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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°40, 18 octobre 2010  >  Davantage d’objectivité ne ferait pas de mal à l’Allemagne [Imprimer]

Davantage d’objectivité ne ferait pas de mal à l’Allemagne

par Karl Müller

L’Allemagne a différents visages. Le premier est celui qui, en règle générale, est transmis par les médias. Actuellement, on observe différents phénomènes relatifs au gouvernement et à l’opposition. Par exemple:
•    Angela Merkel et son gouvernement maintiennent la politique menée jusqu’ici. Conformément à sa maxime du «primat de la poli­tique», par laquelle elle veut dire ­qu’elle est la seule, parmi les membres du gouvernement, à prendre les décisions, qu’il n’est pas question de prendre au sérieux les citoyens et leur désir d’une meilleure poli­tique et d’une participation accrue aux décisions. Le gouvernement fédéral persiste dans sa politique éloignée des citoyens, politique résumée par l’affirmation qu’«il n’y a pas d’alternative». La Chancelière doute rarement, et quand elle le fait, à vrai dire, ce n’est guère à cause des citoyens mais lorsque, sur un dossier, elle veut être la servante de plusieurs maîtres qui ne sont parfois pas d’accord entre eux.
•    Les protestations contre le projet phara­onique d’une nouvelle gare, «Stuttgart 21», ont dépassé le plan de l’objectivité. Aussi bien les partisans que les adver­saires du projet ont misé sur l’affrontement avec des arrière-pensées politiques et ont trompé l’opinion en prétendant avoir les intentions les plus pures. Les Verts, le SPD et la ­Gauche ont instrumentalisé le combat dans le but d’arriver au pouvoir. Le gouvernement et les partisans du projet sont déjà sans doute trop profondément enlisés dans les bas-fonds de la «folie d’une ­grande Europe des multinationales». Actuellement, on ne sait pas si et comment on va réussir à faire valoir la raison dans le conflit.
•    Le débat allemand sur l’Islam prend toutes sortes de formes. Le 2 octobre, le Hollandais Geert Wilders a parlé à Berlin à l’invitation d’un parti nouvellement créé. Personne ne devrait négliger ce que Wilders a déclaré, notamment ceci: «Il vous appartient de vous placer aux côtés de ceux qui sont menacés par l’Islam, comme l’Etat d’Israël et vos compatriotes juifs.» Cette phrase pourrait aussi bien être d’Angela Merkel. Le délégué du ministère israélien des Affaires étrangères Avigdor Liebermann a sans doute bu du petit lait.
Et le second visage?
Des millions de personnes, en Allemagne, accomplissent jour après jour leur travail avec sérieux, cherchent des solutions à leurs problèmes et font que beaucoup de choses fonctionnent encore fort bien dans le pays.
Il y a aussi des personnalités qui s’en­gagent en faveur de la réussite de l’économie d’après-guerre froide, comme l’ancien président de Daimler-Benz Ezard Reuter. Il vient de publier un livre («Stunde der Heuchler. Wie Manager und Politiker uns zum Narren halten», 2010, ISBN: 978-3-430-20090-5) et lors d’une interview accordée le 5 octobre au Deutschlandfunk, il a déclaré: «Je pense qu’à la fin de la guerre froide, à la suite de la globalisation, une situation s’est créée qui permettait de brasser de l’argent dans le monde entier. Jusque-là, on obéissait au fond à la loi des entreprises normales que nous connaissons tous. Elles fabriquaient des produits plus ou moins tangibles. Depuis la globalisation – accompagnée du processus de numérisation, de l’essor de la société de l’information, des moyens de faire circuler autour du monde de l’argent à la vitesse de l’éclair – un phénomène nouveau est apparu: L’argent est devenu autonome, il est devenu un produit. Et depuis, on peut, grâce à des spéculations hasardeuses mais aussi en partie au moyen d’affaires sérieuses, gagner en un rien de temps des sommes considérables. Et c’est ça qui est nouveau.» Après une courte pause au point culminant de la crise financière, ils sont de nouveau nombreux ceux qui «sont prêts à recommencer. Naturellement, on le comprend, une foule de jeunes gens ont tous fait des études dans des universités ou des business schools et estiment que ‹ce qui est bon pour les profits des individus est bon pour la société›.»
On ne doit pas obligatoirement par­tager toutes les idées de personnalités comme Ezard Reuter ou de millions d’autres per­sonnes qui agissent. Ce serait étrange. Dans une démocratie, la liberté d’expression imp­lique que l’intérêt général est mieux défendu quand s’expriment et sont entendues diffé­rentes opinions et que s’instaure un authentique dia­logue où les meilleurs arguments finissent par triompher.
En Allemagne, on peut être quasi sûr que presque tout ce qui occupe une grande place dans les médias ne contribue pas à un débat objectif mais fait partie d’une lutte pour le pouvoir ou est destiné à détourner l’attention des questions importantes.
Mais personne n’est obligé d’y participer. Quand on part du principe qu’il ne peut y avoir de bonnes solutions lorsque le droit est ignoré, que l’intérêt du prochain est négligé et que la raison sommeille, il reste possible de séparer le bon grain de l’ivraie. Actuellement, quand notre action ne fait pas la une des journaux, il faut y voir un signe positif. Cela veut dire que ce n’est pas si mal de veiller sans le crier sur les toits à ce que les problèmes soient discutés dans un esprit d’égalité et que différentes opinions puissent s’exprimer afin de parvenir à des solutions satisfaisantes – entre hommes, entre citoyens. Il s’agit là d’un travail en profondeur. On sait que les arbres croissent lentement mais qu’ils vivent longtemps.    •

