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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°7, 18 février 2013  >  Le principe de milice comme modèle de paix – contre l’étatisme néoféodal et l’interventionnisme militaire [Imprimer]

Le principe de milice comme modèle de paix – contre l’étatisme néoféodal et l’interventionnisme militaire

Les quatre piliers du modèle suisse doivent être protégés contre des attaques – notamment comme espoir pour l’Europe et le monde

par Tobias Salander, historien

Les attaques contre la Suisse ne diminuent pas – le dernier coup se porte contre notre système de milice éprouvé depuis des siècles. Qu’il soit effectué par un groupe au sein du pays ne l’améliore en rien. Mais même ces milieux-là, tant qu’ils ne sont pas des agents d’une puissance étrangère, se raviseront en y réfléchissant mûrement. Bien sûr que chacun est pour la paix. Seulement: Comment assurer la paix? Avec une armée de métier? Car cela serait bien la première alternative si nous supprimions notre armée de milice éprouvée. Avec une nouvelle caste casernée à qui il sera permis de faire usage de violence sur l’ordre d’une élite politique? Ou bien comme deuxième alternative, la Suisse directement sous les ordres de l’OTAN, c’est-à-dire d’une alliance de guerre ayant déjà mené plusieurs guerres d’agression contraires au droit international? Les deux alternatives, personne ne peut les vouloir. Raison suffisante de revenir à l’essence même du modèle de paix suisse et de se rappeler l’idée de milice étendue à l’ensemble de la vie, comme base de notre communauté coopérative construite de bas en haut. C’est entre autre le livre excellent de Paul Widmer «Die Schweiz als Sonderfall» qui a servi comme base.

Le modèle suisse repose sur quatre piliers ou sur quatre caractéristiques: Ce sont la démocratie directe, le fédéralisme très prononcé, la neutralité armée et perpétuelle et le pluri­linguisme. Qu’est-ce qui est donc commun à ces quatre piliers? Ils sont tous indispensables pour la plus grande liberté des citoyens et ils permettent la paix, et cela aussi bien à l’intérieur que vers l’extérieur. Ou bien formulé autrement: Ils limitent toute aspiration au pouvoir d’une personne individuelle, d’un groupe ou du pays tout entier.
Lorsqu’une puissance extérieure tels que l’UE, les USA ou la Haute finance ou n’importe qui d’autre veut affaiblir la Suisse en sa substance, celui qui attaque à l’encontre du droit international la souveraineté de l’Etat nation comme jadis Hitler, essaiera de miner un des quatre piliers dans la population. Dans l’intention malveillante que tout l’édifice de l’Etat s’écroule.
Des contemporains attentifs observent depuis longtemps que ce travail de décomposition se fait dans toutes les domaines, et cela également de par l’intérieur par une sorte de cinquième colonne: Ainsi depuis longtemps on s’en prend au pilier du fédéralisme en attaquant par exemple la majorité des cantons ou en encourageant la fusionnite: Des communes, mais aussi des cantons devraient être rassemblés, la Suisse répartie en des espaces métropolitains pour les régions urbaines, en parcs naturels pour les régions rurales. Tout cela va vers une centralisation avec l’intention facile à déceler de pouvoir instaurer le pouvoir de haut en bas et cela à la merci de Bruxelles. Ainsi on essaie de priver les gens de leur patrie, de couper les traditions et de dissoudre la cohésion.

