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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°40, 24 septembre 2012  >  «Voglio fare il Cittadino» – Je veux devenir un citoyen [Imprimer]

«Voglio fare il Cittadino» – Je veux devenir un citoyen

Leçon d’initiation tirée d’un manuel tessinois d’instruction civique

mw./ts. «Ne l’oublie jamais et rappelle-le au bon souvenir de tes amis. Connaître à fond la commune dans laquelle on vit signifie en même temps saisir la structure entière de notre démocratie.» Cette phrase met en lumière l’objectif poursuivi par le manuel d’instruction civique publié au canton du Tessin sous le titre «Voglio fare il Cittadino», en français «Je veux devenir un citoyen». Cette phrase montre que le lecteur a en mains plus qu’un simple manuel d’instruction civique.
Cet ouvrage précieux est une initiation dans les fondements de la démocratie directe, qui ne s’adresse pas qu’à la raison, mais aussi au coeur. Le but est de présenter à la jeunesse la structure vivante de la démocratie directe, en prenant comme exemple une commune tessinoise pour en décrire toutes les facettes, jusqu’aux plus fines, ce qui devrait permettre aux jeunes gens d’assumer leur rôle de citoyens ou de citoyennes actifs, tant sur le plan communal que cantonal et fédéral.
Ce manuel veut aussi nous rappeler, en tant que Suisses, jeunes ou âgés, de quelle démocratie unique nous disposons: une démocratie qui vit essentiellement de la prise de conscience des citoyens de leurs droits politiques et de leurs devoirs, et de leur chance de pouvoir contribuer à une vie commune digne. «Voglio fare il Cittadino» peut aussi aider nos amis dans d’autres pays à mieux comprendre notre système de démocratie directe. Car c’est dans la commune, c’est-à-dire dans la communauté étatique la plus petite, que débute le développement de la démocratie directe.
Pour conserver cette conquête précieuse, ce doit être notre plus grand souhait de poser les bases auprès de notre jeunesse, de la volonté et la capacité de vouloir devenir citoyen. Eros Ratti, qui connaît les communes tessinoises comme personne d’autre, a pris en mains cette tâche de façon admirable. C’est lors d’entretiens en tête-à-tête avec le «Cittadino» de 18 ans, qui souhaite vivement devenir un citoyen, que cet enseignant d’instruction civique s’attaque avec une grande compréhension pour les jeunes gens et une bonne dose d’humour à ce travail de développement. C’est une lecture prenante et en même temps amusante pour tout un chacun qui lit la langue italienne – il est indispensable de traduire dans les autres langues nationales cet ouvrage fondamental pour la compréhension de la démocratie directe.
Eros Ratti explique en 16 chapitres aux élèves et autres lecteurs et lectrices le fonctionnement des communes tessinoises, de façon variée et plaisante, par de nombreux exemples parlants et de fort belles illustrations. Etant donné qu’«Horizons et débats» a déjà présenté des extraits de la quatrième leçon concernant les assemblées de commune qui représentent un élément central de la démocratie directe (cf. n° 17 du 30/4/12), il est prévu de publier à l’avenir dans nos colonnes d’autres chapitres de ce livre transposés en français par les traducteurs de la Coopérative Zeit-Fragen, chapitre par chapitre.
Nous commençons par la leçon d’introduction intitulée «Je veux devenir un citoyen, mais comment faire?» Le lecteur y apprend ce que la lumière électrique et l’eau ont à voir avec le fait d’être citoyen et combien important est le fait de traiter à égalité la population en matière d’utilisation des services publics. Mais aussi, à quel point le sens des responsabilités et la faculté de prendre des décisions responsables, qui touchent aussi d’autres personnes, doivent faire partie d’un citoyen en démocratie.

Je veux devenir citoyen, mais comment faire?

