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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°28, 20 juillet 2009  >  De Solferino à la Croix-Rouge [Imprimer]

De Solferino à la Croix-Rouge

Exposition spéciale au Musée Henry-Dunant à Heiden

par Urs Knoblauch

Sans l’initiative du Suisse Henry Dunant il n’y aurait pas de Comité International de la Croix-Rouge. Sa consternation humaine et son intime conviction de soulager les souffrances humaines, voire de les empêcher, peu importe s’il s’agit d’amis ou d’ennemis, ont posé la pierre fondamentale d’une organisation qui est aujourd’hui active à l’échelle mondiale et dont le travail est irrempla­çable.
La conviction et l’activité d’Henry Dunant sont d’autant plus importantes à la lumière des temps présents. C’est uniquement grâce à la stricte neutralité et au traitement parfaitement égal de tous les Etats, deux éléments-clés de la politique extérieure de la Suisse, que le CICR peut remplir sa tâche humanitaire. Si tous les Etats adoptaient ce comportement comme point de départ de leur politique, comme l’exige le président de l’Assemblée générale de l’ONU, Miguel D’Escoto-Brockmann, les générations futures ne connaîtraient les guerres et les conflits violents plus que par les livres d’histoire.
Si l’humanité veut survivre, nous devons prendre de tels chemins. L’initiative d’Henry Dunant montre qu’un seul homme peut initier un mouvement international si son engagement se fonde sur l’égalité et l’humanisme.
Le Musée Henry-Dunant qui sera présenté et décrit ci-dessous, témoigne de cette œuvre bénéfique.

Le Musée Henry-Dunant à Heiden dans le pays d’Appenzell est dédié au grand humaniste suisse et à l’œuvre d’Henry Dunant (1828–1910). C’est ici à Heiden que le lauréat du Prix Nobel a passé ses 23 dernières années. Le musée, inauguré en 1998, le seul de par le monde, montre l’activité bénéfique du fondateur de la Croix-Rouge. Heiden est situé sur une terrasse ensoleillée du Rorschacherberg, 400 mètres au dessus du Lac de Constance, dans les collines de l’Appenzell. Ici, pendant la Seconde Guerre mondiale, la population suisse et la Croix-Rouge ont aidé, par-dessus le lac, les voisins allemands et les enfants qui souffraient de la misère de la guerre. On se rappelle surtout de nos jours avec gratitude cette aide exemplaire entre voisins dans la région du Lac de Constance, en la souhaitant à tous ceux qui souffrent des guerres dans le monde d’aujourd’hui.
C’est sur cette toile de fond qu’une excursion au Musée Henry-Dunant est encore plus enrichissante. Lors d’une promenade dans la magnifique station de vacances et de cure de Heiden, les visiteurs peuvent découvrir les lieux historiques de la seconde patrie d’Henry Dunant. Pour cette occasion Johannes Huber a écrit le petit livre illustré «Heiden – Ein Gang durch die Geschichte und Architektur» (Heiden – un parcours à travers l’histoire et l’architecture). Sur la Place Dunant, dans le parc avec vue sur le Lac de Constance se trouve une sculpture impressionnante de Dunant créée par la sculptrice Charlotte Germann-Jahn. Elle représente l’amour du prochain en action du fondateur de la Croix-Rouge. Au centre du village remarquable composé de beaucoup de bâtiments historiques bien soignés, se trouve le Musée Henry-Dunant Heiden. Dans ce musée, le visiteur peut apprendre beaucoup de choses intéressantes sur la vie et l’œuvre de cet homme exemplaire. Avec le soutien de beaucoup de personnes, d’une fondation, de la commune et du CICR, le musée à l’honneur du fondateur de la Croix-Rouge a pu être créé. A l’origine, c’est le menuisier et historien local Jakob Haug de Heiden qui a initié le musée et aussi le monument de Dunant. Au musée, la biographie de Dunant est présentée dans quatre belles salles d’exposition avec de nombreux objets et documents. C’est dans cette maison, l’ancien hôpital du district, où Henry
Dunant a vécu comme pensionnaire pendant des années, qu’il a pu recevoir le 10 décembre 1901 le premier Prix Nobel de la Paix.