Des attaques de tous les côtés contre le modèle suisse

Il est clair que les instruments de la démocratie directe tels que l’initiative et le référendum ne s’accordent pas à une Europe centralisée, les commissaires à Bruxelles et leurs instigateurs de l’oligarchie financière ayant une peur bleue de votations populaires et de leurs propres «sujets».
Le refoulement constant, la ridiculisation partielle et l’enseignement des autres langues du pays souvent insensé du point de vue didactique, et le renforcement forcé de l’anglais déjà très tôt, attaque un autre pilier du modèle suisse: lorsque la communication linguistique fait défaut, ce sera aussi la compréhension mutuelle qui fera défaut et la cohésion de la «nation de volonté» sera en danger.
Les attaques contre les trois piliers cités durent déjà depuis quelque temps mais ont rencontré pas mal de résistance. Les parcs naturels sont refusés en série aux urnes, les espaces métropolitains n’avancent pas, le plus grand, celui de la région de Zurich a fait naufrage, depuis que Zurich réfléchit à en sortir. Une soi-disant «purification» des droits populaires, exigée du côté libéral, c’est-à-dire l’augmentation des voix exigées pour l’initiative et le référendum, a été refusée par le souverain de façon claire et nette, et la fusionnite a également été identifiée: il s’agit dans le meilleur des cas d’une tentative d’économiser, mais plus souvent d’un empressement servile envers les commissaires de l’UE centraliste. En ce qui concerne la question du plurilinguisme chaque citoyen est personnellement mis à contribution, pas seulement les enfants et les adolescents auxquels on impose un apprentissage par modules, haché et vide de sens et souvent inadapté à leur niveau.

Sans système de milice: Totalitarisme administratif, système de castes, interventionnisme

L’attaque suivante sur un des quatre piliers vient de l’intérieur, mais n’est pas moins dangereuse pour autant: l’initiative du GSSA pour l’abolition de l’armée de milice.
Il vaut la peine d’éclairer l’essence de la neutralité, de l’armée de milice, et même de l’idée de milice dans ses dimensions historiques pour mesurer combien les activistes du GSSA plaident avec cette idée pour l’abolition de la Suisse tout entière – et s’ils ne devaient pas en être conscients, un débat approfondi sur le principe de milice, la neutralité armée et avec elle la mission de paix de la Suisse, serait d’autant plus nécessaire. Avant tout, si l’on considère les alternatives: Si le modèle suisse éprouvé est rejeté, on obtient un totalitarisme administratif, un système de castes, une armée permanente et un interventionnisme militaire, bref un Etat néoféodal ressemblant à l’absolutisme de Louis XIV, ou bien en plus moderne une machinerie de guerre néolibérale-néoconservatrice comme l’Amérique de Bush jr. Qui est-ce qui, en Suisse, voudrait quelque chose de ce genre? Personne, honnêtement. A moins qu’il n’ait pas réfléchi assez profondément et qu’il se laisse séduire par les chants de propagande de l’Empire. Ce qui ne devrait cependant pas arriver à un citoyen éclairé du XXIe siècle, ouvert au monde et à la hauteur de la technologie de l’information.

Le système de milice et le principe de la bonne foi

La Suisse tout comme l’Autriche est un petit Etat et de par sa nature pacifique. (cf. l’article d’Horizons et débats n° 5 du 4 février 2013 «Les grands Etats centralisés sont un risque de guerre»). Dans un petit Etat, le citoyen assume de son plein gré beaucoup de tâches. Et cela en ce qui concerne l’administration, la protection civile, les pompiers mais aussi la défense. C’est ce qu’on appelle le système de milice. Il assure la cohésion d’une communauté et ne nécessite, grâce au petit espace et au principe vécu de la bonne foi, pas de grande machinerie législative. La confiance parmi les citoyens existe plutôt là que dans les grandes entités où les gens ne se connaissent pas.
Déjà Aristote, dans la Grèce antique, avait la vision d’un Etat idéal comme république de citoyens miliciens, travaillant pendant la journée et s’occupant des affaires de l’Etat le soir, tout comme Gottfried Keller l’a aussi formulé. C’est exactement ce que les coopératives de la Suisse, donc à l’échelle communale, ont déjà vécu très tôt, sans avoir étudié Aristote – le philosophe grec s’étant apparemment référé à l’une des vérités fondamentales de la vie humaine.

