Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°8, 25 février 2013  >  La politique familiale fédérale est superflue [Imprimer]

La politique familiale fédérale est superflue

Les cantons et les communes assument pleinement leur rôle. Il faut continuer à respecter le principe de la subsidiarité.

par Pierre-Gabriel Bieri, Centre Patronal

«Famille»: un mot magique

Suffit-il de prononcer le mot «famille» pour anéantir tout esprit critique et neutraliser toute opposition, même sensée et argumentée? C’est probablement ce qu’espèrent les partisans du nouvel article constitutionnel sur la famille, soumis au vote populaire le 3 mars prochain. La disposition proposée demande d’«encourager les mesures permettant de concilier la vie de famille et l’exercice d’une activité lucrative ou une formation»; elle précise que «les cantons pourvoient en particulier à une offre appropriée de structures de jour extrafamiliales et parascolaires»; elle assène enfin insidieusement que «si les efforts des cantons ou de tiers ne suffisent pas, la Confédération fixe les principes applicables». C’est là une parfaite illustration du populisme de gauche qui cherche à imposer une centralisation des compétences et un accroissement de l’Etat social en employant des termes lénifiants qui plaisent au citoyen de base, lequel n’en retient que ceci: on va enfin faire quelque chose pour les familles!
C’est notamment le rôle des politiques d’expliquer que l’enjeu ne se résume pas à cela. En ce sens, on doit se réjouir de ce que les deux grands partis de droite de la scène fédérale appellent à rejeter cet objet. Il reste pourtant encore beaucoup à faire si l’on veut éviter un vote purement émotionnel et déconnecté de la réalité politique.

D’une offre suffisante, librement choisie ...

S’agissant de l’offre en structures d’accueil, il importe d’affirmer que les cantons et les communes assument pleinement leur rôle. Le nombre de crèches ne cesse de croître et des cantons mettent en place des fondations destinées à augmenter l’offre d’accueil. Les chiffres montrent qu’aujourd’hui près de 50% des familles – et même plus de 71% des familles monoparentales – ont la possibilité de confier leurs enfants de moins de quatre ans à des structures d’accueil. Aller au-delà ne serait pas raisonnable et équivaudrait à se rapprocher dangereusement d’une prise en charge systématique des enfants par l’Etat, dont on ose affirmer qu’elle n’est pas souhaitable dans une société libérale!
Certains objecteront, comme toujours, que la situation n’est pas la même dans tous les cantons, et que c’est pour cela qu’il faut permettre à la Confédération d’imposer une offre minimale. Il semble pourtant que tous les cantons suisses sont dotés d’une constitution démocratique qui permet à leurs citoyens de revendiquer ce dont ils estiment manquer. Les cantons qui se contentent de solutions plus modestes, et donc moins onéreuses, ne le font certainement pas contre la volonté de leurs citoyens et il serait inconvenant qu’on utilise le levier d’une compétence centralisée pour leur imposer des minimas qu’ils n’ont pas librement choisis.

... à une dérive collectiviste hors de prix

Et quels minimas, d’ailleurs? L’offre en structures d’accueil doit représenter un bon équilibre entre ce qui est souhaitable et ce qui est finançable. Cet équilibre varie selon les situations et chaque gouvernement le définit selon ses besoins et ses possibilités. Gageons que des fonctionnaires fédéraux n’auront pas ce même souci de réalisme et édicteront des normes en fonction de critères abstraits – on entend déjà parler de normes européennes particulièrement «généreuses» – en laissant les cantons, et donc les contribuables, se débrouiller pour financer ces «modèles parfaits». L’inflation programmée d’un tel système, selon un modèle hélas trop connu, coûtera toujours plus cher mais ira également dans le sens d’une collectivisation toujours plus poussée de la prise en charge des enfants. Est-ce vraiment cela que souhaitent les familles?

Des mesures imposées aux entreprises?

Surtout, il s’agit de prendre conscience que la «conciliation la vie de famille avec l’exercice d’une activité lucrative» peut signifier bien plus que les seules structures publiques d’accueil. Le nouvel article constitutionnel fait explicitement référence aux «efforts de tiers», ce qui signifie que des mesures pourront aussi être imposées notamment aux entreprises: structures d’accueil supplémentaires, voire aménagement du temps de travail. En outre, dans le domaine des assurances sociales, il faut s’attendre à de nouvelles revendications en vue d’un congé de paternité. La conclusion est toujours la même: renforcement de la collectivisation et coûts exorbitants.
Bien sûr, tout cela n’arrivera pas d’un seul coup. Mais la machine sera lancée et chaque «petite» étape supplémentaire sera quasiment impossible à stopper. Si l’on veut éviter de ruineuses aventures et rester dans un système libéral, il faut dès à présent refuser de mettre le doigt dans cet engrenage faussement séduisant.    •

Source: Centre Patronal, Service d’information no 2923 du 5/2/13