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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°16, 5 mai 2013  >  Une longue histoire lie la Suisse à la Russie [Imprimer]

Une longue histoire lie la Suisse à la Russie

thk. Les relations de la Suisse avec l’immense Empire russe, et maintenant avec la Fédération de Russie, ont connu une longue histoire agitée. Pendant des siècles, il y eut beaucoup d’échanges entre les deux pays, tant sur le plan officiel que privé. Remontons le temps jusqu’au tsar Pierre le Grand. A cette époque, des étrangers s’étaient installés dans les faubourgs de Moscou, où se trouvaient aussi des Suisses, notamment des artisans et des officiers, y ayant élu domicile. Le livre intitulé Käser, Künstler, Kommunisten [Fromagers, artistes, communistes], édité par Eva Maeder et Peter Niederhäuser raconte ce chapitre intéressant des relations entre la Suisse et la Russie.1 Le Genevois François Lefort devint célèbre, lui qui fut un intime de Pierre le Grand, et devint général et le premier amiral dans l’histoire russe.2 Mais d’autres Suisses, moins célèbres, tentèrent leur chance dans les espaces de la Russie, assurant ainsi un échange entre les cultures. L’origine du délicieux fromage de Tilsit est suisse. Des fromagers suisses expatriés produisirent ce type de fromage dans la ville de Tilsit en Russie et des collègues intéressés sur place apprirent les méthodes de production de ce fromage. C’est ainsi que naquit le Tilsit, dont le nom revint en Suisse, fort apprécié chez nous.
Des Suisses ont laissé des traces visibles en architecture. En 1845, l’architecte tessinois Luigi Fontana émigra à l’âge de 21 ans à Saint-Pétersbourg. Il y développa ses talents et reçut le titre d’«architecte de l’empereur». Il construisit aussi bien des bâtiments publics, comme par exemple le grand théâtre dramatique «Towstonogow», qui s’appelait auparavant «petit théâtre de l’empereur» et se trouvait sur la rive droite de la Fontanka, que des maisons d’exposition et de commerce ainsi que de simples immeubles d’habitation.

Les Russes en Suisse

Environ 25?000 Suisses émigrèrent en Russie. Mais il n’y avait pas que des Suisses attirés par la Russie, le contraire était également vrai, la petite Suisse se montrant, elle aussi, attrayante. Déjà en 1667, la République de Genève et la chancellerie moscovite pour les affaires étrangères entreprirent des relations officielles. Le tsar Ivan V échangea des représentants officiels avec le gouvernement genevois. L’œuvre fort intéressante de Michail Schischkin «Die russische Schweiz» [La Russie suisse]3 décrit les relations des Russes avec la Suisse. Schischkin raconte qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles la haute société accordait beaucoup d’intérêt à Genève du fait de son excellente Université. «Les mœurs sévères de la cité de Calvin, les excellentes connaissances de son corps professoral et l’accès facile à la langue étaient des raisons suffisantes pour l’aristocratie russe pour choisir Genève comme destination. C’est ainsi que Genève passa longtemps pour être le centre de l’immigration. La Suisse, et particulièrement Genève, était un lieu de retraite sûr alors qu’à la fin du XIXe siècle la Russie tsariste s’en prenait à l’opposition politique et aux activités des sociaux-révolutionnaires russes.

Le général russe Souvorov veut chasser Napoléon de la Suisse

Environ un siècle auparavant, lors des guerres napoléoniennes, la Suisse dut affronter des actions guerrières. En 1798, le général de Napoléon, André Masséna, occupa la Suisse et Paris lui imposa la République helvétique. L’ancienne Confédération s’effondra.
Puis, Napoléon déclara la guerre à l’Autriche qui s’était alliée à l’Angleterre et à la Russie. Les pays monarchiques décidèrent une offensive commune contre la France. En 1799, la Suisse fut victime d’une grande bataille, dans laquelle le général Souvorov joua un rôle important, alors même qu’on ne réussit pas à battre vraiment les Français et à les chasser de la Suisse. La coalition anti-napoléonienne dut se retirer après d’importantes pertes. En 1814/15, lors du Congrès de Vienne, et de la remise en ordre de l’Europe après la défaite définitive de Napoléon, la Confédération retrouva son entière souveraineté. Alors même que Napoléon s’était désintéressé de la Suisse dès 1803, cette dernière dépendit tout de même de lui jusqu’en 1813. Le Congrès de Vienne apporta le changement souhaité.

Le tsar russe soutient la neutralité de la Suisse

Ce fut le tsar Alexandre II qui s’engagea le plus fort au Congrès de Vienne pour la reconnaissance internationale de la neutralité suisse, telle qu’elle fut dessinée par le diplomate suisse Charles Pictet de Rochemont. Pour le tsar il ne faisait aucun doute que la petite Suisse, entourée de puissants voisins tels que la France, l’Italie, l’Autriche et la Prusse, ne pouvait subsister qu’en acquérant le statut de neutralité dûment respecté par les voisins. Il est vrai que la reconnaissance internationale offre à un petit pays une certaine protection. Mais on ne peut se faire respecter, en cas de situation de guerre, et éviter toute agression que grâce à une armée dotée d’une réelle force de frappe, sinon, comme l’a démontré le cours de l’histoire, on est à la merci des convoitises des grandes puissances. Les fondateurs de la Suisse moderne ont eu la sagesse d’ajouter au concept de neutralité les idées d’«une neutralité armée et perpétuelle». C’est ainsi que la Suisse a pu rester en dehors des guerres et des conflits internationaux.

