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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°31, 10 août 2009  >  «L’exemple de la Suisse est une impulsion permanente vers la liberté» [Imprimer]

Discours du 1er-Août du conseiller fédéral Ueli Maurer, chef du Département fédéral de la Défense, de la protection de la population et des sports, prononcé à Welschenrohr le 31 juillet et à Meilen, Oberwil-Lieli, Marthalen, Volketswil, Wildberg le 1er août

Nous autres Suisses, nous sommes pacifiques. Nous autres Suisses, nous évitons les disputes. Nous autres Suisses, nous aimerions mettre tout le monde d’accord. Tout ceci peut être considéré comme des qualités positives. Le monde serait nettement plus amical s’il savait, comme la Suisse, pratiquer plus de retenue et de modestie, aussi avec plus de sens de l’harmonie.
Mais cette volonté de comprendre et de s’entendre peut aussi devenir de l’exagération. Nous sommes un peu trop préoccupés de savoir ce qu’on pense de nous. Et quand quelque part quelqu’un s’en prend à nous effrontément et nous traite dédaigneusement, alors, tout intimidés, nous nous mettons à bégayer des excuses. Nous courbons l’échine un peu trop facilement, à tel point que c’en est devenu une habitude.
Notre héros national, Guillaume Tell, si bien représenté par le poète allemand Schiller, est devenu le symbole même de la liberté et de l’indépendance parce qu’il avait refusé de se courber et de baisser la tête.
A mon avis, nous ne devrions pas trop nous préoccuper de ce que l’on dit de nous, mais agir en toute conscience, conformément à nos valeurs, à nos convictions démocratiques et à notre conception de l’Etat de droit. De plus, nous pouvons aussi mettre en valeur, le cas échéant, tout ce que nous accomplissons, toutes nos performances, tout ce que nous apportons au monde.
Et nous donnons beaucoup au monde. Sur le plan des idées, de la pratique et du point de vue humain et tout particulièrement dans trois directions: la liberté, le progrès, les bons offices.

Une impulsion permanente vers la liberté

La Suisse et la liberté sont deux jumeaux. La liberté de la Suisse était proverbiale bien avant que la Révolution française ait mis la liberté dans son programme. Elle fascinait alors les philosophes dans les salons de Paris tout comme elle dérangeait les politiciens dans les cours princières européennes.
En effet, notre conception de l’Etat est fort différente de celle des autres pays: nous nous préoccupons des ci­toyens, et pas de l’Etat. C’est le citoyen qui se trouve au centre de nos préoccupations. L’Etat n’est qu’un moyen d’atteindre le but. Notre Etat n’est pas doté d’une mission nationale, historique ou religieuse. Notre Etat n’existe que pour donner aux citoyens une entière liberté.
De ce fait, nous tentons généralement de trouver nos propres solutions, en mettant en place des projets bien à nous. Nous choisissons notre propre chemin. Le fait est que c’est le peuple qui décide chez nous, notre chemin est plus proche des citoyens, plus équitable fiscalement et parlant, plus libre.
C’est cela le cas particulier (Sonderfall). Seuls ceux qui sont de conception unitaire peuvent lancer une critique. Ceux qui s’imaginent que la vie du monde peut être planifiée. Ceux qui rêvent de centralisme, d’une économie dirigée, de socialisme.
Le cas particulier de la Suisse se projette aussi sur l’étranger. En effet, le cas particulier de la liberté favorise la compétition. Bien au-delà de nos frontières. Tant qu’il y aura dans le monde ne serait-ce qu’un coin où les ressortissants sont véritablement des citoyens à part entière, les partisans de la réglementation, des limitations, de la mise sous tutelle et de la bureaucratie devront se poser des questions. Dès qu’il y a une interdiction, apparaît la question: «Pourquoi ne tentons-nous pas, nous aussi, de gagner plus de liberté? Pourquoi devons-nous subir un échec, alors qu’en Suisse cela fonctionne?»
Il n’est toutefois pas étonnant que la Suisse subit des critiques pour oser aller son propre chemin. Car notre liberté est une provocation pour tous ceux qui construisent leur Etat sur des bases moins libres. Autrefois les princes, aujourd’hui les bureaucrates. Les récentes réactions venues de Londres, de Bruxelles et de Berlin ne sont que l’écho de ce qui est la véritable liberté.
Il n’y a toutefois pas que l’écho des administrations, mais aussi celui de l’économie réelle: les entreprises et les entrepreneurs qui sont pris en tenaille par le fisc se réfugient en Suisse. Cela du fait que notre Etat sait se modérer, que le poids fiscal est moins lourd, que nous savons reconnaître ce que propriété privée veut dire.
Tant que la Suisse se conformera à son système de liberté, nous tiendrons le tout en concurrence. Dans la mesure où des étrangers transfèrent leur avoir en Suisse, que des entreprises étrangères choisissent de placer leur siège dans notre pays, cela signifie que notre système est meilleur, plus concurrentiel. Tous les autres pays sont invités à récupérer leurs entreprises – pas en exerçant des pressions et faisant jouer leur puissance politique, mais en offrant de meilleures conditions cadre.
La concurrence est un facteur de vitalité. Ceci vaut tant pour les systèmes politiques que pour les entreprises. C’est l’histoire elle-même qui le confirme: ce sont les époques où de nombreux petits pays se mesuraient et tentaient d’être les plus performants, qui furent les plus florissantes et les plus créa­tives. La Grèce antique, la Renaissance en Italie du Nord, le classicisme de Weimar. On y trouvait une saine compétition tant de l’ordre étatique que de celui de la société.
La Suisse donne constamment au monde une impulsion de liberté. Du seul fait que nous accordons plus de liberté aux citoyens qu’ailleurs. Nous pouvons en être fiers.

