Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°1, 5 janvier 2009  >  Former des îlots d’humanité et de paix [Imprimer]

Former des îlots d’humanité et de paix

«Albert Schweitzer – De Gunsbach à Lambaréné» Une documentation photographique sur la vie et l’œuvre du grand humaniste

par Urs Knoblauch, Fruthwilen

Il y a exactement 95 ans que l’hôpital de la forêt vierge à Lambaréné a été fondé par Albert Schweitzer (1875–1965) et Helen Schweitzer-Bresslau (1879–1957). Pendant ces presque cent ans, d’innombrables êtres humains ont pu être aidés, et l’hôpital a continué à se développer malgré maintes difficultés et il prend aujourd’hui une place importante dans le système de santé du Gabon.
Grâce à l’humanisme vécu et à l’aide compétente d’un grand nombre de personnes du monde entier beaucoup d’améliorations nécessaires pour hôpital ont pu être réalisées. Le ravitaillement en eau et l’épuration ont également pu être réalisés. C’est spécialement réjouissant que l’ancien complexe hospitalier ait pu être rénové pendant six ans, nécessitant de gros travaux et que l’ambiance originale ait pu être sauvegardée. Maintenant il rayonne lieu et comme souvenir du respect de la vie d’Albert Schweitzer dans le monde entier.
Il est aussi réjouissant que beaucoup de livres et écrits du grand médecin, philanthrope et combattant pour la paix existent aussi en format de poche et qu’ils soient beaucoup diffusés dans un grand nombre du langues.
Maintenant, la documentation photographique «Homme de Gunsbach – Citoyen du monde», épuisée depuis longtemps, a paru sous une forme élargie en français et en allemand, grâce à la collaboration de Sonja Poteau, Damien Mougin et Christoph Wyss. Il nous donne une idée de l’œuvre humanitaire culturelle exemplaire d’Albert Schweitzer. Edité par la Maison Schweitzer à Gunsbach, abritant aujourd’hui aussi l’Archive et le Musée Albert Schweitzer. Depuis 1967, Ali Silver, la fondatrice et directrice de la maison a, avec des collaborateurs, inventorié les 100 000 photos, 20 000 livres et objets. Ils documentent le travail bénéfique d’Helen et Albert Schweitzer: «Cette éthique, qui rayonne dans l’œuvre de Schweitzer, et qu’il nous a léguée, est le fondement de l’action de ‹l’Association internationale de l’œuvre du Docteur Albert Schweitzer de Lambaréné› (AISL), elle lui donne l’énergie et la volonté de poursuivre la diffusion de l’œuvre et de la pensée d’Albert Schweitzer. Aujourd’hui, dans une période de recrudescence des conflits armés, de la misère, des catastrophes naturelles, dans une période où la solidarité est souvent absente, il est fondamental de savoir qu’il y a autour de nous ‹une vie qui veut vivre, au milieu de vies qui veulent vivre›.» (p. 5)
Le livre rend aussi hommage à tous ces hommes et femmes qui ont participé à l’œuvre d’Albert Schweitzer et le font toujours. La plus grande partie des 530 photos est publiée pour la première fois. Avec des textes choisis d’Albert Schweitzer, le lecteur est conduit respectueusement à travers le livre et la vie mouvementée du grand humaniste, originaire d’Alsace. A Gunsbach se trouve aussi un très intéressant chemin Albert Schweitzer avec beaucoup d’informations, un Musée d’art africain avec une collection précieuse d’objets culturels ainsi que l’ancienne cure qui peut maintenant être utilisée pour des conférences et par des visiteurs.

«Respectez la vie!»

Ce livre est exactement le remède dont on a besoin de nos jours, car le monde malade a justement aujourd’hui besoin de cette conviction humanitaire; le monde a besoin de beaucoup d’Albert Schweitzer avec son éthique du «Respect de la vie». Sa conception de l’homme et de la société est caractérisée par un vrai christianisme vécu et un respect profond de chaque être humain comme personne unique et de sa culture et du respect de tout être vivant dans la nature.
Ces idées fondamentales se retrouvent dans sa philosophie, dans son œuvre pratique et dans sa pédagogie et politique de la paix. Durant toute sa vie, surtout avec l’expérience horrible des deux guerres mondiales et surtout pendant les derniers douze ans de sa vie, ses pensées étaient vouées à son engagement public: la garantie de la paix et la lutte contre les armes nucléaires.
Philosophiquement, théologiquement et psychologiquement et au niveau de la poli­tique de la paix, la pensée et l’œuvre d’Albert Schweitzer contiennent beaucoup de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Là, les bases de la vie en commun pour vivre en justice et en paix ont été formulées ensemble dans tous les domaines de toutes les sciences et par tous les peuples, et elles sont valables pour tous les hommes.