«Tutti fratelli» – Un souvenir de Solferino

A l’occasion du 150e anniversaire de la bataille de Solferino, le musée de Heiden a monté une exposition spéciale «De Solferino à la Croix-Rouge». Elle documente les faits et le contexte émouvants de la bataille de Solferino, dont Henry Dunant, le 24 juin 1859, a été le témoin «d’une des batailles les plus sanglantes de l’histoire récente» dans l’arrière-pays du lac de Garde. Il est consterné par les souffrances et il commence tout de suite, avec les hommes et les femmes des environs, à aider les soldats de toutes les parties en guerre. Les femmes disaient «Tutti fratelli – tous des frères», c’était là le sentiment spontané et le fond des actions d’Henry Dunant qui ne faisait aucune différence entre les trois parties en guerre, chacun étant un homme égal aux autres et ayant besoin d’aide. Cette attitude spontanée et humaine, cette éthique et cette compassion, c’est dans sa famille, pendant son enfance et adolescence qu’il a pu les développer et c’est devenu sa raison de vivre. La famille et Henry Dunant se sont engagés dans les activités d’association d’aide aux pauvres, dans des prisons et dans la Société d’aumônes dans sa ville natale de Genève. C’est ce bain de sang épouvantable, les soldats agonisants et morts sans aucune aide à Solferino qui ont fait naître chez Dunant la volonté de créer une œuvre d’entraide internationale.
En 1860/61 il a travaillé pendant une année pour écrire son livre, connu dans le monde entier: «Un souvenir de Solferino». Dans ce livre il rapporte ses expériences et émotions en tant que secouriste et témoin de la bataille sanglante de Solferino de 1859 dans l’arrière-pays du Lac de Garde. Le livre a déjà paru en 1862 et il est devenu la base de l’œuvre de la Croix-Rouge. Napoléon III, empereur des Français, Franz Josef I, empereur autrichien, et Victor Emmanuel II, roi de Sardaigne ont mené avec leurs soldats, leurs mercenaires et leur cavalerie une guerre lors de laquelle pour la première fois des projectiles en forme
conique ont été utilisés et ont causé de plaies pires qu’auparavant. «Sur les champs de
bataille gisaient 40 000 morts et blessés», peu d’entre eux ont survécu et des milliers de soldats sont morts plus tard de maladies comme le typhus, la malaria et le scorbut
et d’autres maladies contagieuses. Le soin aux blessés et le ravitaillement en denrées vitales étaient totalement insuffisants. Dans l’église de Castiglione se trouvaient 500 blessés.

Eveiller la pitié, la compassion, la bonté et la charité

Déjà en 1863 Henry Dunant a réussi de faire des pas décisifs pour la création d’une organisation d’entraide internationale et neutre. Le 22 août 1864 à Genève, 16 Etats ont signé la Première Convention de Genève «pour l’amélioration du destin des blessés sur le champ de bataille». Dans les années suivantes, Dunant a dû surmonter de lourdes déceptions personnelles avec des amis et la Croix-Rouge et des pertes financières. «L’engagement de Dunant pour la Croix-Rouge eut pour conséquence qu’en 1867 sa maison de commerce fit faillite.» Il avait espéré qu’avec les recettes de moulins il pourrait financer la Croix-Rouge. Il ne pouvait pas rembourser les sommes empruntées à ses créanciers à Genève, il a été condamné par la Cour Civile de Genève et il a dû démissionner comme secrétaire de la Croix-Rouge. Il a quitté Genève et a vécu à Paris dans des circonstances pauvres et il a survécu en travaillant en tant que journaliste. Lors de l’Exposition universelle de Paris il a cependant reçu une médaille d’or en reconnaissance de ses mérites. Sans perdre courage il poursuit son but de soulager les souffrances de la guerre et d’empêcher la guerre en tant que telle. Il trouve toujours du soutien lors de ses nombreux voyages diplomatiques. Après le début de la guerre franco-allemande il a fondé une
«Société universelle de secours», et en 1871 une «Alliance universelle de l’ordre et de la civilisation» dont l’intérêt principal était la paix sociale et un Tribunal arbitral international. A Londres, Dunant est nommé secrétaire de la «Peace Society». Après de nombreux efforts diplomatiques et voyages à Stuttgart, Venise, Bâle, Berne, Londres et autres destinations il avait aussi de grands soucis financiers et son état de santé s’est détérioré.

Nouvelle patrie à Heiden

En 1887, il arrive, sur les conseils d’amis, pour la première fois à Heiden, la station connue pour ses cures d’air et de petit-lait, afin de se reposer. En 1888, il fonde une section de la Croix-Rouge à Heiden. Il trouve ici le repos et la paix et une nouvelle patrie, après son engagement incessant pour l’amélioration du sort des prisonniers de guerre et la construction de la Croix-Rouge. Dès 1892, il vit et travaille pendant 18 ans comme pensionnaire à l’hôpital du district où le médecin-chef, le docteur Hermann Altherr le soigne de façon exemplaire sur le plan médical aussi bien qu’humain. Il lui a fait parvenir toute aide nécessaire. Ce qui est aussi important, c’est son amitié avec la famille Sonderegger et leurs enfants. Sonderegger a aidé Dunant en traduisant son livre «Un souvenir de Solferino» en allemand. Ici il pouvait écrire et mener sa correspondance avec beaucoup de personnes dans le monde entier et continuer son travail philosophique et artistique d’écrivain, sa vision d’un monde sans guerre.