Progrès

La Suisse est un petit pays. En ce qui concerne sa superficie et quant à sa population. Mais la Suisse à une importance sur le plan écono­mique. Mais aussi dans le domaine de l’éducation et de la recherche. Mais encore comme place commerciale et de foires, et aussi comme place financière et de production.
La liberté de recherche avait déjà assuré une belle réputation à nos universités au XIXe siècle. Elles ont su conserver un haut niveau, ce dont bénéficie entre autre la recherche qui profite de la présence de personnel, masculin et féminin, de haute valeur.
Alors même que notre pays n’a pas d’accès direct à la mer, il est devenu un centre de commerce; de la foire des arts à Bâle à la bourse de Zurich.
Notre place financière a pris sur le plan international une position si forte qu’elle reçoit en dépôt de l’argent du monde entier. Les détenteurs de ces sommes apprécient les services, la sécurité, la stabilité. Actuellement, la Suisse est le plus grand gérant de fortune du monde.
La Suisse produit des objets de haute valeur, qui sont connus dans le monde entier en ce qui concerne leur qualité, et sont de ce fait hautement appréciés – la qualité suisse est devenue proverbiale. On le remarque dans le chiffre d’affaires des exportations: la petite Suisse se trouve à la 14e place dans la liste des pays exportateurs.
Nous achetons des biens dans le monde entier; des entreprises suisses investissent dans l’ensemble du globe. La Suisse se trouve au quatrième rang sur le plan international en matière d’investissements directs dans des entreprises étrangères. Ce qui lui permet d’offrir, selon les chiffres actuels de la Banque nationale, 2,35 millions d’emplois.
La Suisse a une forte place dans l’économie mondiale, grâce à ses apports. Ainsi, nos entreprises, mais en fait nous tous, aidons à répandre le bien-être dans le monde et à favoriser le progrès.
Ceux dont la politique porte les stigmates de la jalousie, devraient en prendre conscience. Tous ceux qui espèrent obtenir par une guerre économique ce qui leur échappe sur le plan d’une concurrence loyale et pacifique. Le désert ne se met pas à fleurir quand on assèche l’oasis. Bien au contraire, à force de vivre dans le désert on en perd sa source.

Les bons services

En juin dernier on commémorait pour la 150e fois la bataille de Solférino. L’industrialisation s’était étendue alors sur les champs de bataille avec les armées de masse, causant une déferlante de souffrances. La guerre sanglante entre la Sardaigne, la France et l’Autriche prit fin par le traité de paix de Zurich. Et aujourd’hui, comme à cette époque, notre terrain neutre dans nos villes suisses offre des conditions idéales pour des négociations de paix.
Mais ce furent surtout les hôpitaux de campagne en Lombardie, créés par Henry Dunant, qui donnèrent vie à la Croix Rouge. Depuis lors, la Suisse atténue la souffrance dans les zones de souffrance du monde entier.
Nous devons répondre à tous ceux qui nous montrent du doigt et nous traitent de profiteurs parce que nous refusons de parti­ciper aux aventures déclenchées dans le monde que: «Nous sortons depuis un siècle et demi les humains des décombres que vous avez causés par votre volonté de domination.»
Et nous ne pouvons nous comporter ainsi que du fait que nous n’avons aucune volonté de domination. Les grandes puissances, à la recherche de ressources et de leurs voies d’accès, ne sont pas des aides et des médiateurs crédibles. En revanche, la Suisse, qui s’est toujours tenue à l’écart des conflits bénéficie de la confiance de tous les participants. Car il fut toujours établi clairement que notre neutralité nous interdit de prendre parti.
Toutefois, il suffit de peu pour perdre cette confiance. Dans la mesure où nous participerions, sous la direction des grands Etats, à des opérations militaires, nous deviendrions complices. Nous ne pouvons pas remettre en cause la réputation gagnée au cours des 150 années depuis Solferino. Et de réduire ainsi à néant les possibilités d’apporter de l’aide là où d’autres ont semé la destruction.
Militariser notre politique étrangère n’aide personne. Ni notre armée, qui ne jouit de la confiance de la population que dans la mesure où elle est une armée de défense, ni les populations dans les régions en guerre, qui souhaitent voir venir des secours neutres et non pas d’autres troupes d’intervention.
C’est précisément notre prise de distance par rapport à la grande politique mondiale qui conforte notre position dans le monde. C’est ce que nous devons mettre en valeur. L’impulsion vers la liberté, notre contribution au progrès, les bons offices montrent à quel point notre pays est intégré dans le monde. En effet, l’ouverture, ce n’est pas de signer aveuglément des traités internationaux, ou des accords auxquels nous sommes à peu près les seuls à nous tenir. L’ouverture, c’est beaucoup plus que cela. L’ouverture, c’est le respect, c’est l’échange, c’est la participation. L’ouverture, c’est ce dont les gens, et pas les gouvernements, les organisations non gouvernementales ou les organisations internationales, profitent.
Et nous pouvons être fiers de ce que nous apportons aux populations dans le monde. Sur les plans des idées, du matériel et de l’humanitaire. Nous sommes un facteur d’enrichissement par notre liberté, nos efforts de progrès et l’aide que nous apportons aux malheureux. C’est une grande mission pour un petit pays. Et c’est assez pour s’opposer avec confiance à ceux qui nous critiquent.    •

Source: www.admin.ch
(Traduction Horizons et débats)