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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°7, 21 février 2011  >  Une initiative parlementaire zurichoise demande la suppression du Centre d’évaluation des écoles [Imprimer]

Une initiative parlementaire zurichoise demande la suppression du Centre d’évaluation des écoles

ds. Une initiative parlementaire passée quasiment inaperçue dans l’opinion publique a été acceptée au Grand Conseil le 22 novembre 2010 par 92 sur 180 voix et renvoyée à une commission pour qu’elle rédige un rapport. Il eût suffi de 60 voix. Cette initiative demande la suppression du Centre d’évaluation des écoles et un amendement correspondant de la loi sur l’école obligatoire. L’important soutien apporté à l’initiative, bien qu’il ait encore un caractère provisoire, montre qu’une majorité du Parlement estime que la question est urgente. (Nous reproduisons le texte de l’initiative à la page suivante).
Au cours du débat, le premier des initiateurs, l’enseignant du secondaire Matthias Hauser (UDC, Hüntwangen) a posé la question de savoir comment le Centre évaluait la qualité des écoles: «Qu’est-ce qu’une bonne école? La qualité n’est pas évaluée en fonction de la réalisation des objectifs d’apprentissage ni en fonction de la manière dont les enseignants cherchent à obtenir des résultats de la part d’élèves faibles issus de milieux sociaux difficiles, à leur donner des perspectives d’avenir. Elle est mesurée selon des critères formulés par le Centre.»1 La qualité des enseignants est garantie par les directions d’école et l’autorité scolaire (commissions scolaires communales). Le programme et la loi représentent des garde-fous suffisants. Les critères de qualité du Centre sont inutiles.
L’initiative a été soutenue par l’Union démocratique fédérale et les Vert’libéraux. Stefan Dollenmeier (UDF, Rüti) est également d’avis que cette instance de contrôle pourrait être supprimée, ce qui «permettrait d’économiser quelques millions sans que la qualité de l’école n’en souffre».2 Le député des Vert’libéraux Andreas Erdin (Wetzikon) qualifie l’évaluation par le Centre d’«excès administratif».3
La seconde initiatrice, Corinne Thomet (PDC, Kloten), présidente de commission scolaire, insiste encore une fois sur le coût financier et la charge de travail pour le personnel. Elle s’étonne que le gouvernement, dans son programme d’assainissement financier 2010, n’ait pas eu l’idée de fermer le Centre. Elle demande au Grand Conseil de soutenir l’initiative. «Vous contribuerez ainsi grandement à l’allègement des tâches des enseignants et des directions. Je vous en remercie.»4
Le troisième initiateur, le professeur du secondaire et directeur d’école Kurt Leuch (PEV, Oberengstringen) évoque le «Manuel de la qualité des écoles» qui sert de base à l’évaluation. Il n’est pas évident que cet ouvrage ait été rédigé par une commission politiquement neutre et idéologiquement équilibrée. «Les critères d’évaluation du Centre ont un caractère explosif au point de vue de la politique scolaire. Les écoles vont les respecter pour être bien jugées mais elles seront bridées dans leurs méthodes et l’organisation de l’enseignement. Le Centre est non seulement superflu mais il nuit à un pluralisme sain de l’école obligatoire.»5

De Bertelsmann à l’approche américaine de la «qualité totale»

Quand on étudie l’auto-présentation du Centre6 et ses «critères de qualité», on va d’étonnement en étonnement.
Ce qui frappe tout d’abord, c’est le fait qu’il insiste presque à chaque page sur sa neutralité et son professionnalisme: «Une équipe d’évaluateurs et d’évaluatrices professionnels» évalue la qualité des écoles et de l’enseignement selon des «critères scientifiques» et offre aux écoles une image «professionnelle et neutre». Le Centre est «indépendant», il s’appuie sur des «critères d’évaluation reconnus» et ne cesse de développer sa «gestion de la qualité». En effet, une chose est claire: Seuls ceux qui ont recours à des «attentes sur la qualité développées systématiquement» sont en mesure d’évaluer les écoles, et c’est pourquoi il existe «un ouvrage de référence, le Manuel de la qualité des écoles» qui prétend être valable pour tous les «champs d’application de la gestion de la qualité» des écoles obligatoires du canton de Zurich. La neutralité et le professionnalisme que le Centre s’attribue est «prouvée» par le «Manuel des attentes sur la qualité». Ceux qui ne se satisfont pas de ces mots creux et poursuivent leur étude tombent bientôt sur un concept propre à l’UE répandu essentiellement par la Fondation Bertelsmann et qui a constamment recours à ces termes vides de sens. Les contenus du Manuel sont en partie copiés littéralement sur les documents de Bertelsmann. Sous le slogan «gestion de la qualité», le pilotage bertelsmannien s’inspire des Etats-Unis: «Quatorze entreprises européennes de pointe ont fondé en 1998 la Fondation européenne pour la gestion de la qualité (FEGQ). Son modèle d’auto-évaluation repose sur une approche de la «qualité totale» développée d’après le Malcolm Baldrich National Quality Award et appelée European Quality Award (EQA)
Comment l’Europe et la Suisse en sont venues à se laisser refiler ces sornettes par les Etats-Unis, pays qui a ruiné son économie en pratiquant la gestion de la qualité et a sombré dans la faillite financière et sociale. A part quelques universités prestigieuses, il ne possède dans aucun domaine des écoles comparables en qualité à celles d’Europe et de Suisse, surtout pas en matière de formation des maîtres.

Pas en Suisse!

La Suisse possède un système scolaire ­unique au monde qui s’est développé au cours de l’histoire et jouit d’une réputation internationale.
Un aspect important de l’école obligatoire consistait dans sa surveillance par des commissions composées de profanes: les commissions scolaires communales et de districts. Elles étaient efficaces, démocratiques et ne coûtaient pas cher. Leurs représentants étaient – et sont, là où elles existent encore – élus tous les quatre ans, ce qui garantit un contrôle démocratique et un «pluralisme sain».
Il faudra encore étudier à fond les raisons pour lesquelles on a remis en cause ce modèle profondément démocratique. Néanmoins, il est déjà certain que le Centre se réfère à tort à une mission légale en restreignant «le choix des méthodes et la liberté de gestion des enseignants» et en les obligeant à adopter des méthodes et des contenus d’enseignement discutables qui viennent des Etats-Unis par le biais de Bertelsmann. Rien de cela ne figure dans la loi sur l’école obligatoire.
L’initiative est l’expression d’un malaise très répandu concernant l’évolution de l’école obligatoire et encourage tous ceux qui cherchent des solutions à se fier à leur expérience et à maintenir courageusement leurs conceptions d’un bon enseignement.    •

1     Procès-verbal du Grand Conseil du canton de Zurich. 192e séance du 22/11/10, point de l’ordre du jour 11, KR 174/2010, p. 60
2     ibid., p 62
3    ibid., pp. 65 sqq.
4    ibid., p. 64
5     ibid., p. 65
6    Fachstelle für Schulbeurteilung,
www.fsb.zh.ch/internet/bildungsdirektion/fsb/de/home.html