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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°24, 11 juin 2012  >  La Confédération attaque le fédéralisme sur tous les plans [Imprimer]

La Confédération attaque le fédéralisme sur tous les plans

En appliquant la nouvelle loi sur les épizooties, la Confédération peut imposer l’obligation de vacciner pour chaque maladie

Interview du Conseiller national Jakob Büchler

La Suisse et sa loi sur les épizooties déjà trop parfaite

ab/thk. A la session de printemps, le Conseil national a accepté la nouvelle loi sur les épizooties. Un referendum a été lancé contre cette décision.
La loi transfère de larges compétences des cantons à la Confédération. Cela permet à la Confédération de décréter des vaccinations obligatoires, des médications obligatoires et des mesures coercitives pour les animaux économiquement utiles et domestiques. Il est ainsi probable que des vaccins non homologués provenant de l’Union européenne soient repris et imposés aux animaux. Lors de la maladie de la langue bleue – contre laquelle les autorités compétentes de l’UE sont d’abord restées curieusement passives, de sorte qu’à partir d’un cas d’origine s’est développée une pandémie – la Suisse a repris, lors de la première année de vaccination, le vaccin provenant de plusieurs laboratoires de l’UE. Les dommages latéraux furent par conséquent différents d’une région de vaccination à l’autre. La façon avec laquelle l’autorité traita ces cas de sinistres était alarmante et eut pour conséquence une résistance organisée dans l’agriculture. Le cas survenu dans le Canton des Grisons où on chargea la police, lors d’une action au moment où on s’y attendait le moins, ­d’aller chercher un troupeau de moutons, de l’amener à un endroit inconnu pour procéder à une vaccination forcée, entrera encore dans l’histoire. Ce n’est que durant la deuxième année de vaccination que les autorités suisses compétentes se firent plus prudentes et se livrèrent apparemment à des tests préliminaires du vaccin (ou évitèrent les éventuelles études aveugles en double de l’UE), de sorte que les dommages diminuèrent. Les dégâts sont dus principalement aux différents adjuvants qui peuvent avoir été manipulés génétiquement. Cela entraîne le même problème que dans la médecine humaine et provoque un front du refus justifié.
Rappelons que jusqu’à la fin des années 80, la Suisse a fabriqué des vaccins de première qualité – ensuite, ils
ont été remis à l’UE. Une partie sont conservés sous clé dans le laboratoire militaire de Porton Down en Angleterre et ne sont remis que sur permission de l’UE.
Ce processus fut rendu public lors de l’épidémie de fièvre aphteuse, lorsque des
éleveurs suisses voulant procéder à des vaccinations, n’eurent aucune chance de se procurer le vaccin. A cette époque, la Turquie a produit son propre vaccin et ainsi assuré son effectif animalier, de même qu’Israël. La génération des spécialistes qui étaient capables de produire ces vaccins suisses de première qualité est toujours présente et active. Avec un petit peu de volonté
politique, cette évolution pourrait être infléchie. Il faut créer de la transparence pour savoir s’il s’agit de la solution à nos problèmes, pour lesquels l’actuelle loi sur les épizooties – qui est déjà plus que parfaite – aurait juste besoin d’être épurée, ou s’il faut continuer à se soumettre au diktat de l’UE. C’est de ça que ça a l’air, et c’est la raison pour laquelle il faut lancer le referendum.
Le Conseiller national Büchler est membre du comité du référendum et il présente dans l’interview ci-dessous des arguments concluants qui plaident en faveur du référendum contre la nouvelle loi sur les épizooties.

Horizons et débats: Monsieur Büchler, vous êtes membre du comité du référendum contre la nouvelle loi sur les épizooties. De quoi s’agit-il là?

Jakob Büchler: Il ne faut pas toujours réinventer la roue. Nous avons déjà une loi sur les épizooties qui fonctionne bien et qui est absolument suffisante, même dans les conditions actuelles. Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi.

