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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°15, 20 avril 2009  >  L’objectif était-il de contaminer ces mers avec de l’uranium? [Imprimer]

L’objectif était-il de contaminer ces mers avec de l’uranium?

15 tonnes d’uranium ont été larguées sur la région du partage des eaux

Prise de position de Velimir Nedeljkovic, professeur à la Faculté de sécurité du travail de l’université de Nis, Serbie (janvier 2007)

Je suis spécialiste des questions d’énergie et d’hydrotechnique. Né en 1942, j’ai vécu deux guerres. Celle de 1999 fut la seconde.
Il existe actuellement dans le monde de nombreux types d’armes nouvelles, surtout pour la destruction d’armes lourdes comme les chars d’assaut et celle des bunkers et des forteresses. Il y a plusieurs années, pendant la guerre du Golfe, on a utilisé des armes à l’uranium appauvri (UA). Ces munitions ont ensuite été utilisées en Bosnie-Herzégovine, dans la République Srpska et en 1999 en Serbie et au «Kosovo et Metohija». Entre le 24 mars et le 10 juin 1999, la Serbie a été bombardée pendant 80 jours entiers avec ces armes qui étaient nouvelles pour nous: c’est-à dire avec des armes à l’UA.

Sept ans plus tard, nous ressentons nettement ce que cela signifie

Aujourd’hui, on n’en parle plus beaucoup dans le monde, comme si on voulait cacher la vérité. En Serbie, nous tenons absolument à faire partie des pays développés et à jouir de tous les avantages de la civilisation. Dans le monde entier, l’espérance de vie augmente plus ou moins, surtout dans les pays les plus développés. Prenons par exemple le Japon, où il n’est pas rare que les gens atteignent l’âge de 100 ans. En même temps, en Serbie, l’espérance de vie va constamment diminuer. La raison en est que le territoire est contaminé par l’UA.
Seuls les pays riches peuvent se permettre de faire des recherches scientifiques avec des techniques sophistiquées pour prouver la relation entre l’augmentation des cancers et l’utilisation de munitions à l’UA. Actuellement, nous ne sommes pas capables de le faire, mais nous ressentons nettement dans notre chair les effets de ce qui s’est passé en 1999.
Ce que les deux parties, c’est-à-dire l’OTAN et notre pays, ont reconnu, c’est que ces munitions ont été utilisées 112 fois en Serbie, dont 107 fois sur le territoire du Kosovo et Metohija et 5 fois en Serbie du Sud et 1 fois dans la péninsule de Lustica au Monté­négro.
La question se pose de savoir pourquoi c’est justement la Serbie du Sud qui a été bombardée avec ces munitions. Elle passe pour une région sous-développée, peu peuplée et dépourvue de forteresses. Une des cibles qui ont été détruites était l’antenne relais de télévision située sur la montagne de Plackovica près de Vranje.
Après la guerre de 1999, l’armée a clôturé la région avec des barbelés qui ont été enlevés par la suite par les paysans indigènes pour y faire paître le bétail.
Il est très probable que dès la première année de la guerre l’UA ait pénétré dans la terre et dans la nappe phréatique et qu’à cause du vent, de la pluie et d’autres phénomènes climatiques, l’UA se soit propagé sur un périmètre plus étendu.
Cette zone, ainsi que d’autres à Bratoselac et Borovec près de Bujanovic n’ont été nettoyées qu’en 2004. Maintenant nous sommes en 2007, sept ans après les bombardements et il reste encore des zones qui n’ont pas été nettoyées, tel le village d’Areljan près de Presevo, mais j’espère qu’il le sera cette année encore. Beaucoup trop de temps s’est écoulé et il se peut que les particules d’UA se soient propagées sur des territoires plus vastes et les aient contaminés.

Ligne de partage des eaux

Comme la Serbie du Sud est sous-développée et sans installations militaires importantes, il est logique qu’on se demande pourquoi elle a été bombardée avec ces munitions. Ceux qui connaissent bien la géographie pourront constater que c’est une région de partage des eaux, c’est-à-dire qu’il y a là-bas deux bassins fluviaux. L’un, avec les rivières Pcinja et Melodimka, aboutit via le fleuve Vardar à la mer Egée, l’autre, avec la rivière Sitnica près d’Urosevac, aboutit via les fleuves Juzna Morava, Velika Morava et le Danube à la mer Noire. Ainsi, depuis sept ans, la mer Egée et la mer Noire sont contaminées. Tout le monde sait que les projectiles à l’UA sont utilisés pour détruire à haute température les chars d’assaut, les bunkers, etc. Pendant la guerre, il n’y avait pas ce genre de cibles dans cette région. La question se pose donc de savoir pour quelle raison il y a eu des bombardements. Est-ce que ces bassins fluviaux devaient être contaminés pour une très longue durée, voire pour l’éternité (on sait que la demi-vie de l’UA est de 4,5 milliards d’années)?