Aperçus d’une vie remplie d’aide au prochain

Albert Schweitzer a grandi au sein d’une famille dans laquelle les valeurs humaines et chrétiennes étaient au centre: «Je suis né le 14 janvier 1875 à Kaysersberg dans le Haut-Rhin, où mon père Louis Schweitzer desservait comme vicaire la petite communauté protestante. Mon grand-père paternel était instituteur et organiste à Pfaffenhoffen (Bas-Rhin), double fonction qu’exerçaient également trois de ses frères. Ma mère, Adèle Schillinger était la fille du pasteur de Muhlbach, près de Munster (Haut-Rhin).» (p. 18)
De son temps passé au gymnase Albert Schweitzer écrit: «Mon parrain, Louis Schweitzer, demi-frère de mon grand-père et directeur des écoles communales de Mulhouse eut la bonté de m’héberger chez lui. Sans cela il n’eut pas été possible à mon père qui faisait vivre sa nombreuse famille avec ses modestes émoluments de pasteur, de m’envoyer au lycée.» (p. 24)
Déjà pendant ses études de théologie et de philosophie qu’il a terminées en 1899 par une thèse sur Kant et en 1900 avec le doctorat de théologie, Albert Schweitzer a travaillé comme vicaire. En 1902, il a été nommé maître de conférence en théologie, et en 1903 directeur du séminaire St. Thomas à Strasbourg.
Très tôt, la musique, le piano et l’orgue avaient une grande importance pour lui et il est devenu un grand interprète de Bach.
Déjà à l’âge de trente ans, Albert Schweitzer a décidé de vouer sa vie aux personnes dans le besoin. Il ressentait une grande gratitude pour sa jeunesse et son temps d’études heureuses, et il voulait faire participer autrui à ce bonheur: «Celui qui a été comblé de bienfaits par la vie est tenu d’en répandre à son tour et dans la même mesure. Celui qui a été épargné par la souffrance doit contribuer à diminuer celle d’autrui. Tous, tant que nous sommes, nous avons à assumer une part du fardeau de douleur qui pèse sur le monde.» (p. 28)
En 1905, il postule, suite à un appel de la Société de mission du Congo à Paris, pour créer dans la vallée de l’Ogooué une œuvre de mission. En 1913, Helen Bresslau et Albert Schweitzer se marient. En 1913, après les études de médecine et sa thèse, il se décide à commencer son travail au Gabon à Lambaréné, ensemble avec sa femme. «A Lambaréné les missionnaires nous firent l’accueil le plus cordial. Malheureusement il ne leur avait pas été possible de monter la petite baraque en tôle ondulée dans laquelle je devais commencer mon service médical. […] A l’automne, je pus enfin m’installer dans une baraque en tôle ondulée de huit mètres sur quatre, couverte d’un toit de feuilles de latanier et située au bord du fleuve. Elle comportait une petite salle de consultation, une salle d’opération de même dimension et une pharmacie encore plus petite. Autour de cette baraque s’élevèrent peu à peu une série de cases en bambou, destinées à abriter les malades…» (p. 45)
Dans les photos et les textes documentaires s’exprime la manière affectueuse du docteur de la forêt vierge de traiter les plus pauvres et les plus malades. Sa femme était pour lui un grand soutien, soit dans le ménage africain inhabituel, soit aussi à l’hôpital: «Ma femme qui avait toutes ses études et stages d’infirmière, m’aidait vaillamment à l’hôpital. Elle soignait les grands malades, s’occupait du linge et des pansements, travaillait à la pharmacie, stérilisait les instruments et préparait tout pour les opérations, où elle se chargeait de l’anesthésie.» (p. 50)
L’entraide mutuelle, la transmission des propres capacités et des techniques culturelles les plus importantes étaient pour le docteur une partie importante de son éthique et de ses convictions. Il a toujours souligné que le comportement respectueux envers la nature ainsi que «le labourage et l’artisanat» représentait les fondements de la culture. C’était une raison importante du succès de son travail à Lambaréné. Le matin, Albert Schweitzer travaillait comme médecin et l’après-midi il s’activait à la construction pratique de son hôpital. Il prenait lui-même la pioche: «Exemple magnifique à cet égard du Docteur qui toujours travaille le premier et le plus durement. Il le fait parce que pour lui, il n’y a pas de différence d’humanité entre Blancs et Noirs». (p. 81)
Pour la guérison des patients il fallait aussi qu’eux et leurs proches coopèrent dans la mesure du possible pour le bon fonctionnement de l’hôpital. Il était persuadé que les indigènes devaient apprendre à cultiver eux-mêmes leur nourriture, à construire une maison, à aménager un logement et à assurer les besoins nécessaires de la vie. Ainsi, le docteur n’était dans le fond jamais partisan des écoles où l’on n’apprenait que la théorie, mais plutôt des écoles qui encourageaient un savoir pratique pour la vie, et enseignaient une conviction vraiment humaniste.
Cette conviction et cette œuvre continue aujourd’hui dans le monde entier dans beaucoup d’«îlots d’humanité et de paix» aussi avec d’autres traditions culturelles. Porter activement l’esprit du respect de la vie dans son entourage proche ou lointain et lui donner vie – aussi pendant des périodes très sombres – c’est un devoir mais aussi une voie pour donner un vrai sens à la vie et aller vers le bonheur. «Nous marchons dans la nuit, la seule lumière sur notre chemin c’est de suivre notre cœur et suivre la loi de l’amour. C’est la lumière intérieure. Avoir le respect de toutes les vies, non seulement des hommes, mais de tous les êtres.» (p. 318)    •

On peut se procurer ce livre dans les librairies:
ISBN 3-9522419-5-4, Gunsbach, France 2008.
Pour plus d’informations sur la
Maison Albert Schweitzer:
8, route de Munster,
F-68140 Gunsbach, France,
tél./fax: +33 3 89 77 31 42. e-mail: gunsbach@schweitzer.org et
www.schweitzer.org