La Suisse offre l’asile aux persécutés

La neutralité de la Suisse, ainsi que son organisation libérale et démocratique lui ont permis au XIXe et au XXe siècle d’offrir un refuge aux persécutés politiques de tous les pays, notamment de ceux qui au XIXe siècle étaient victimes de la répression impitoyable contre les mouvements démocratiques et libéraux, les couches dirigeantes ne voulant pas abandonner le système monarchiste. On ne prend pas suffisamment conscience que, de ce fait, la Suisse a largement contribué à la démocratisation de l’Europe et continue à y œuvrer. C’est ainsi que la Suisse servit de refuge aussi aux esprits critiques de la Russie tsariste.
Le fait que Vladimir Iljitsch Uljanov, dénommé Lénine, qui avait rédigé ses thèses d’avril à la bibliothèque centrale de Zurich, avait déjà profité depuis quelques temps de l’asile politique en Suisse, démontre à quel point le pays appliquait sa volonté de neutralité.
Genève resta le centre des révolutionnaires russes. Ce n’est qu’après le début de la révolution d’octobre que les immigrants russes retournèrent dans leur patrie pour contribuer à la construction du pays.

La Suisse engagea des relations diplo­matiques avec l’Union soviétique en 1946

La Suisse et la Russie (jusqu’en 1991 l’Union soviétique) entretinrent des échanges. Peu après la Seconde Guerre mondiale, la Suisse noua des relations diplomatiques avec Moscou et l’Union soviétique avec la Suisse. Jusqu’à présent, l’ambassade russe à Berne joue le rôle important de liaison entre la Suisse et la Fédération de Russie.

Respecter les autres Etats en tant que membres d’égale valeur dans la communauté internationale

Avec l’ouverture et la fin de la guerre froide, les relations entre la Suisse et la Russie gagnèrent en intensité. Cela provient entre autre, du fait que les deux pays mènent une politique d’indépendance. Les principes de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, le respect des autres Etats en tant que membres d’égale valeur de la communauté internationale et la défense des intérêts légitimes, tels qu’ils sont souvent évoqués et considérés par le président Poutine comme base d’une coopération entre les pays, sont partagés par la Suisse en accord avec la charte des Nations Unies.
Pour la Suisse en tant que petit pays pris en étau dans une UE toujours plus effrontée, les relations bilatérales avec d’autres pays prennent une grande importance, tout particulièrement quand les deux pays y ont intérêt.
La visite officielle de l’ancien président russe Dmitri Medvedev, qui fut le premier président d’Etat russe à venir en Suisse en 2009, caractérisant la Suisse comme partenaire particulier, souligne la qualité des relations entre les deux pays.
Quand Sergej Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, vient en Suisse et répond aux questions de la presse, cela est aussi l’expression d’un partenariat bilatéral entre deux pays qui, s’ils continuent à trouver un consensus réciproque dans les questions importantes, représentera une voix importante en Europe et dans le monde.    •

1    Eva Maeder, Peter Niederhäuser (Hg.). Käser, Künstler, Kommunisten. Vierzig russisch-schweizerische Lebensgeschichten aus vier Jahrhunderten. ISBN 978-3-0340-0508-1
2    cf. Horizons et débats no 50 du 19/12/11
3    Michail Schischkin. Die russische Schweiz.
Ein literarisch-historischer Reiseführer.
ISBN 3-85791438-6

Qui est l’OSCE?

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a son siège à Vienne, a été créée en 1975 sous le nom de Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) et reconnue en tant qu’accord régional au sens du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies en 1992. Renommée OSCE en 1994, elle est un instrument de diplomatie préventive, de prévention des conflits, de gestion des crises ainsi que de reconstruction et de consolidation des structures démocratiques de la société après un conflit. Elle contribue ainsi activement à la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Dans le domaine politico-militaire, elle s’efforce d’apaiser les tensions, de renforcer les liens de confiance mutuelle et de favoriser le contrôle des armements dans son espace en œuvrant dans un esprit d’ouverture, de transparence et de prévisibilité. Elle compte 57 Etats participants, dont la Suisse depuis 1975. L’année prochaine la Suisse assumera la présidence de OSCE pour une année.

Source: www.eda.admin.ch/eda/fr/home/topics/intorg/osce.encoded-Show%3D1%26print%3D1.html

Bientôt un traité de libre-échange avec l’Union douanière Russie-Bélarus-Kazakhstan?

En 2012, le volume des échanges commerciaux suisses avec le Kazakhstan s’est élevé à 865 millions de francs suisses (exportations: 225 millions; importations: 640 millions). La Suisse exporte des produits pharmaceutiques, des machines, des montres et des produits agricoles transformés vers le Kazakhstan et importe principalement du pétrole. La Suisse négocie actuellement dans le cadre de l’AELE un traité de libre-échange avec l’Union douanière Russie-Bélarus-Kazakhstan. En 2011, la Suisse a occupé le dixième rang des plus grands investisseurs étrangers au Kazakhstan.

Source: Vertraulicher Schweizer Brief du 20/4/13