Le système de milice: un mode de gouvernance très économique

La Suisse est depuis toujours bâtie de bas en haut. Cette construction fédéraliste nécessite beaucoup de petites unités politiques et ces collectivités innombrables ont un grand nombre de fonctions à occuper. Très peu de gens le font professionnellement. La plupart de ceux qui occupent des fonctions exercent leur profession pendant la journée, en accord avec Aristote. Le système de milice représente donc une gouvernance très économique. Il représente une citoyenneté dans laquelle le transfert du savoir entre société et politique se fait plus rapidement que dans un Etat de fonctionnaires. Des études montrent que les unités suisses sont mieux administrées à diverses échelles que par exemple celles de France, bien que là-bas beaucoup de diplômés d’universités d’élite occupent ces fonctions à plein temps. Ce n’est pas seulement la proximité des citoyens qui manque, mais aussi l’indépendance et souvent aussi les connaissances des problèmes dépassant le simple dossier. Nulle part ailleurs l’identité des gouvernants et des gouvernés n’est si bien ancrée qu’en démocratie, reposant sur le système de milice. Les politiciens de milice peuvent se permettre de vivre pour la politique au lieu d’en dépendre, et cela parce qu’ils disposent tous d’un métier qui les nourrit.

Armée de milice: Le pur contraire du militarisme

Beaucoup de gens penseront d’abord à l’armée lorsqu’on parle de milice. C’est certainement là que l’engagement pour la communauté est le plus évident. Le principe est que chacun s’engage tant qu’il le peut en faveur de la sécurité de la communauté. Le principe de milice dans l’armée protège une société contre un système de caste et est considéré comme école de la nation. Le citoyen en uniforme est l’expression de l’esprit républicain, et cela depuis l’Antiquité. Notre armée de milice représente aussi le pur contraire du militarisme, ceci parce qu’elle rassemble toutes les couches sociales et encourage l’échange entre les différentes parties du pays. Les membres de la «Willensnation», nation fondée sur la volonté politique, apprennent à se connaître comme nulle part ailleurs, le citadin la campagne, le Romand la Suisse alémanique, le Suisse allemand le Tessin etc.
Il y en a qui disent qu’en Suisse, nation par volonté, la plus grande valeur de la milice suisse ne réside pas dans son véritable but, mais dans sa valeur pour la cohésion sociale. C’est là qu’on exerce la solidarité entre les différentes parties du pays et les couches sociales tout au long de l’année. Elle est le ciment de la nation.
Les armées de métier affaiblissent la paix, les armées de milice la renforcent
Celui qui veut abolir le système de milice en ce qui concerne l’armée, livre le pays soit à un bloc militaire tel que l’OTAN, soit à l’obligation de maintenir une armée de métier. La Suisse ne pourra jamais se payer une telle armée permanente d’une importance appropriée, en outre, une armée permanente ne fait pas partie de la tradition suisse. Et l’histoire nous apprend que des armées de métier affaiblissent toujours la paix, alors que des armées de milice la renforcent. Le gouvernement et le parlement donneraient plus facilement l’ordre d’une entrée en guerre s’il n’y avait pas besoin d’y envoyer leurs propres fils, mais au contraire des étrangers. Des exemples? La France hésite rarement à envoyer la Légion étrangère dans un engagement, dernier exemple le Mali. L’envoi de soldats américains ou bien britanniques de ces dernières années n’a presque pas trouvé de résistance dans leurs pays, car ces combattants-là étaient membres d’une armée de métier – le service militaire obligatoire ayant été aboli après les expériences de la guerre du Vietnam. Que l’Allemagne elle aussi ait aboli le service militaire obligatoire sans tambour ni trompette ne laisse présumer rien de bon pour l’avenir. Mot-clé: «combattant archaïque». Et pour ce qui est de «les Allemands doivent réapprendre à tuer» …
Félicitations aux Autrichiens qui, en ce mois en janvier dernier, ont voté avec une bonne majorité le maintien d’une armée de milice!
Si l’on veut maintenir la cohésion d’un pays comme la Suisse, il faudra que chacun s’engage de nouveau davantage pour les institutions, créés par les générations antérieures: à part le service civil, il s’agit d’une année au pair en Romandie ou en Suisse alémanique, mais aussi du travail bénévole à la campagne – la jeunesse dans sa quête d’occupation sensée serait reconnaissante à la génération précédente pour son soutien dans ce domaine.