Henri Dunant a presque été oublié

C’était un hasard et un coup de chance que le journaliste George Baumberger, très engagé sur le plan humain, ait écrit en août 1895 un article «Über Land und Meer» (A travers les pays et la mer) dans lequel il attirait l’attention sur Henry Dunant qui avait presque été oublié. Il vaut la peine de s’occuper un moment de la biographie de Baumberger, qui est venu à l’âge de 26 ans avec sa femme à Hérisau où elle a géré une épicerie. Baumberger, grâce à sa capacité d’«une formulation écrite claire» a été appelé comme secrétaire du plus ancien cercle de lecture appenzellois, la «Sonnengesellschaft». Bientôt le journaliste, avide d’apprendre, a écrit pour les journaux appenzellois dans les domaines de la politique sociale et l’économie nationale. Plus tard, il est devenu rédacteur du journal «Ostschweiz» à Saint-Gall, ensuite rédacteur à la réputée «Neue Zürcher Nachrichten», et de 1913 à 1917 il a été élu au Conseil communal de Zurich. Mais il est resté attaché au pays d’Appenzell, il est venu à Brülisau où il aimait le contact avec les paysans montagnards.

Henry Dunant reçoit le Prix Nobel de la Paix

Par l’article très remarqué de Baumberger, l’attention pour Henry Dunant a été réveillée. Des contacts se nouent et il reçoit de nombreux honneurs. A partir de 1896, il reçoit une rente annuelle de la Tsarine russe Maria Feodorowna et le premier prix du Congrès médical de Moscou. De la Confédération Suisse il reçoit le Prix Binet-Fendt et le 10 décembre on lui attribue, notamment grâce à la médiation de Bertha von Suttner et du pacifiste français Frédéric Passy, le premier Prix Nobel de la Paix. En 1908, il fête son 80e anniversaire et il est honoré mondialement. En 1910, Henry Dunant meurt à Heiden, sa tombe se trouve au cimetière Sihlfeld à Zurich.
Pour ne pas courir le risque que la jeune génération oublie le fondateur de la Croix-Rouge, le Musée Henry Dunant organise souvent des expositions et activités spéciales qui attirent l’attention sur cet homme extraordinaire et sur les bienfaisances de la Croix-Rouge. Un grand mérite revient surtout à l’historien Hans Amann qui a rédigé les nombreuses brochures représentant les différents thèmes d’exposition, également celle de l’exposition actuelle.
Ainsi, en 2010, à l’occasion du 100e anniversaire du décès, aura lieu une grande «Année Dunant» sous la devise: «Dunant – on a besoin de toi.» Il y aura beaucoup de manifestations, le plus de classes scolaires possibles devront avoir la possibilité de prendre conscience de cette substance humanitaire précieuse de la Suisse et de sa responsabilité dans le monde. On a prévu l’organisation d’une conférence internationale de la jeunesse pour la paix et la création et l’exécution d’une importante œuvre musicale. Un coffret pour la paix et un manuel pour les écoles paraîtront pour ce jubilé. Plus de 220 per­sonnes dont Jakob Kellenberger, le président du CICR et membre du comité de patronage de l’année Dunant 2010, ont déjà peint une grande croix rouge sur une toile pour l’exposer et la vendre aux enchères. Avec beaucoup d’engagement la commune, l’association «Année Dunant 2010, Heiden», le Musée Henry-Dunant et une association spécialement fondée en 2006 pour cette occasion préparent cet événement. Horizons et débats reviendra sur le sujet.    •

Renseignements sur les heures d’ouverture du Musée Henry-Dunant Heiden: tél. +41 71 891 44 04,
www.dunant-museum.ch ou Appenzellerland Tourismus AR Heiden: tél. +41 71 898 33 01.
On peut y obtenir aussi des publications informatives qui guident à travers l’histoire et la culture de Heiden et documentent la vie d’Henry Dunant. On trouve une bonne introduction dans le cahier 23 des Editions Appenzeller Heft: «Henry Dunant – Das Appenzellerland als seine zweite Heimat».