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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°20/21, 17 juin 2013  >  Débats allemands concernant les alternatives à l’euro [Imprimer]

Débats allemands concernant les alternatives à l’euro

par Jochen Scholz

Le 14 avril, à l’hôtel Interconti berlinois, lors de l’assemblée constitutive de l’Alternative für Deutschland (AfD), on a pu rencontrer – à part les nombreux quadragénaires, jusqu’alors politiquement actifs à l’échelon régional et communal à la CDU, à la FDP ou aussi à la SPD – Hans Olaf Henkel, l’ancien président de la Fédération allemande des industries (BDI), connu principalement comme fauteur de trouble en matière de politique sociale. L’équipe dirigeante élue se positionne également idéologiquement et de par ses conceptions dans l’entourage de «Initiative neue Soziale Marktwirtschaft» [Initiative nouvelle économie sociale de marché], qui est décidée à en finir avec le principe de l’Etat social de la Loi fondamentale. Mais pour ce projet, il ne faut pas une réforme monétaire. Le motif des fondateurs du parti était incontestablement le souci d’un effondrement incontrôlé de la zone euro, si la politique de sauvetage suivie jusqu’à présent était poursuivie. Ils craignent que l’Allemagne puisse être dépassée par les obligations de stabilisation de la zone euro.
C’est leur mérite d’avoir incité le débat sur la politique de sauvetage de l’euro – soi-disant sans alternatives – de la troïka de la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international. Ce débat a déjà été lancé depuis la mi-2012 sous le label «Alternative pour les élections 2013» et les partis en Allemagne soutenant la troïka ne peuvent plus s’y soustraire. Les données économiques qui empirent constamment dans les pays de l’euro dont la cohésion sociale est en danger à cause de cette politique, donnent de l’élan à ce débat.
Maintenant Wilhelm Hankel, le crieur solitaire dans le désert de l’euro, qui n’est pas membre de l’AfD, trouve de nouveau plus d’attention médiatique. Déjà lors de sa première plainte échouée auprès du Tribunal constitutionnel fédéral, contre l’union monétaire, il avait mis en garde contre les conséquences d’une politique monétaire centrale pour les économies nationales totalement hétérogènes. Ses pronostics ont entretemps été largement dépassés par la réalité. Les 50% de chômage des jeunes en Espagne ou les 62% en Grèce doivent suffire comme exemple. Le démocrate social de l’ancienne génération, comme il n’existe plus dans le parti social-démocrate allemand, a présenté il y a quelques semaines, un concept de système monétaire dual qui pourrait stopper d’une part le processus de scission de la zone euro et en même temps avoir un effet cohésif pour l’UE entière. L’euro ne serait pas abandonné, mais figurerait comme monnaie de référence pour les monnaies nationales et comme moyen de paiement parallèle. Les Etats réobtiennent la possibilité de définir une politique de monnaie adaptée à leurs économies nationales et d’égaliser, le cas échéant, leurs désavantages envers les plus forts par une dévaluation.
Oskar Lafontaine a, par son dernier plaidoyer pour un système monétaire européen, non seulement pris le pouls du temps, mais il tient aussi compte du fait qu’une dévaluation interne dans les pays du Sud (nouvelles diminutions de salaires massives) serait irresponsable, alors qu’une réévaluation interne en Allemagne (de fortes augmentations salariales, augmentation des dépenses d’Etat) ne serait pas politiquement réalisable.
Si les signes ne trompent pas, même au sein du gouvernement fédéral se prépare une timide réorientation. La chancelière fédérale n’est pas connue pour des remarques irréfléchies en public. Préalablement à la récente diminution du taux directeur par la Banque centrale européenne, elle a dit lors de la Journée allemande des caisses d’épargne: «Pour l’Allemagne, la Banque centrale européenne devrait normalement augmenter les intérêts.» Une connaissance économique juste, qui toutefois ne se traduit pas dans les faits à cause de la politique monétaire centrale de l’union monétaire. La réaction tiède du ministre fédéral des Finances, à la prise de position de la Banque fédérale pour l’audience orale devant le Tribunal constitutionnel fédéral à la mi-juin à l’occasion de la plainte contre le Mécanisme européen de stabilité (MES), donne également à réfléchir. Car la Banque fédérale d’Allemagne règle les comptes de manière drastique avec la politique de sauvetage jusqu’à présent.
Après la chute du mur, beaucoup de partenaires européens pensaient, par l’union monétaire, pouvoir limiter à moyen terme la domination de l’Allemagne réunifiée et briser la dominance au niveau de la politique monétaire de la Banque fédérale. Avec cette option erronée, l’Union européenne a pris une voie fatale sans issue. L’euro s’est avéré être un instrument inapproprié pour atteindre ce but stratégique. La reprise basée sur des faits historiques de 1907 par l’ancien président français, Mitterand, montre que la décision fondamentale d’introduire une monnaie commune lors du sommet de l’UE à Strasbourg, le 8 décembre 1989, n’avait rien à faire avec des considérations économiques concrètes, mais uniquement avec des considérations stratégiques. Au ministre fédéral de l’Extérieur d’alors, Genscher, il déclara pour le cas où l’Allemagne n’abandonnerait pas son opposition à l’union monétaire: «Préparez-vous à un encerclement par une triple alliance de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Union Soviétique.» (David Marsh, Friedrich Griese, «Der Euro», p. 203). C’est là que Helmut Kohl a su quel prix il devait payer pour la réunification.
Après que le codemandeur Wilhelm Hankel ait présenté, juste à temps avant l’audience devant le Tribunal constitutionnel fédéral, un concept bien conçu pour la stabilisation de l’UE entière, le tribunal devrait oublier sa crainte d’être rendu responsable de l’échec de l’euro. L’euro échouerait aussi si le tribunal cédait le cas à la Cour de justice européenne. La zone euro ne survivra pas à la durée habituelle de procédure de deux ans. Cela se répand: pour prendre congé de la zone euro, il n’est pas besoin d’être un nationaliste, ni un ennemi de l’Europe.    •

Source: Ossietzky 11/2013. Reproduction avec l’aimable autorisation des éditions Ossietzky.

(Traduction Horizons et débats)