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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°12, 4 avril 2011  >  La Convention de Berne doit être amendée sans délai [Imprimer]

La Convention de Berne doit être amendée sans délai

Le Conseil des Etats est pour la réduction de la protection des grands prédateurs

Interview du conseiller aux Etats René Imoberdorf

thk. L’introduction des soi-disant grands prédateurs (ours, loup, lynx) en Suisse a causé de grands problèmes dont les victimes sont avant tout les éleveurs de moutons et les chasseurs. Le projet de réintroduction qui aurait dû être passé en force sous la direction du conseiller fédéral démissionnaire Moritz Leuenberger, poursuivait entre autres le but de rendre la vie difficile pour les paysans de montagne et de mettre la «biodiversité» au-dessus des ­hommes. Surtout dans les cantons concernés, le fait que Leuenberger se mette à disposition d’une «politique de la nature» mise en scène par l’UE provoqua de plus en plus de résistance. Au sein des Chambres fédérales, quelques représentants lancèrent avec succès des attaques destinées à barrer la route aux ambitions de Leuenberger.
Après qu’à la session d’automne 2010 le Conseil national a accepté plusieurs motions réduisant le statut de protection des grands prédateurs, c’était au tour du Conseil des Etats de traiter de cette question. Bien que la majorité de la commission chargée du préavis ait plaidé pour un affaiblissement des motions acceptées par le Conseil national, l’avis de minorité, dont le rapporteur était le conseiller aux Etats René Imoberdorf, se fixa pour but la reprise sans modification des motions en question. Par leur vote final, la majorité des membres du Conseil a suivi la proposition de la minorité de la Commission et a renvoyé les motions sans réserves au Conseil fédéral.

Horizons et débats: Qu’est-ce qui a permis le succès du Conseil des Etats?

René Imoberdorf: Un aspect important qui fut aussi discuté au sein de la Commission était le point de vue erroné que les chasseurs voulaient obtenir un dédommagement financier pour le gibier égorgé. On put mettre en évidence qu’il n’en est rien. C’était très important. La lettre des directeurs fédéraux de la chasse a précisé que les cantons ne veulent mettre sur pied un système de gestion non seulement pour les grands prédateurs, mais pour la faune en général. Et les discussions avec mes collègues ont montré que ce furent deux points très importants qui ont provoqué une majorité ici, dans notre Conseil.

Qu’est-ce que ça signifie pour les cantons?

J’en suis heureux non seulement en soi, mais aussi sur le plan de la politique de l’Etat, parce que les cantons peuvent co-décider dans les deux cas, c’est-à-dire pour les dégâts concernant les animaux de rente et le gibier. Le système veut que les cantons ­puissent adresser une demande à la Confédération, et je ne crois pas qu’il existe un danger d’abus. Jusqu’à présent, la Confédération a fait la preuve d’un esprit coopératif. Si cela devait changer, il faudrait de nouveau intervenir sur le plan politique. L’argumentation de la conférence des directeurs de la faune qui m’a convaincu, c’est qu’il faut voir la chose dans son en­semble et pas les différents secteurs isolément, par exemple celui des animaux de rente. J’y vois un renforcement des cantons. C’est également très important car chaque canton a ses spécificités. En Valais, c’est avant tout le loup qui pose problème, pas le lynx. Dans d’autres cantons ce n’est pratiquement que le lynx. En considérant l’évolution actuelle, on peut dire qu’il y aura encore bien des changements dans les années à venir. Ce qui est intéressant, c’est qu’au sein du Parlement, l’ambiance a changé ces dernières années. Il y a quelques années, nous n’aurions eu aucune chance avec ces propositions.

Quels effets la modification a-t-elle produits?

Comme les animaux se déploient plus ou moins sur toute la Suisse, il y a quand-même eu des alliances contre cela. On reconnaît soudain le problème.

Jusqu’ici, c’est le loup qui représentait un danger pour les moutons et les chèvres. A présent, on renforce la protection des troupeaux. On pourrait s’acheminer vers le déplacement de la chasse sur le gibier. Qu’en pensez-vous?

C’est une des raisons principales de l’importance de la motion du conseiller aux Etats Fournier, mais aussi d’autres motions. Le conseiller Fournier m’a dit que c’était d’ores et déjà un problème. Le loup n’égorgera pas seulement des moutons, il y a d’autres animaux sauvages rares qui seront les victimes du loup. Et si des meutes se forment, nous aurons un vrai problème avec d’autres es­pèces ani­males. L’équilibre en sera profondément troublé. C’est impossible à envisager.
Admettons que la protection des troupeaux fonctionne vraiment à 100%. C’est évidemment invraisemblable. Le loup s’en prendra alors à d’autres animaux sauvages et le gibier sera en danger. Le problème sera simplement renvoyé à plus tard.