L’armée de milice et la neutralité ont besoin l’une de l’autre

Quel habit de politique étrangère va avec le système de milice? Avec le citoyen qui pendant la journée exerce son métier tout en s’occupant le soir du maintien de la communauté, et pendant l’année aussi de la sécurité vers l’extérieur? Le citoyen en uniforme pensera toujours à se défendre, mais jamais à passer à l’attaque ou à une conquête. La Suisse, après des expériences amères, s’est mise d’accord pour se tenir tranquille, ou formulé de façon moderne a opté pour la neutralité. Cette façon de s’y prendre représente tout d’abord un élément constitutif de la paix – et de l’espoir: Car, si tous les Etats étaient neutres, il n’y aurait plus de guerre. Une idée que tout citoyen partout dans le monde devrait approuver.
La neutralité, approuvée en Suisse d’après les derniers sondages par plus de 95% de la population, – eh oui, vous avez bien lu 95 citoyens sur 100! – la neutralité est une façon de s’y prendre à la fois sensée et ambitieuse, puisqu’elle contient quelque chose qui fait enrager les élites puissantes et cupides: En temps de paix elle rappelle d’une part, bien que tout bas, la possibilité d’une guerre, et en temps de guerre, se tenant à l’écart, elle rappelle la paix. Cela veut dire qu’elle rappelle toujours la possibilité qu’il pourrait en aller autrement, car les pays alentour ne sont pas tous de petits Etats, et qu’il faut toujours compter avec l’avidité des oligarchies des Etats centralisés. Les anciens Confédérés avaient nommé cela très pertinemment la perfidie des temps.

Occuper ce rôle extraordinaire aussi à l’avenir

Il reviendra à d’autres articles d’éclairer l’histoire de la neutralité en Suisse. Ici juste pour conclure ceci: La maxime d’Etat de la neutralité armée et perpétuelle, exprimée de façon mémorable par Nicolas de Flue – «macht den Zaun nicht zu weit» (n’élargissez pas trop la barrière), «mischt euch nicht in fremde Händel» (Ne vous mêlez pas de conflits étrangers) –, ceci confirmé plus tard juridiquement par le Congrès de Vienne en 1815, en 1907 dans les Accords de la Hague et en 1949 dans les Conventions de Genève, cette maxime d’Etat ou bien un des quatre piliers du modèle de paix suisse, repose sur le principe de milice. La neutralité n’est pas possible avec des soldats de métier. Qui dit oui à 95% à la neutralité ne peut pas dire non à l’armée de milice – s’il y réfléchit bien et en tire les conclusions.
Si ces dernières années, bon nombre de contemporains ont commencé à être indécis avec toute cette propagande de l’UE et de l’OTAN, il faut pour finir attirer l’attention sur des penseurs d’autres continents de notre planète. Là-bas, le modèle suisse de la paix est hautement loué pour ses quatre piliers. Ainsi, lors de la conférence des ambassadeurs à Berne du 21 août 2006, l’un des cent intellectuels les plus importants de notre temps selon les média des Etats-Unis, le diplomate Kishore Mahbubani, s’est prononcé sur la Suisse, en disant qu’elle était un petit pays, et non pas une grande puissance. Mais qu’elle disposait d’un énorme «soft power». Avec un Etat bien ordonné, avec une politique de neutralité crédible, et avec son grand engagement en faveur du droit international humanitaire, elle fixe des standards qui sont considérés internationalement comme exemplaires. Il a ajouté qu’il espérait que la Suisse assumerait ce rôle extraordinaire aussi à l’avenir. (cf. Widmer, p. 239) C’est à nous, citoyens suisses, de soigner et de sauvegarder le modèle suisse, notamment en tant qu’ espoir pour les êtres humains dans d’autres pays de ce monde.    •