«Il n’existe pas d’explication satisfaisante pour le choix d’une cible importante de bombardements avec des armes à l’UA dans le Sud, à la ligne de partage des eaux de deux cours d’eau: pas d’installations militaires, pas de ville, pas d’usine, rien qui pourrait présenter un intérêt stratégique. On estime que 15 tonnes d’uranium appauvri ont été larguées dans les environs de Urosevac. C’est de là que partent les deux fleuves pour se jeter, l’un dans le Danube, qui se jette à son tour dans la mer Noire, et l’autre dans la mer Egée. Voulait-on contaminer ces deux mers avec de l’uranium ou du plutonium?»
Velimir Nedeljkovic

La Serbie est en tête pour l’augmentation des cas de cancer de l’utérus

Il appartient aux pays développés de prouver la relation entre l’utilisation des munitions à l’UA et l’augmentation des cancers. Pour nous, en Serbie, il est clair qu’on ne peut pas empêcher les cancers et qu’on observe une augmentation dans le monde entier. Mais elle n’est pas partout pareille. Chez nous, elle est considérable. On a constaté récemment que la Serbie était en tête pour l’augmentation du cancer de l’utérus, qui atteint surtout les femmes jeunes. 1500 nouveaux cas ont été signalés dont 450 ont entraîné la mort de la patiente.
Nous n’avons pas les moyens d’effectuer un dépistage permanent pour déceler la maladie à son stade initial où elle peut être le mieux guérie. Les cas découverts dans notre pays sont des cas tardifs difficilement guérissables. C’est probablement la raison pour laquelle notre taux de décès est un des plus élevés d’Europe. Cela, il faut le dire afin que le monde sache ce qui s’est vraiment passé en 1999 sur notre territoire. Il s’agit en réalité d’un écocide [écocide: destruction d’un écosystème, en l’occurrence à la suite de bombardements] ou, pour dire les choses encore plus clairement, d’une expérience gratuite sur des êtres vivants. Ceux qui nous ont bombardés observent minutieusement les résultats de l’augmentation des cancers qui montrent en réalité que ce n’est pas du tout aussi bénin qu’on l’a prétendu au début. Ce qui est aussi étonnant, c’est qu’au début notre pays se soit tu à ce sujet. Ce sont les gouvernements des pays dont les soldats servaient dans les troupes de l’OTAN qui en ont parlé les premiers, soldats italiens, allemands, portugais chez qui on a tout d’abord découvert le syndrome des Balkans et les cancers.
Tout le monde sait qu’actuellement, il y a en Italie et en Allemagne des procès en dommages-intérêts intentés par les familles de soldats décédés.

Violation des Conventions de Genève

Devant les tribunaux, les experts ont prouvé la relation existant entre la mort de ces soldats et leur séjour au Kosovo et Metohija lors de l’agression de l’OTAN contre la Serbie.
Il n’est pas nécessaire d’être très intelligent pour constater que les munitions à l’UA nuisent à l’environnement et à la santé humaine. Ce que les pays membres de l’OTAN soulignent, c’est-à-dire que les munitions à l’UA n’appartiennent pas à la catégorie du nucléaire, n’est que partiellement juste. Il est vrai qu’il n’y a ni réaction nucléaire ni rayonnement important. A cet égard on ne peut pas considérer les munitions à l’UA comme des armes nucléaires.
Mais ce sont des armes qui tuent sans discrimination en raison de leur toxicité, qui causent aux soldats et à la population civile des souffrances considérables et sont pour cette raison interdites par les Conventions de Genève.
De nombreuses conventions, traités et protocoles internationaux ont été violés lors de la guerre de 1999. Mais le monde n’en tient pas compte.