J’aimerais revenir une fois encore sur les moutons. En Valais, cela occupe bien une importance particulière.

L’élevage des moutons est une vieille tradition en Valais. Petit garçon, j’ai gardé des moutons. Dans les premières semaines du printemps, on les amenait quotidiennement au pâturage. Et un certain jour fixé d’avance, on les montait à l’alpage. Dès ce moment, j’y partais chaque fin de semaine pour voir comment allaient les moutons. C’est une tradition profondément enracinée. Il y avait certainement des pertes, mais l’estivage fait évidemment partie de l’élevage des moutons. Et ça, c’est profondément ancré dans l’esprit de ces éleveurs de moutons.
Dans le Haut-Valais, il y a beaucoup de petits éleveurs de moutons. J’ai vécu moi-même l’importance de l’investissement que cela représente là-bas. Et s’ils ne sont pas écoutés, ils l’abandonneront.

Quels effets cela aurait-il?

La Vallée de Conches a connu une grande modification des structures. Il y avait une production animale très importante, puis elle a énormément reculé. Ce qui est resté, ce sont les éleveurs de moutons. Si on abandonne ça aussi, le paysage alpestre retournera complètement à l’état sauvage, jusqu’en bas dans la vallée. Jusqu’ici, ces conséquences sont totalement sous-estimées par ces protecteurs des animaux extrémistes. La région entière serait par exemple plus fortement exposée au danger d’avalanches.
L’aspect culturel se perdrait aussi, et nous n’avons pas le droit d’oublier cela. Ceux qui dans l’histoire de la Suisse se sont battus pour la liberté, c’étaient des paysans de montagne. Des paysans qui habitaient des vallées de montagne et qui ont arraché la liberté. Nous nous devons de conserver cela.

Quels dangers l’avenir nous réserve-t-il avec le loup?

Jusqu’ici nous n’avons connu chez nous que des loups vivant en individus. Quand on sait que dans la Vallée de Conches des meutes se sont formées, je suis persuadé que les gens s’adonnant au ski de fond ou à la promenade auront la peur au ventre. On ne sait pas ­comment les animaux réagissent. Les gens ont peur aussi pour leurs enfants.

Quelle est dorénavant la voie à suivre en politique?

La prochaine démarche devrait être d’abaisser la qualification du loup, dans la Convention de Berne, de «strictement protégé» à «protégé». Mais ce ne sera pas simple. Néanmoins, nous devons pouvoir réagir si les dégâts ­deviennent trop importants. Et il ne faut pas qu’ils la ramènent avec leur biodiversité. Le loup n’a rien du tout à faire avec ça, il représente plutôt un danger pour la biodiversité. Disons simplement multiplicité des es­pèces. Et là nous pouvons dire très clairement: l’animal n’est pas en danger d’extinction. Ce danger est maîtrisé depuis longtemps. Et c’est à nouveau un argument pour dire qu’il n’a rien à faire sur cette liste.
Je suis content que ça se soit passé ainsi. A mon avis, chacun a été satisfait dans cette affaire. Mais si la situation se tendait, il faudrait entreprendre la démarche suivante. Nous devons observer l’évolution de façon attentive.

Monsieur le conseiller aux Etat, un chaleureux merci pour cet entretien.    •

(Traduction Horizons et débats)

«Comme on s’y attendait, il y a eu un débat fort intéressant au Conseil des Etats. On a pu remarquer que les opinions des deux bords n’étaient pas si éloignées que ça l’une de l’autre, comme on l’avait craint auparavant. Que finalement la version en faveur des chasseurs a pris le dessus de justesse est dû à la bonne et objective contribution de Madame la  conseillère fédérale Doris Leuthard. Elle a particulièrement insisté sur le fait qu’il faut laisser aux cantons plus de possibilités de participations aux décisions. Je suis heureux du résultat et remercie tous ceux, et particulièrement Monsieur le conseiller aux Etats René Imoberdorf, qui ont contribué à informer de manière objective.»

Rudi Lustenberger, conseiller national

«Il est heureux que le Conseil des Etats ait compris qu’on ne peut se contenter de protéger les animaux domestiques et de rente face aux animaux sauvages, mais aussi le gibier. Il est important de maintenir les cheptels de tous les animaux sauvages. Nous avons vécu en Suisse des périodes où dans la plupart des cantons il n’y avait plus de cerfs. Il a fallu les réintroduire et veiller à leur reproduction.»

Roberto Schmidt, conseiller national