Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°2, 18 janvier 2010  >  Le plus ancien élevage de chevaux de Suisse est à la croisée des chemins [Imprimer]

Le plus ancien élevage de chevaux de Suisse est à la croisée des chemins

«Cavalli della Madonna» – comment continuer?

par Heini Hofmann

Autrefois, les «Cavalli della Madonna», les chevaux de l’abbaye d’Einsiedeln, représentaient un exemple éclatant d’élevage d’animaux indigène professionnel. Aujourd’hui, ils luttent pour leur existence. A vrai dire, c’est dommage si l’on pense à la grande tradition d’élevage d’animaux qui s’associe à l’abbaye d’Einsiedeln avec son écurie.
Jadis les exploitations agricoles monastiques étaient des institutions paysannes exemplaires. Mais depuis que les pères, qui étaient des spécialistes et qui remplissaient leur tâche avec passion, sont morts, la splendeur a pâli. Et, plus le fier haras se transforme en une école d’équitation avec des chevaux de pension et leurs écuyers, plus il s’éloigne de sa grandeur professionnelle initiale.
Certes, les écuries historiques viennent d’être rénovées pour cinq millions de francs, mais un concept clair d’élevage pour la race d’Einsiedeln en danger manque encore. S’agit-il de mettre la charrue avant les bœufs? Si l’on voulait un avenir à long terme pour les «Cavalli della Madonna» d’une façon bénéficiaire pour le haras, il faudrait réagir vite.

Le plus ancien élevage

Les écuries de l’abbaye d’Einsiedeln représentent le plus ancien élevage de chevaux documenté en Suisse. Dans la première indication d’un haras dans la fondation d’Einsiedeln de 1064 on peut lire pour la première fois le nom de «Marschall» (germanique: «marach» = cheval et «scale» = serviteur). Jusqu’au XVe siècle, le «Marschall» de l’abbaye d’Einsiedeln était traditionnellement le comte de Rapperswil. Il avait à surveiller le haras, le fourrage et les pâturages.
Les moines des premiers centenaires descendaient de la noblesse et de la chevalerie, ce qui stimulait l’élevage de chevaux à l’abbaye. Ainsi entre le XVIe et le XVIIIe siècle, les «Cavalli della Madonna» (les chevaux de la Sainte Vierge comme on les nommait en Italie) étaient connus comme succès d’exportation dans toute l’Europe, surtout comme chevaux de guerre.
Comme il n’y avait pas encore de restriction en ce qui concerne l’exportation du «matériel de guerre», même les monastères pouvaient participer à ce commerce, qui, pendant la Révolution française, allait tellement bien que l’élevage aurait presque disparu. «La dernière queue de poulain a disparu de nos écuries», car le général Schauenberg et un autre se faisaient mutuellement cadeau des plus beaux chevaux de la fondation.

Des hauts et des bas continus

Au XIXe siècle, les moines bénédictins ont apporté à l’élevage de chevaux une renais­sance. Mais déjà au milieu du siècle, la concurrence des chemins de fer a mené à un nouvel effondrement. Et finalement ce fut une décision interne de l’abbaye qui provoqua le déclin de l’élevage des chevaux: L’élevage de bétail s’est avéré plus lucratif; et alors le bétail à cornes montra la porte aux «Cavalli della Madonna».
L’élevage lui-même avait des hauts et des bas. Tandis que pendant trois cente­naires l’insémination des juments d’Einsiedeln était faite par des étalons de différentes races européennes, l’on essaya plus tard de former des chevaux de selle modernes avec des étalons français et anglais. Mais comme trop de cuisiniers gâtent la sauce, cette mixture n’a pas conduit à une unité. Dans l’opinion européenne les Einsiedler figuraient comme «chevaux de labour».
Au début du XXe siècle, l’on a de nouveau donné de l’importance à l’élevage axée sur la race, ce qui en a amélioré durablement les caractéristiques. Alors que les familles de juments représentent l’élément constant, les étalons apportent le progrès et le changement. Le succès d’élevage le plus durable ressortit de l’engagement d’étalons anglo-normands. La race des Einsiedler évolua de nouveau vers un cheval homogène, à bon caractère et polyvalent, c’est-à-dire sous la selle et sous harnais. A part le cheval blanc, ­toutes les couleurs sont représentées, cheval noir plus rare, alezan dominant.

Chance manquée?

Il n’est guère connu que, par le passé, l’abbaye d’Einsiedeln a marqué l’histoire avec d’autres espèces d’animaux de rente (cf. encadré). Ainsi, comme l’Abbé a préconisé de revaloriser les domaines publics de l’abbaye par la rénovation des écuries et d’en faire encore davantage des espaces de rencontre, l’on se demande pourquoi on ne profite pas de cette chance unique pour présenter dans cette atmosphère singulière toute la gamme des espèces d’animaux de rente, devenues célèbres grâce à l’abbaye d’Einsiedeln, dans une sorte de kaléidoscope vivant, comme «Naturama de l’élevage des animaux de rente»; La société moderne sans fumier aux manches a soif d’un tel contact étroit.
La stratégie de l’ensemble n’arrive pas à persuader non plus. On dit vouloir maintenir la trilogie des catégories: élevage des chevaux, chevaux en pension, école d’équitation. Or, d’après les faits, il faudrait inverser l’ordre de cette énumération: Ecole d’équitation ordinaire avec l’ombre d’un haras. C’est également avec ce reflet d’objectif manquant qu’on est en train de projeter une société d’intérêt pour le maintien des deux lignées de jument historiques, «Quarta» et «Klima», avec des paysans qui élèvent encore des chevaux d’Einsiedeln (et qui étaient de toute façon les plus actifs ces dernières années), et cela bien que les changements de construction soient déjà cimentés.