Qu’est-ce qui est censé changer avec la nouvelle loi? En quoi est-ce mal?

La question récurrente est: quand une épidémie est-elle une épidémie qui doit être déclarée. La nouvelle loi permet à l’office vétérinaire de décider quand une épidémie peut être qualifié d’épidémie qui doit être déclarée et quand ce n’est pas le cas. Il peut alors décider, puis faire procéder à la vaccination. Je ne suis évidemment pas contre le fait de vacciner s’il s’agit d’épizooties dévastatrices. Mais il ne faut pas tout assimiler à la fièvre aphteuse. Aujourd’hui, même des petites maladies sont immédiatement taxées d’épidémie devant être déclarées. Ensuite, on combine ça avec une obligation de vacciner une première, puis une deuxième fois, jusqu’à des traitements complémentaires durant des années. J’en ai moi-même fait l’expérience. Dans notre pays, il y avait la RIB (rhinotrachéite infectieuse bovine) et des années plus tard, on procédait encore à des vaccinations de protection. Je suis
contre cela.

Peut-on dire que les conditions générales de la nouvelle loi sur les épizooties sont beaucoup plus restrictives en ce qui concerne la vaccination de protection et concernant les traitements?

C’est bien le cas, le cadre est plus étroit. L’éleveur n’a pratiquement plus rien à dire et plus rien à décider et il n’a qu’à faire ce qu’on lui ordonne. Il y a encore autre chose en plus. Une loi constitue une partie du problème, mais ce qui importe ensuite, ce sont les dispositions qui s’y ajoutent. Je rappelle la loi sur les constructions hydrauliques, la loi sur la protection des eaux. Ce que le législateur du Conseil national et du Conseil des Etats a décidé, aurait encore pu être traduit dans les faits, mais les dispositions d’application qui ont été construites autour sont une catastrophe. Elles sont à tel point inutilisables qu’à présent on demande de nouveau des retouches de la loi. La même chose pourrait arriver dans le domaine de la médecine vétérinaire. On ne fait que rendre les choses plus sévères et chaque loi qui est sortie du chapeau du magicien ne fait que s’y ajouter, sans qu’on abroge l’ancienne loi. Au lieu de se souvenir de ce qui a fait ses preuves, on ne fait que réglementer encore plus. L’éleveur devient une marionnette, il n’a plus rien à décider et il n’a qu’à exécuter les ordres, je refuse d’envisager l’avenir ainsi.

Est-ce que ça concerne avant tout les propriétaires d’animaux économiquement utiles ou aussi les autres propriétaires d’animaux?

Il y a des effets directs également pour les détenteurs d’animaux domestiques. Je suis d’avis que la loi a de toute façon un champ d’application trop large. Nous ne devons pas encore plus resserrer les mailles du filet. C’est sûrement faux et ça provoque la déresponsabilisation de l’éleveur qui ne peut plus prendre de décisions lui-même. Et il faut s’opposer à ça.

Par cette loi, la Confédération s’empare de plus de compétences. Cela n’entraîne-t-il pas aussi une centralisation accrue?

C’est exactement ça. Une fois de plus, cela affaiblit les cantons. Nous avons 26 cantons ayant des intérêts différents, une topographie différente, des effectifs animaliers à densité différente, et on ne peut pas prescrire ça d’en haut à toute la Suisse et l’imposer au pays tout entier. On prive les cantons de leurs compétences. Il est plus facile à une Confédération de décider de l’introduction et de l’exécution d’une vaccination ou d’autres mesures qu’à 26 cantons. Comme je l’ai dit, quand survient quelque chose de hautement infectieux, nous disposons aujourd’hui déjà de cette possibilité. Mais ce sont rarement des épidémies hautement infectieuses dont on parle ici. A présent, la nouvelle loi permet d’ordonner une vaccination pour chaque maladie, et les cantons n’ont plus leur mot à dire. Les coûts sont évidemment répercutés sur les cantons et les détenteurs d’animaux doivent finalement prendre à leur compte une somme appréciable. C’est contre notre fédéralisme, ce n’est pas démocratique. Nous emprunterions une direction tout à fait fausse. La base de la décision si une épidémie doit être déclarée ou non, est entièrement en main de la Confédération et elle s’appuie sur des explications extrêmement évasives. Ce qui arriverait dans un cas pareil à un détenteur d’animaux n’est pas clair, et pour lui c’est aussi incompréhensible. C’est contre cela que je me défends.

