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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°28, 9 juillet 2012  >  Une visite à la Maison de Raiffeisen à Flammersfeld [Imprimer]

Une visite à la Maison de Raiffeisen à Flammersfeld

Héritage oblige – l’histoire revécue

Interview du maire Josef Zolk, par Christine et Christian Ottens

La visite dominicale dans la Maison d’habitation et de fonction nouvellement rénovée de Friedrich Wilhelm Raiffeisen à Flammersfeld devait devenir pour nous une expérience humaine impressionnante.
Le maire Josef Zolk nous accueillit déjà dans le hall d’entrée. Il guide les visiteurs intéressés une fois par semaine en alternance avec trois autres citoyens engagés bénévolement à travers le domicile d’habitation et de travail de Raiffeisen.
Ici, on revit grâce à un petit voyage dans le temps, la manière dont Raiffeisen a vécu et travaillé. La maison de Raiffeisen, vieille de 250 ans, est aujourd’hui un musée avec un jardin paysan. A cette époque, entre 1848 et 1852, le réformateur social Friedrich Wilhelm Raiffeisen (*30/3/1818 † 11/3/1888) travaillait en tant que maire. L’idée de Raiffeisen, l’aide à l’auto-assistance a déclenché un mouvement d’ampleur mondiale. Il fît construire entre autres des écoles et veilla à l’agrandissement de l’actuelle rue de Raiffeisen à Hamm/Sieg en direction de Neuwied, afin que les agriculteurs aient une liaison plus propice vers la ville pour pratiquer leur commerce. Il fonda les associations «Weyerburscher Brodverein» pour soulager la famine et à Flammersfeld la «Hilfsverein zur Unterstützung unbemittelter Landwirte» (Association pour le soutien des agriculteurs démunis), auprès de laquelle les paysans pouvaient épargner mais aussi emprunter de l’argent pour acheter par exemple des appareils et du bétail. En 1864, il fonda la «Heddesdorfer Darlehenskassenverein» (association de caisse de prêts) qui servit de modèle à de nombreuses banques coopératives qui existent aujourd’hui partout dans le monde.
Dans un entretien particulier, nous avons pu poser nos questions à ce maire très engagé.

Christine et Christian Ottens: Monsieur Zolk, depuis combien de temps êtes-vous maire de Flammersfeld?

Josef Zolk: C’est ma treizième année.

Comment vous est venue l’idée de rénover cette maison de Raiffeisen?

Cette maison a été au rez-de-chaussée un musée régional pendant 15 ans. Raiffeisen a joué ici bien sûr un rôle, mais c’était un peu un pêle-mêle, et alors nous avons soudain eu la possibilité, grâce au soutien de l’Union allemande de Raiffeisen qui siège à Bonn, d’acheter cette maison et de la rénover – ce que nous avons réalisé. Nous avons tout changé et nous avons développé un concept didactique.

Des organisations Raiffeisen dans 36 Etats du monde

Le concept didactique devait mettre au centre Friedrich Wilhelm Raiffeisen, mais ce ne devait pas être une imitation de ce qui existait déjà dans sa ville natale de Hamm, mais avoir un propre style. De plus, nous voulions rendre le tout moderne au niveau de la didactique de musée. On a en grande partie réussi et nous avons écrit des textes qu’on peut aussi comprendre quand on n’est pas connaisseur de la matière. Nous faisons l’expérience que l’idée des coopératives connaît une vraie renaissance. C’est ainsi en Allemagne, quand je pense à la Coopérative pour l’énergie de Friedrich Wilhelm Raiffeisen, mais il en est de même au niveau mondial, quand je regarde la carte du monde, nous avons aujourd’hui dans 36 Etats des organisations Raiffeisen. Le siège international des organisations Raiffeisen est à Bonn et les organisations Raiffeisen autrichiennes ont même leurs filiales en Chine. La semaine dernière, nous avons eu de la visite de l’Internationale Raiffeisen­union – il y avait des Africains, des Chinois, des Asiatiques – là justement les Japonais ont beaucoup développé dans le domaine des coopératives et c’était formidable.
Maintenant, nous avons les informations en plusieurs langues, parce que nous avons souvent des visites de l’étranger. Surtout dans les pays en voie de développement, la fondation des coopératives joue un très grand rôle. Quand on prend en Allemagne les banques populaires et de Raiffeisen et additionne la somme de leur bilan, alors on arrive à une somme plus élevée que celle du bilan de la Deutsche Bank. Normalement, on ne l’apprend pas, et lors de la crise économique, «seulement» 2% des coopératives ont fait faillite.

D’où cela vient-il?

Cela repose sur la petite structure avec des commissions de surveillance claires. Chaque banque coopérative a son conseil de surveillance et là les choses sont encore contrôlables. Et chaque membre a une voix. Elles n’ont pas participé à l’engouement financier et les grandes banques se sont en partie d’abord moquées d’elles. Le fait de conserver ces structures et de ne pas participer à cette pratique financière des grands, devenue incontrôlable, s’est révélé être juste. La stabilité des banques coopératives, cela vaut aussi pour les caisses d’épargne est nettement plus élevée. Il faut ajouter que les banques coopératives sont en fait les banques de la couche moyenne (Mittelstand). La Deutsche Bank ne voulait pendant longtemps pas s’abaisser à accorder des prêts en dessous d’un million de francs tandis qu’on peut vraiment dire des banques coopératives qu’elles sont les banques des petites et moyennes entreprises, comparables aux caisses d’épargne.

Vous tenez donc aussi des conférences?

