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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°47, 24 novembre 2008  >  Pas de prolifération sauvage d’éoliennes [Imprimer]

Pas de prolifération sauvage d’éoliennes

Depuis plus d’une douzaine d’années, la FP se préoccupe de l’impact sur le paysage et sur la qualité de la vie de l’implantation désordonnée d’éoliennes toujours plus hautes, et jamais la menace n’a été aussi proche et lancinante qu’en 2007. Outre de grandes entreprises électriques suisses, des bureaux privés, des consultants internationaux, des associations locales, des communes et des cantons, et jusqu’aux agriculteurs en mal de diversification, chacun y va de ses projets de parcs éoliens ou d’aérogénérateurs isolés. Une rapide revue de presse nous permet d’en évaluer le nombre à quelque deux cents, sur une cinquantaine d’emplacements. Il est vrai que les conditions propices à l’éclosion d’appétits financiers et d’espoirs de contribution au sauvetage de la planète sont créées de toutes pièces: avec le rachat obligatoire et garanti pour 20 ans du courant éolien à un prix largement supérieur à celui du marché, le Parlement fédéral a inventé une machine à sous dont le jackpot sera obtenu à coup sûr.
Et l’argumentation climatique de la réduction d’émissions de CO2, à laquelle s’ajoute l’hypothèse du remplacement des centrales nucléaires, sont sur toutes les langues. Dans ce contexte, la mise en doute de l’apport énergétique des éoliennes faute de vents suffisants en Suisse et la dénonciation du caractère industriel de ces installations projetées dans les rares endroits exposés et isolés où un ressourcement humain aurait encore été possible font figure d’errements rétrogrades.
Cependant, la FP maintient son avis et sa ligne de conduite critiques malgré l’euphorie générale. Il serait vraiment regrettable qu’il faille avoir construit des dizaines de turbines de 150 à 180 m de hauteur pour qu’une tardive prise de conscience voie le jour. Notre action indirecte s’est concrétisée au niveau parlementaire fédéral lors du débat sur la base légale de la rémunération de l’électricité injectée dans le réseau et produite au moyen d’énergie renouvelable. Cette mesure d’incitation financière a impliqué la modification de la Loi fédérale sur l’énergie (LEne), dont les dispositions d’application seront codifiées dans l’Ordonnance sur l’énergie (OEne). Or, sur une suggestion de la FP, la LEne aujourd’hui en vigueur comporte des prescriptions sur l’adéquation au site des nouvelles installations de production. Mais la nouvelle Loi sur l’approvisionnement en électricité et le projet d’OEne tel que soumis par l’Office fédéral de l’énergie à la consultation ignorent totalement cette problématique, bien qu’il soit indispensable de préciser en quoi consiste l’adéquation au site et quels critères permettent de la définir. Constatant cette lacune, la FP a pris l’initiative de rédiger une proposition de directives en mesure d’y suppléer, et les a soumises au début de février 2008 à tous les Offices cantonaux d’aménagement du territoire.
Dans une démarche analogue à celle de plusieurs cantons, celui de Soleure a engagé une planification interne visant à déterminer le potentiel éolien de son territoire et subsidiairement les emplacements qui s’y prêteraient. Un représentant de la FP a été invité à participer aux réunions et visites des lieux au sein d’un groupe de travail multidisciplinaire chargé de formuler, sur proposition d’un bureau privé mandaté, un rapport à l’intention du gouvernement cantonal. Là aussi, suivant en cela les préjugés dominants, le groupe de travail ne s’est pas attardé à examiner la présence ou non de vents suffisants, mais a sélectionné des sites dont aucun ne figure dans le «concept fédéral de l’énergie éolienne en Suisse» de 2004. En outre, le groupe de travail n’a pas tenu compte des conflits avec les secteurs protégés. L’échec devant le Tribunal administratif cantonal du Jura de l’opposition de la FP à la fixation de zones éoliennes dans le plan d’aménagement local de la minuscule commune du Peuchapatte est également symbolique d’un état d’esprit. Ainsi, 3 aérogénérateurs de 150 m de hauteur seront très probablement construits dans un des sites bocagers les plus extraordinaires des Franches-Montagnes. En admettant que les implantations de parcs éoliens planifiées par le gouvernement cantonal (St-Brais, en construction, Les Breuleux/Le Peuchapatte, Les Bois et Lajoux) seront toutes concrétisées, il ne restera plus aux amoureux de calme et de grands espaces harmonieux qu’à éviter soigneusement les hauts du Canton du Jura. A l’étranger, en particulier dans les pays européens où l’exploitation de la force des vents dispose déjà de 10 à 15 ans d’expérience, les mouvements populaires d’opposition sont en forte croissance. Au Danemark, seules des installations offshore sont dorénavant autorisées; en Allemagne, certaines éoliennes sont bloquées la nuit sur ordre des autorités afin de faire respecter le sommeil et la santé de voisins, et en France, l’Académie des Beaux-Arts a émis un préavis foncièrement négatif à la poursuite de la politique éolienne menée jusqu’ici, en recommandant pour le moins un moratoire de réflexion.
La prolifération incontrôlée d’éoliennes risque de mettre en cause la matière première de notre économie touristique, les pay­sages que nous vantons et vendons dans le monde entier. Une intervention globale, coordinatrice et régulatrice, doit absolument faire place au laisserfaire mâtiné d’encouragement à tout prix actuel.    •