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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°4, 1 fevrier 2010  >  Sommet des ministres de l’Agriculture pendant la Semaine verte de Berlin [Imprimer]

Sommet des ministres de l’Agriculture pendant la Semaine verte de Berlin

gk. A l’invitation de la ministre allemande de l’Agriculture Ilse Aigner a eu lieu à Berlin, du 14 au 16 janvier, le Global Forum for Food and Agriculture (Forum mondial de l’alimentation et de l’agriculture) sur le thème «Agriculture et changement climatique – Nouveaux concepts politiques et économiques». Ce Forum faisait partie du programme de la plus grande exposition alimentaire et agricole au monde, la Semaine verte. La ministre a déclaré: «Nous allons nous fonder sur les résultats du Sommet climatique de Copenhague et en tirer les conséquences pour l’agriculture et l’alimentation. Il s’agit des prochaines étapes en vue du régime climatique futur.»

Sommet des ministres de l’agriculture

Le 16 janvier, les ministres de l’Agriculture de différents pays et d’autres experts se sont réunis dans le cadre du Forum. L’un des participants était Alexander Müller, directeur adjoint de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), a évoqué les défis actuels. D’ici à 2050, la population mondiale passera de 6,2 à 9 milliards d’individus. Aujourd’hui déjà, 1 milliard d’êtres humains souffrent de la faim, mais un autre milliard de surpoids. Le changement climatique, les sécheresses, les cyclones vont frapper davantage certaines régions du monde. Il faudra augmenter la production alimentaire globale de 70%. (Cela dit, on a appris au cours du Forum qu’aujourd’hui encore 50% des aliments pourrissent ou sont détruits.)
Optimiste, Müller a déclaré que l’agriculture pouvait s’adapter. Elle doit développer des méthodes permettant d’obtenir des récoltes suffisantes avec des variétés de céréales adaptées au changement climatique. La séquestration du carbone dans les sols – terres arables et herbages – doit être améliorée, ce qui permettra de réduire la part de 13% d’émissions de gaz à effet de serre due à l’agriculture.
Il a semblé ici ou là que l’on citait des passages du Rapport mondial sur l’agriculture du Conseil mondial de l’agriculture mais il n’a pas été mentionné. Pourquoi? Parce que l’Allemagne n’a toujours pas signé ce document?
Laurent Sedego, ministre de l’Agriculture du Burkina Faso, s’est élevé, au nom de l’Afrique, contre la contrainte politique de réduction des émissions à effet de serre. «Nous n’avons contribué en rien au changement climatique, mais nous voulons contribuer à la solution du problème». Il a déploré que le Sommet de Copenhague ait tenu trop peu compte de la situation sociale et de la «durabilité» dans sa globalité et sa complexité. Les problèmes du Burkina Faso sont tout différents: par exemple, il s’agirait de mettre au point des semences qui arrivent à maturité pendant les deux mois seulement que dure la saison des pluies. La croissance des semences utilisées actuellement dure 6 mois.

Le rapport mondial sur l’agriculture demande un changement de paradigme

Il a été indiqué ailleurs que l’on ne peut résoudre les problèmes actuels qu’en tenant compte de leur complexité et de la durabilité et que la réduction des gaz à effet de serre (me­sure de l’empreinte CO2) ainsi que l’amélioration de la séquestration du carbone dans les sols sont loin de suffire. Lors de la manifestation intitulée «Modernisation de l’agro-industrie africaine et adaptation au changement climatique», Hans Rudolf Herren, du Millenium Institute, a présenté le Rapport mondial sur l’agriculture. Herren est vice-président de l’International Assessment of Agricultural Knowledge, Science and Technology for Development (IAASTD).
Il estime qu’on ne peut pas continuer comme avant. Il n’y a pas de «révolution verte» au sens traditionnel du terme. L’agriculture de demain doit être «organique», c’est-à-dire écologique et multifonction­nelle.
Ce qu’il faut viser, ce n’est pas le rendement maximal mais le plus durable possible. On peut augmenter durablement la fertilité des sols d’un facteur 2 à 5 en recourant à la biodiversité (diversité des variétés) et en appliquant les acquis scientifiques ainsi que les précieuses connaissances pratiques des différentes régions. Il faudrait renoncer aux engrais chimiques et aux pesticides: de toute façon, dans 50 ans, il n’y aura plus de pétrole pour les fabriquer.
Pour résoudre véritablement les pro­blèmes, il faut avoir une vision systémique. La complexité de l’agriculture doit être comprise de manière globale pour diffuser les connaissances agricoles sur fond de développement scientifique et technologique. Il faut informer les paysans, surtout les petits paysans, dans le monde entier. La sécurité alimentaire de tous est nécessaire et possible: «L’alimentation est un droit humain». Pour terminer, Herren a cité Einstein: «On ne peut pas résoudre un problème selon le même système de pensée que celui qui l’a créé.»
Il faudra manifestement s’investir davantage pour faire mieux connaître le Rapport. Son contenu et les conséquences à en tirer devraient être au centre du prochain Sommet des ministres de l’Agriculture et l’Allemagne devrait le signer d’ici là.

Bilans écologiques et empreintes CO2

Sous l’influence du débat climatique, un sujet a dominé les discussions: l’évaluation de différentes méthodes de culture et d’élevage ainsi que des technologies de transformation des aliments sous le seul aspect de la production de CO2.
Certes, il est judicieux que les entreprises économisent l’énergie, notamment parce que cela leur permet de réduire leurs frais à long terme, mais les «bilans écologiques» (par exemple ceux de l’Institut für Energie- und Umweltforschung de Heidelberg [www.ifeu.de] sont plus approfondis et nuancés. Le problème est cependant de circonscrire les questions, de savoir ce qu’il faut évaluer et ce qu’il faut négliger. Néanmoins, selon les calculs de l’ifeu, les cultures biologiques et régionales sont nettement préférables aux autres.

La production de viande nuit-elle au climat?

L’évaluation de la consommation de viande (et de produits laitiers) tout particulièrement nécessite une approche nuancée. Une calorie provenant de la production animale demande 2 à 7 calories végétales. Recourir à des «aliments concentrés»: soja, céréales et autres, pour nourrir le bétail, c’est priver l’alimentation humaine d’une ressource précieuse.
La production d’un kilo de viande dans ces conditions entraîne la formation de 22 kg de CO2. En outre, on soupçonne les bovins de contribuer au réchauffement climatique: de par leur digestion de ruminants, ils produisent du méthane, gaz jugé nettement plus nocif pour le climat que le CO2.
Dans le monde, il n’y a que 1,5 milliard d’hectares de terres arables et de cultures permanentes. En revanche, on dispose de quelque 3,5 milliards d’hectares d’herbages et de pâturages ainsi que de steppes à usage extensif et de terres qui ne peuvent servir qu’à l’alimentation de ruminants – bovins, ovins et caprins – et profitent indirectement à l’alimentation humaine.
Ici aussi, l’approche réduite au seul aspect de la lutte contre le réchauffement climatique est problématique: il faut envisager la question de manière globale et multifonctionnelle. Or dans les manifestations officielles du Global Forum du moins, cette dernière approche a été insuffisante.    •