Nous voulions préserver la pensée de Raiffeisen dans la région et nous avons développé ce que nous avons aujourd’hui. Quand je dois tenir quelque part une conférence sur Raiffeisen, je prends ces transparents avec moi – et je fais souvent des exposés sur ce sujet.

Qui vous le demande?

Les maisons de formation, les politiciens … Par exemple, je viens de tenir une conférence au Crédit mutuel à Strasbourg, c’est la fondation d’une des plus grandes banques françaises de Raiffeisen.
Comment la pensée de la coopérative se retrouve-t-elle dans le système bancaire?
Chacun détient une voix indépendamment de l’argent qu’il investit. Les membres de la coopérative élisent les commissions de surveillance, et alors les taux d’intérêts sont contrôlables. A l’époque de Raiffeisen, les taux d’intérêts s’élevaient à plus de 100%. Raiffeisen avait fixé les taux d’intérêts à 7%. Pour Raiffeisen, il était important de garantir la vue d’ensemble. Il ne voulait pas attacher les crédits à une grande banque, mais les relier à la commune – souvent à la paroisse.

Donc, on ne faisait pas d’affaires au-delà du secteur régional?

Raiffeisen plaçait la relation avec le secteur régional au centre. Raiffeisen a toujours eu l’idée qu’il était préférable que le prêtre prenne la caisse, en raison de son honnêteté présumée. La contrôlabilité et le fait que les personnes aisées déposaient de l’argent et que ceux qui n’avaient pas beaucoup d’argent obtenaient aussi des crédits, était pour lui très important. Ici, à Flammersfeld, il a motivé 61  personnes à verser de l’argent dans le pot afin que d’autres puissent le retirer, et bien sûr ils devaient le rembourser avec un taux d’intérêts, mais «seulement» de 7%. C’est bien sûr tout à fait différent par rapport au taux de 100%.

Etes-vous historien?

J’ai fait une formation en histoire, en politique et en philologie allemande et j’ai une solide formation de professeur de lycée – mais je n’ai jamais travaillé à l’école. J’étais actif pendant 16 ans dans la formation pour adultes au Bade-Wurtemberg dans le service ecclésiastique, et j’ai dirigé un atelier de formation professionnelle pour personnes atteintes de troubles d’apprentissage. Ensuite, j’ai travaillé à la direction du ministère fédéral du Travail et du «Grundsatzabteilung» (direction de principe), et j’ai toujours voulu entrer à la mairie à 50 ans. Une fois, mon ancien chef me dit: «On cherche un maire chez nous». «Merci, alors vous allez tout de suite perdre un collaborateur», et cela s’est passé ainsi. Le chef habitait ici à Flammersfeld, pas loin d’ici. Ainsi, je suis venu en tant qu’habitant du Bade-Wurtemberg dans le Westerwald. Nous voulons préserver l’héritage de Raiffeisen.

Il place l’être humain au premier rang

Raiffeisen ne s’est pas seulement engagé dans le domaine des crédits et des coopératives ou dans la construction de route, mais aussi pour une bonne formation scolaire. Il a construit et rénové des écoles, il a veillé à ce que les enseignants soient sobres le matin et qu’ils soient mieux formés. Il s’est occupé des mineurs, puisque nous sommes ici dans une région d’exploitation de mines. Par exemple, les propriétaires forestiers ne voulaient pas que les mineurs passent par la forêt en allant à la mine – ce qui se faisait tout à pied autrefois – à cause du gibier. Alors, il s’est disputé avec eux jusqu’à ce que les mineurs puissent prendre le chemin direct par la forêt pour aller à la mine – ce qui a diminué leur temps de marche de moitié. Il a toujours vu l’être humain. Il est né en 1818 comme Karl Marx. Ce dernier est mort en 1883 et lui en 1888. Karl Marx a publié en 1848 avec Engels le Manifeste du Parti communiste. – Un spectre hante l’Europe, le spectre du communisme. – Raiffeisen a débuté en 1848 à Flammersfeld – en même temps avait lieu l’Assemblée nationale de Francfort dans l’Eglise de Saint-Paul de Francfort où s’est tenue entre 1848 et 1849 l’élection de la première représentation du peuple librement élue en Allemagne. De plus, à partir de mars 1848, la première Assemblée des catholiques a eu lieu. Tout se condensait à cette époque-là. Les paysans sont devenus libres à partir de 1818 et ne sont plus dépendants. Cependant, on en vient au partage des propriétés foncières et les terrains sont devenus toujours plus petits. Les terrains existants ont été partagés entre les enfants. Avec un nombre d’enfants aussi élevé, la superficie était bientôt trop petite pour être cultivée. Parallèlement, l’industrialisation commence, bien que celle-ci n’ait pas joué un grand rôle dans le Westerwald. Mais lorsque Raiffeisen est parti d’ici pour descendre à Neuwied respectivement à Heddesdorf, aujourd’hui Neuwied, il y a rencontré au bord du Rhin les ouvriers de l’industrie et s’est occupé aussi de ceux-là. Il a également offert des cours de formation pour le peuple et installé des bibliothèques. Donc Friedrich Wilhelm Raiffeisen est une personnalité incroyablement dense. Nous sommes reconnaissants de pouvoir l’honorer ici et nous le faisons avec grande joie.

Monsieur Zolk, nous vous remercions pour cet entretien intéressant sur la vie et le travail de F. W. Raiffeisen à son époque, et son importance pour les questions actuelles de notre époque.     •

(Traduction Horizons et débats)