 2002 par le Conseil européen. Les Etats membres sont invités à «éliminer les freins à la participation des femmes au marché du travail et, compte tenu de la demande et conformément à leurs systèmes nationaux en la matière, à s’efforcer de mettre en place, d’ici 2010, des structures d’accueil pour 90% au moins des enfants ayant entre trois ans et l’âge de la scolarité obligatoire, et pour au moins 33% des enfants âgés de moins de trois ans». Selon un rapport de la Commission européenne d’octobre 2008, ces «‹Objectifs de Barcelone› font partie intégrante de la Stratégie européenne pour la croissance et l’emploi». Et le dernier rapport de la Commission européenne de juin 2013 avait pour titre: «Les Objectifs de Barcelone. Extension des structures d’accueil pour enfants en bas âge en Europe dans le but d’une croissance durable et intégrative.»
La «Stratégie de Lisbonne» est un programme adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement à Lisbonne en mars 2000, selon lequel l’UE aurait dû se transformer au cours de la décennie suivante en l’espace de croissance le plus compétitif et dynamique du monde.
Cependant, c’est une chimère, si l’on croit pouvoir promouvoir durablement l’économie européenne tout en éliminant les fondements du vivre-ensemble. Dans son livre, George Friedman répond d’une certaine manière à la question de savoir par qui on s’est laissé duper.    •