La demi-vie de l’UA est de 4,5 milliards d’années

Aujourd’hui, l’être humain est exposé en permanence à beaucoup de formes de rayonnement: rayonnement cosmique, radiations produites par les appareils ménagers, par les antennes relais, les téléphones mobiles, etc., mais l’UA agit avant tout comme un puissant ionisateur. J’insiste donc sur le fait que l’effet le plus terrible sur l’organisme humain n’est pas le rayonnement de l’UA mais la possibilité de l’ionisation, qui provoque un dysfonctionnement des cellules. Quand les particules alpha de l’UA pénètrent dans l’organisme par inhalation, par ingestion ou par la peau, l’organisme a des problèmes car ces particules provoquent une perturbation du fonctionnement cellulaire. Les cellules ne sont plus capables de communiquer normalement avec d’autres cellules et de se multiplier. Ce sont là les premiers signes de la maladie. Naturellement, ce début ne se remarque pas dans l’organisme, ce qui rend le diagnostic difficile. C’est seulement quand les premiers symptômes de maladie ou de dysfonctionnement apparaissent que la maladie peut être identifiée.
Il existe encore un autre fait. La plus grande partie des nanoparticules est éliminée pendant les 15 premiers jours par l’urine. Au cours des 100 premiers jours, plus de 80% sont éliminées, mais une petite partie reste dans les tissus, surtout dans les tissus mous. Dans les ganglions lymphatiques, le cerveau, la moelle osseuse, le sang, et cela a en permanence des effets nocifs sur la santé.
Comme la demi-vie de l’UA est de 4,5 milliards d’années, la meilleure mesure à prendre dans les régions contaminées est de les dépolluer et d’effectuer des contrôles sanitaires permanents de la population.    •

Source: Extrait d’un texte déjà paru dans Horizons et débats no 17 du 7/5/07

Le ministère italien de la Défense a été condamné à verser d’importants dommages-intérêts

hd. Quand six soldats italiens ont contracté une leucémie et en sont morts juste après leur engagement au Kosovo pendant la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie, on a contesté qu‘il y ait un lien entre ce fait et les bombardements avec des munitions à l’uranium appauvri (UA). On a inventé des «explications» irrationnelles comme un «cluster de leucémies chez les jeunes gens» et après une réunion de l’OTAN au début de 2001, le sujet est devenu tabou dans les médias. Le physicien anglais Keith Baverstock a découvert qu’on a même supprimé des données dans un rapport des Nations Unies qui montraient que les armes à l’UA utilisées dans certaines régions de la République fédérale de Yougoslavie étaient cancérigènes. Comme le montrent les communiqués italiens ci-dessous, on ne peut pas continuer à contester ces faits. Le nombre de soldats morts ou tombés malades à la suite des différents engagements militaires ne cesse d’augmenter. Un tribunal italien a reconnu ce lien et a condamné le ministère italien de la Défense à d’importants dommages-intérêts (500 000 euros).

Paolo Cariello, de Tarente, adjudant des forces de l’air, est décédé il y a deux ans. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on apprend sa mort. Deux carabinieri malades en Sardaigne, dans les provinces de Sassari et Nuoro; un adjudant des forces navales de la province de Venise a contracté un lymphome; deux autres soldats de la province de Venise ont fait une rechute. Ce sont là les derniers cas de 2008 qu’on peut attribuer aux effets des armes à l’UA.
Falco Accame souligne qu’on ne connaît pas le chiffre exact des morts, il oscille entre 80 et 160. Le nombre des malades se situe entre 300 et 2500.
Source: vittimeuranio.com du 28/12/08
Hier avait lieu l’enterrement de Giovan Battista Marica, un ancien parachutiste mort des suites des armes à l’uranium.
Son état s’était amélioré mais on a dû à nouveau le transporter à l’hôpital de Santa Chiara de Pise après qu’il ait eu des problèmes de santé à la suite d’une grippe virale. L’organisme du parachutiste était déjà affaibli par un lymphome de Hodgkin qu’on avait diagnostiqué à son retour de Somalie en 1993. La commune entière d’Orbetello assistait aux funérailles.
Etaient également présents les avocats qui avaient mené le combat judiciaire ayant conduit à une indemnisation. Ce combat s’était terminé en décembre 2008, au bout de 15 ans, par le verdict du tribunal de Florence qui avait condamné le ministère de la Défense italien à d’importants dommages-intérêts pour non-respect du principe de précaution.

Source: vittimeuranio.com du 13/3/09