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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°29, 21 juillet 2008  >  Proche de l’homme [Imprimer]

Proche de l’homme

Exposition de photos et publication sur le photographe de reportage suisse Theo Frey

par Urs Knoblauch, Fruthwilen TG

Theo Frey (1908-1997) fait, à côté de Werner Bischof, Hans Staub, Gotthard Schuh ou Paul Senn, partie des classiques des photographes de reportage suisses qui avaient saisi de façon digne et intuitive la vie des gens, de la population ouvrière et des événements de l’époque. Mais son œuvre complète n’est guère connue et c’est le grand mérite de la «Schweizerischen Stiftung für die Fotographie» (la Fondation de la photographie suisse) de rendre accessible cet ouvrage. Dans beaucoup de pays on peut encore découvrir des trésors des photographes philanthropiquement disposés qui méritent d’être propagés. On peut visiter l’exposition, qui mérite d’être vue, à la «Fotostiftung Schweiz» à Winterthur jusqu’au 24 août 2008.

Theo Frey, né à Hochdorf dans le canton de Lucerne, était ingénieur mécanicien de formation; plus tard il travailla comme radio-technicien et commerçant en radio ambulant. En 1933, il a décidé d’entrer comme photographe dans la vie professionnelle. Son travail principal s’est développé à la fin des années 30 et 40, dédié à la vie rurale et à l’activité humanitaire en Suisse. Ses photos montrent moins les instantanés dramatiques que la perception intuitive des rencontres humaines dans la vie quotidienne. «Theo Frey exprimait dans ses photos l’engagement social et une sympathie profonde pour la vie des petits gens.» Il travaillait pour différentes revues de famille (Zürcher Illustrierte, Föhn, Neue Zürcher Zeitung). Son reportage de 1936 sur la décharge d’«Herdern» à Zurich montre sa grande proximité envers le prochain et sa compassion pour les pauvres et les chômeurs. Les jeunes gens «retournent le tas de scorie entier pour en tirer scrupuleusement les morceaux de charbons encore valables afin de pouvoir chauffer le salon à la maison.»
Mais il doutait souvent de sa profession de photographe: «J’avais toujours de la peine à vite classer mes impressions, à réduire un processus à ses éléments essentiels et à exprimer l’état des choses de façon claire et brève.» Entre 1938 et 1939, il a réalisé une série de douze portraits de communes pour l’exposition nationale suisse, qui témoignaient de la diversité culturelle en Suisse. Il y soulignait avoir rencontré pendant ce temps des concitoyens intègres. Ce n’était «pas du tout des femmes et des hommes influencés par des pensées nationalistes. J’y ai gagné confiance et espoir.»
Au début de la Seconde Guerre mondiale, il était – comme reporter officiel de l’armée suisse – également responsable de la conception du «détachement des photographes». Ses photos du rapport du Grütli du 25 juillet 1940 avec le général Guisan et son reportage sur les soldats internés en Suisse montrent sa profonde solidarité humaine.
Dans le cadre de son travail de longues années pour l’Aide Suisse aux Montagnards, Theo Frey développa son style spécifiquement documentaire avec ses photos intuitives de la vie rurale. Souvent il fallait veiller sur dix enfants dans une famille de paysans montagnards. La mère faisait le travail principal, le père était, pendant la guerre, occupé dans le service actif, dans l’agriculture ou dans le commerce. Ce n’est qu’avec la coopération de tous qu’on pouvait gagner le minimum vital.
Les textes de Theo Frey sur les reportages photographiques, par exemple celui datant de 1938 sur le village du Haut-Valais Visperterminen, rapprochent encore davantage le spectateur de ses photos. Ici «la cohabitation est mise à l’épreuve sur plusieurs siècles – en collaboration et une base de grande famille.» Avec une grande affection et une connaissance approfondie, il dépeint la vie al­pestre par ses images et textes: «J’ai profité du fait que j’ai grandi à la campagne, toujours en contact avec les enfants de paysans.»
Ainsi l’autosuffisance sur l’Alpe, la répartition communautaire des tommes de fromage, les anciennes règles de séparation des moutons rentrant de la vallée de la Nanz, et la vendange commune, sont fixées dans des photos fort impressionnantes.
Peter Pfrunder, diecteur de la Fondation photographique Suisse et éditeur de cette publication, renvoie aux photos finement observées «non journalistiques» donnant des aperçus des chambres paysannes ou des cuisines avec ustensiles et outils qui laissent deviner «la misère et les peines, mais aussi les espoirs et les rêves des habitants des lieux.»
L’héritage précieux implique 100 000 négatifs, 3500 feuilles de présentation de photos et 21 livres justificatifs contenant des reportages et beaucoup d’autres documents. En 1989, l’Office fédéral de la culture a acquis ce trésor à l’intention de la Confédération et a participé à sa reconstitution scientifique. En 2006, la collection est arrivée, à titre de prêt permanent, à la Fondation photographique Suisse, et les héritiers ont complété ces archives par des donations.

Travail humanitaire exemplaire

A partir des années 50, le photographe de reportage a mis son travail au service des ­œuvres humanitaires et s’est placé en tant que reporter plutôt à l’arrière-plan. Sabine Münzenmaier écrit dans le catalogue: «L’engagement de Theo Frey pour les œuvres humanitaires en Suisse a commencé dès automne 1945, lorsqu’il a visité les régions détruites par la guerre en Lorraine et en Normandie, chargé par la Croix-Rouge suisse (CRS). En tant que délégué du Secours aux enfants de la CRS, il a été chargé après la guerre de faire un rapport spécial sur la misère des enfants.
Depuis le milieu des années 50, il fut en outre engagé pour le Secours d’Hiver, Pro Juventute, Pro Infirmis et Pro Senectute.»
L’intérêt qu’il portait à ces domaines humanitaires et à la population montagnarde est né dès 1940 quand il fut chargé d’œuvrer pour le «Fond de Reconstruction National», au plan de cultures agricoles de Traugott Wahlen. Le «Plan Wahlen», très prévoyant, devait prévenir une pénurie alimentaire en Suisse, quand menaçait l’embargo des forces de l’Axe. A côté du rationnement, une augmentation de la production alimentaire indigène avait été mise en œuvre. «Theo Frey a pris fait et cause pour l’engagement humanitaire, la modestie, le sens du bien commun et l’intégrité, des valeurs donc qui, à l’époque, étaient considérées comme typiquement suisses.»
L’actualité de notre époque nous impose d’informer les jeunes générations de ces valeurs, de ce message humain, qui est une expression de la nature sociale de l’homme. Elles y sont sensibles.    •

L’exposition sera ouverte jusqu’au 24 août. Informations: +41 052 234 10 30 ou info@fotostiftung.ch, www.fotostiftung.ch