Bibliographie: Paul Widmer. Die Schweiz als Sonderfall. Grundlagen. Geschichte. Gestaltung. Zurich 2008. ISBN 978-3-03823-495-1

Système de milice comme mur coupe-feu contre les attitudes de dominance (néo-)féodales

ts. Depuis le bas Moyen-Age, les cantons suisses ont connu le système de milice dans l’administration et dans l’armée. Cette bonne volonté des citoyens de s’engager pleinement pour le bien commun et de faire profiter la communauté de leurs expériences professionnelles a été gardée en Suisse jusqu’à présent. Ceci dérange aujourd’hui les propagandistes du centralisme à l’intérieur du pays ainsi qu’à l’étranger – mais déjà dans l’Ancien régime, des villes comme Berne et Zurich avaient essayé tout le temps de créer un Etat autoritaire avec une armée de métier et un appareil de la fonction publique – et tout cela aux frais de la population rurale réprimée. Pour cela, ils auraient dû prélever plus d’impôts et cela précisément des paysans et des artisans ruraux. Ceux-ci se sont cependant défendus en se référant à leurs vieux droits. C’est ainsi que la guerre des paysans de 1653 a commencé en Suisse. Les paysans furent certes les perdants militairement, mais ils ont quand même remporté la victoire. Les seigneurs des villes ont dû renoncer pour la plupart aux nouveaux prélèvements. C’est grâce à ces circonstances, à la défense tranchante des paysans, qu’aucun absolutisme féodal n’a pu s’étaler en Suisse, même si cela avait été préféré par les patriciens bernois, les seigneurs de Zurich et d’autres villes – on n’a qu’à penser à la chaise de l’avoyer de Berne qui a été fabriquée pour un Roi-Soleil en miniature (cf. Widmer, p. 51f.).
De même, c’est aussi en partie grâce au système de milice prononcé que les citoyens suisses peuvent vivre aujourd’hui dans une grande liberté, dans l’autodétermination et même sans grandes charges d’impôt – et que la résistance contre une adhésion à de grandes entités néo-féodales comme l’Union européenne et l’OTAN est toujours extrêmement forte dans la population – tout simplement parce que ça va mieux quand on peut décider soi-même, quand la confiance est là et qu’on se connaît. Qui peut dire qu’il connaît les innombrables commissaires bruxellois de leur nom – ou le «Saceur», le commandant en chef de l’OTAN pour l’Europe?

Au XVIIIe siècle déjà, les Britanniques ont parlé avec éloge du système de milice et des impôts faibles

ts. Le britannique Abram Stanyan, qui a travaillé en Suisse comme envoyé diplomatique de 1705 jusqu’en 1709, a écrit en 1714 un éloge sur le système de milice et, entre autres, sur les faibles impôts. A cette époque déjà, longtemps avant 1848 et la fondation de l’Etat fédéral moderne, il s’est manifesté ce qui suit: la construction de la Suisse du bas en haut, ses structures coopératives et la pensée de milice ont conduit à une utilisation plus soigneuse des finances que cela a été habituel et possible à l’étranger absolutiste et centraliste. Des éloges de la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle, qui ne plairont pas à une historiographie autour de Bergier, détruisant le Sonderfall. Ce qui est intéressant, c’est que déjà à l’époque, ces éloges n’ont pas plu à une autre élite intérieure et autoproclamée: les messieurs de Berne, imaginez-vous, ont interdit le livre du diplomate britannique (cf. Widmer, p. 60 sq.).
Un déroulement qui en dit long, pas seulement en ce qui concerne la chuzpah de l’aristocratie bernoise, mais plutôt concernant celle de la garde des historiens qui sont las de la Suisse et qui préfèrent aussi balayer de tels résultats sous la table – interdire, comme l’ancienne classe supérieure bernoise l’a fait, ne va plus très bien aujourd’hui …