 

Vive critique de la politique monétaire de la FED et de la BCE

Revendication pour des cours de change fixes

km. La déclaration du prix Nobel de l’économie, Joseph Stiglitz, selon laquelle la Banque centrale européenne BCE et la banque centrale américaine FED ont déstabilisé les marchés de devises globaux et ont fait chuter le monde dans le chaos avec leur politique monétaire extrêmement souple (agence reuters du 6 octobre), a été soutenue en Allemagne. Selon le journal économique allemand «Handelsblatt» du 8 octobre, le chef économiste de la Commerzbank, Jörg Krämer, a mis en garde que les banques centrales couraient le risque, avec des taux directeurs constamment bas, d’encourager des exagérations spéculatives à l’avenir.
Max Otte, l’un de ceux qui avaient pronostiqué assez exactement la crise écono­mique et financière a déclaré que la surabondance en liquidité occasionnée par la FED a atteint un point où elle est plus nuisible qu’utile. L’argent ne coule pas dans l’économie réelle, mais est utilisé pour les affaires ban­caires: «Les banques sont récompensées par des taux de refinancement bas, mais il n’est pas garanti que ceux-ci soient vraiment reversés dans l’économie. […] Ainsi, une politique monétaire extrêmement souple peut, en effet, bouleverser les structures écono­miques et produire le chaos.»
En marge du congrès annuel du FMI, on a été mis en garde contre une «guerre monétaire» internationale. Dominique Strauss-Kahn, le directeur du FMI, s’était exprimé de la manière suivante: «L’opinion commence à se répandre, selon laquelle les monnaies peuvent être utilisées comme armes.» S’y ajoute en outre une dispute entre les USA et l’UE relative à une nouvelle distribution des sièges dans le directoire exécutif du FMI. Le gouvernement des USA pousse à réduire la proportion des voix de l’UE.
En Allemagne, d’autres personnalités prennent aussi la parole dans ce ­contexte, comme l’ancien ministre des Finances allemand Hans Eichel qui, dans le Deutsch­landfunk du 7 octobre, exige un retour aux cours de change fixes, comme ils l’étaient en 1944 dans les accords de Bretton Woods pour empêcher une crise économique mondiale, mais qui ont été résiliés au début des années 70 par le gouvernement américain à la suite de la guerre du Vietnam. Des cours de change fixes pourraient être un moyen de pallier aux spéculations sur les devises et à une compétition dans la dévalorisation.