Ma perplexité

Je m’appelle «jeune citoyen» et je suis né vers la fin du XXe siècle, j’aurai donc d’ici quelques jours atteint mes 18 ans.
Depuis mon enfance, j’ai une idée fixe: je veux devenir «citoyen». Peut-être du fait de mon nom; peut-être parce que le destin le veut ainsi; peut-être parce que j’étais différent des autres.
Il n’en reste pas moins que j’ai réussi, malgré nombre de difficultés.
Ce qui m’avait surpris et freiné dans mon enthousiasme du début, c’était l’absence de tout repère permettant d’apprendre à devenir citoyen.
J’ai frappé aux portes à Bellinzone (celles du bâtiment gouvernemental); je me suis renseigné auprès de différentes administrations communales; j’ai téléphoné à des personnes que je connaissais, j’ai tenté ma chance par Internet et par courriels. En vain. Personne n’a pu me donner les renseignements souhaités.
Pourquoi donc?
Finalement, j’ai compris – ce qui répond à ma question – qu’on ne trouve dans aucune liste des formations professionnelles, si complète soit-elle, la «profession» de citoyen. Il s’agit d’une profession qui ne s’apprend que très lentement et par un effort personnel, en s’appuyant sur le peu d’informations que ta famille ou tes enseignants t’ont transmises, ou même la société dans laquelle tu vis.
Toutefois, contrairement à la plupart des autres, j’ai eu de la chance. Lors d’une promenade avec mon amie le long de la promenade du lac, j’ai rencontré par hasard un homme habitant Ascona qui m’a conseillé de m’adresser à Monsieur Eros Ratti, de Gambarogno.
J’ai rencontré ce monsieur un jour plus tard; vous pourrez en lire le résultat en tournant la page et sur toutes les pages suivantes: elles contiennent ses réponses.
Grâce à lui, j’ai réellement appris à devenir un «citoyen». Je vous souhaite à vous aussi la même chance. Bonne lecture.

Bien à vous, votre «jeune citoyen»

Réponse de Monsieur Eros Ratti

Cher «jeune citoyen»,

C’est avec plaisir que je réponds à tes questions, d’autant plus que je me souviens fort bien (quel hasard!) que dès l’école primaire d’Indemini, j’avais ressenti le désir de devenir un citoyen.
Et cela non pas du fait de l’enseignement de mon maître, Monsieur Pedroni, donné avec soin et compétence, mais du fait que dans ces années trente je me heurtais dans la famille et à l’école, quotidiennement, à des événements qui soulevaient en moi un tas de questions.
Pour te répondre, je m’appuie avant tout sur le courant électrique et l’eau potable: en lisant ceci, tu dois sûrement te demander ce que l’électricité et l’eau ont à faire avec le vœu d’être un citoyen.
Pourtant il y a des liens.
Enfant, j’allais souvent pendant les vacances d’été chez ma grand-mère qui vivait en plaine, à Gerra Gambarogno et je m’étonnais de voir dans sa maison la lumière électrique et l’eau potable. En ce temps-là déjà, ces différences ne me paraissaient pas justes.
Pourquoi devais-je, chez moi, me rendre à l’autre bout du village pour boire de l’eau à la fontaine?
Pourquoi devais-je dépenser tant d’effort pour allumer la lampe à pétrole et avoir le soir un peu de lumière pour terminer mes devoirs?
Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai trouvé les réponses à ces questions, lorsque j’avais appris à être citoyen.
Si tu veux suivre mon exemple, alors lis les pages que je joins à cette lettre; pas qu’une fois, mais plusieurs fois et toujours de nouveau, jusqu’à saturation; ce n’est qu’ainsi que tu apprendras à être un citoyen.
Je te souhaite beaucoup de plaisir à cette lecture, «jeune citoyen», et je te félicite pour le magnifique choix que tu as fait.

Eros

Attention! Ne l’oublie jamais, et rappelle-le à tes amis: connaître à fond la commune dans laquelle on vit, signifie qu’on saisit en même temps l’ensemble de la structure de notre démocratie.

Réflexions fondamentales

(ou un premier repère pour une éducation en vue de devenir un citoyen démocratique)

La première réponse et notamment la description des événements vécus par l’élève Eros montrent clairement la voie pour l’éducation vers la citoyenneté démocratique. Ils expliquent les «différences» qu’il peut y avoir entre les citoyens d’un Etat selon qu’ils ont vécu dans telle commune ou dans une autre.
Ces différences qui touchent, en l’occurrence, deux services publics différents, la fourniture de l’eau et celle de l’électricité; des différences qui ont disparu dans notre démocratie helvétique, mais qui existent malheureusement encore dans beaucoup d’autres parties du monde.
Ce constat nous révèle un des aspects cruciaux qui forment la base de l’éducation en vue de devenir un citoyen démocratique: le traitement des citoyens sur en pied d’égalité concernant l’utilisation des services publics.
Cette égalité de traitement ne doit pas seulement exister «sur le papier», mais doit être appliquée par l’accès réel aux services pour tous les citoyens. Il est indispensable de réaliser ces objectifs, soit du fait des habitants qui prennent de manière réfléchie cette décision au sein même de leurs structures locales ou, le cas échéant, par la décision de l’ensemble des citoyens d’un Etat solidaire.
Finalement, on peut dire que la démocratie – dans ce domaine ou dans d’autres – exige de la part du citoyen «d’avoir une haute conscience de ses devoirs pour être capable de prendre de manière réfléchie les bonnes décisions et d’avoir, en même temps, les capacités de prendre, le cas échéant, des décisions autonomes, qui concernent aussi ses semblables.