Les armées de métier, un danger pour la paix

ts. Quel est le rapport entre les trois termes «petit Etat», «république» et «guerre»? Dans son œuvre Projet de paix perpétuelle, le grand philosophe des Lumières Immanuel Kant se montre convaincu que les citoyens ne commencent pas de guerre s‘ils peuvent eux-mêmes décider de la guerre et de la paix. Mais cela fonctionne le mieux dans une république, dans un petit Etat avec des citoyens en uniforme. Si une armée de milice composée de citoyens est remplacée par des militaires de carrière, donc par une armée de métier et casernée, l‘élite régnante a beau jeu d‘envoyer ces soldats dans une guerre. Les soldats ne se défendront pas, étant les salariés des élites, et la population se défendra également moins, comme il s‘agit rarement de leurs propres fils, pères, amis et maris qui sont envoyés au champ de bataille. (cf. Widmer, p. 93)

Rousseau: la Pologne doit imiter le modèle suisse de l’armée de milice

ts. Les grands philosophes des Lumières Montesquieu, Voltaire et Rousseau ont tous porté un jugement élogieux sur le modèle de la Suisse, en particulier ils ont tous décrit la Suisse comme un paradigme pour un Etat libéral. Même si Rousseau, en tant que critique de culture convaincu, a vu le danger que les vieilles coutumes soient désagrégées par l’argent encaissé par le commerce et par le système des mercenaires, il était néanmoins plein d’éloges en ce qui concerne le principe de milice au sujet des questions militaires.
Il a donc conseillé aux Polonais d’étudier le modèle suisse de l’armée de milice. En Suisse, et ceci à la différence de l’Europe restante, le soldat est un citoyen respecté, et pas méprisé, comme ailleurs, comme voleur. L’armée des Suisses se compose de soldats-citoyens et même les seigneurs des villes servent pleins de dévouement, comme à l’hôtel de ville. (cf. Widmer, p. 65)

Calomnie allemande contre le modèle de paix de la Suisse, déjà au XVIe siècle

ts. Une calomnie venant du pays allemand contre le modèle Suisse – et dans ce cas encore contre une Suisse d’avant 1848! – a déjà apparu au XVIe siècle. Steinbrück aujourd’hui, Hitler et ­Göbbels autrefois, se retrouvent donc dans une vieille tradition hostile à la liberté.
Ainsi, l’abbé allemand Trithemius, de son vrai nom l’abbé Johannes Heidenberg von Trittenheim, a écrit dans les annales du cloître d’Hirsau en 1513 que les Suisses étaient en fait des gens «de nature exubérante, ennemis des princes, rebelles et depuis déjà longtemps récalcitrants et désobéissants contre leurs ­seigneurs …» (cit. d’après Widmer, p. 59). Une citation qui devrait ouvrir le cœur à chaque gauche qui doute de la Suisse …
Un deuxième rapport vient de l’homme d’Etat florentin et l’écrivain Nicolas Machiavel. Celui-ci avait fait la connaissance des confédérés pendant ses propres voyages et il les avait qualifiés de «armatissimi e liberissimi», de «très bien armés» et «très amoureux de la liberté». Selon le modèle de la République romaine de l’antiquité et la Confédération contemporaine, il a fait supprimer, à Florence, l’armée des mercenaires et la remplacer par une milice nationale. Sur ces confédérés suisses, Machiavel a donc rapporté que, dans leur amour pour la liberté, ils ne refusaient non seulement des princes, mais en même temps aussi la noblesse et la chevalerie, une circonstance qui faisait plus qu’énerver les nobles allemands. C’est pour cette raison que ceux-ci s’acharneraient sur la Suisse, là où ils pouvaient. Pour ne pas parler de l’envie des lansquenets qui étaient blessés, parce que les Suisses étaient considérés comme meilleurs guerriers. (cf. Widmer, p. 57 sq.)
Les paroles du Florentin expliquent aussi aujourd’hui les attaques venimeuses contre la Suisse, surtout parce que notre pays représente, aujourd’hui comme à l’époque, «un témoin de l’époque muet pour d’autres possibilités d’existence étatique». (Widmer, p. 69)