Ce n’est pas le seul domaine qui est destiné à être transféré de nos structures fédéralistes éprouvées au niveau de la Confédération.

Les cantons se défendent aussi avec véhémence dans d’autres domaines, contre le transfert accru des cantons vers la Confédération. Les cantons veulent garder leurs compétences, par exemple dans le domaine de la politique de sécurité, de la médecine vétérinaire, de la formation, et je m’engage en faveur de ça. Là, je suis contre une évolution centralisatrice. Dans ce Palais, on discute et on vote sur la loi sur la prévention en médecine humaine. La prévention est certainement d’abord l’affaire de chacun: mener une vie saine, faire suffisamment de sport. La prévention prescrite est très certainement la mauvaise voie à suivre. Ça aussi c’est une mise sous tutelle du citoyen. A quoi s’ajoute qu’il en résulte un immense appareil adminis­tratif qui entraîne des coûts énormes et qui n’est pas efficace. On ne peut pas toujours mettre le citoyen sous tutelle, comme c’est déjà le cas par d’autres lois. La prévention signifie prévenir le mal, et ça chacun peut le faire de son côté, et pour cela nous n’avons sûrement pas besoin d’une loi de plus.

Quels dangers se cachent derrière une obligation de vacciner imposée d’en haut?  Si une épidémie grave nous tombait dessus, que se passerait-t-il concernant le vaccin?

Là se pose évidemment la question urgente de savoir qui le reçoit en premier. Le donne-t-on aux Suisses ou d’abord à un autre pays européen? Comment pouvons-nous nous procurer ce vaccin? Cette question se poserait immédiatement. Et puisque la Confédération veut déjà tout contrôler, elle doit aussi créer de la transparence en ce qui concerne l’origine et la composition du vaccin. Je sais que dans le passé, les vaccins ont été importés d’Angleterre. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi ça s’est passé comme ça. Mais puisqu’il en est ainsi, nous devons être capables en Suisse de fabriquer notre propre vaccin. Si non, nous dépendons de la faveur d’autres Etats et nous devons nous adresser en tant que pétitionnaires à l’étranger, afin qu’ils nous donnent aussi un peu de leur vaccin. C’est une perte de souveraineté. La question se posera évidemment aussi de connaître la composition du vaccin, dans quelle mesure il contient des substances génétiquement modifiées. D’entente avec l’Union des paysans je me suis toujours défendu contre le génie génétique. Les paysans, en tant que producteurs, sont ceux
qui en souffriront quand on saura qu’un vaccin a subi des modifications génétiques.
A côté de la lutte contre l’épidémie, cela entraînera encore de grandes pertes financières.
Alors, pour dire les choses encore une fois clairement: lorsqu’une épidémie éclate, il s’agit de savoir si on est capable de prendre des mesures énergiques. C’est clair. Mais une épidémie qui éclaterait en Suisse romande ne s’étendra pas en quelques heures sur toute la Suisse. On peut ainsi réfléchir en toute tranquillité dans les cantons à ce qu’il convient de faire et si des vaccinations préventives sont nécessaires. Mais si c’est la Confédération qui le prescrit, ce sera introduit sans doute dans toute la Suisse, sans qu’une discussion puisse avoir lieu. C’est alors tout à fait clair: il y aura une obligation de vacciner prescrite par le haut, et ça, je le refuse.     •