Dernière possibilité

A présent, la base de l’élevage est déjà si petite qu’un programme d’élevage conventionnel ne suffit plus. C’est seulement avec des méthodes biotechniques modernes (transfert d’embryon) que l’on pourrait atteindre une reproduction accélérée et une qualification au niveau de l’élevage. Il faudrait le faire avec un programme d’élevage strict. On pourrait prendre des étalons suisses à sang chaud, comme avant, avec un concept d’élevage conséquent au travers de diverses générations.
Comme l’abbaye se montre ouverte au management moderne, on devrait peut-être se faire violence quant à l’élevage d’animaux. Au lieu de miser sur la pitié et le fait d’être «en danger», il faut travailler pour être «demandé», cela veut dire qu’il faut s’organiser par ses propres moyens. Pour cela il faudrait une nouvelle impulsion d’élevage – par exemple la sélection des chevaux noirs. «Black is beautiful» irait bien avec les soutanes ­noires des moines et avec l’abbaye à la Vierge noire – et pourrait mener les «Cavalli della Madonna» à une nouvelle célébrité et popularité. Car les races d’animaux de rente faites par les hommes ne survivent que si elles sont demandées.
L’expert en élevage d’animaux Prof. Gerald Stranzinger pense que pour atteindre ce but il faudrait analyser les trois sources génétiques («Genloci») responsables de la transmission héréditaire des chevaux noirs de manière génétique et moléculaire, afin d’atteindre la plus grande possibilité des chevaux noirs (les trois «loci» génétiques doivent être homozygotes récessifs). En plus, il propose de favoriser des tempéraments comme un caractère fiable, une volonté de prestation et une résistance aux maladies. Le plus ancien haras encore actif pourrait ainsi devenir le premier qui élève une population saine sur une base génétique.

Concept d’ensemble attractif

Qui sait? Peut-être que l’abbaye d’Einsiedeln reverra ses projets avant que les derniers jalons soient posés; Car, malgré les grandes dépenses, les phases de construction accomplies ne persuadent pas du point de vue éthologique. En plus, pour la prochaine phase de construction, qui concerne l’écurie précieuse et historique, la conservation des monuments pourrait bien ne plus être «aussi bienveillante» – comme on l’a mis en évidence pour la première phase de construction.
Pour cette quadrature du cercle (des bâtiments protégés par la conservation des monuments versus l’élevage d’animaux propre à l’espèce), il y a aujourd’hui de bons exemples de solutions: le plus ancien zoo du monde à Schönbrunn/Vienne, ou le nouveau zoo d’animaux de rente du château du Prince Eugène à Schlosshof en Basse-Autriche, où l’on a harmonisé le patrimoine culturel architectural et historique du zoo avec l’élevage des animaux moderne de manière géniale sans devoir liquider à fond le premier.

Ane d’or inattendu

Ainsi, il reste à espérer qu’à Einsiedeln on trouvera encore un concept d’ensemble complet et attractif – pour le bien des «Cavalli della Madonna». Ceci d’autant plus après qu’un bienfaiteur inconnu ait rendu possible de créer une fondation avec le capital de 1,8 millions de francs pour la sauvegarde et la promotion des chevaux de l’abbaye d’Ein­siedeln.
(Traduction Horizons et débats)

Le noyau de l’élevage suisse des animaux

hh. L’abbaye d’Einsiedeln héberge non seulement les haras les plus anciens de Suisse, voire d’Europe. Elle était aussi, on ne s’en rend plus guère compte, un des points de cristallisation par excellence de l’élevage d’animaux en Suisse où, outre les chevaux les plus nobles, on trouvait aussi d’excellents chiens de chasse – précurseurs des chiens courants suisses actuels – et avant tout les deux races bovines helvétiques les plus importantes.
L’abbaye d’Einsiedeln hébergeait, comme on peut lire dans les anciens registres du bétail, l’élevage le plus ancien et le plus important de Suisse centrale en ce qui concerne la race bovine Brune des Alpes. Elle a ainsi contribué essentiellement au développement de la race bovine Brune helvétique qui, plus tard, a entrepris une marche triomphale sur tous les continents.
Dans les fermes de l’abbaye bénédic­tine d’Einsiedeln, on a aussi fait l’élevage de la race bovine Pie rouge des Montagnes qui, grâce aux familles nobles, a été transférée dans d’autres régions. Ainsi par exemple, Rudolf II de Waediswil,
qui surveillait l’élevage bovin d’Einsiedeln, a déménagé en 1224 vers Unspunnen [un hameau de l’Oberland bernois], emportant tout ce qu’il possédait, après avoir épousé Ita von Unspunnen. Mais
ce seigneur féodal très fortuné a acheté du bétail de l’abbaye à l’abbé, et l’a emmené avec lui dans l’Oberland bernois où ce bétail a trouvé une nouvelle patrie.
Ainsi, il a posé le fondement d’une nouvelle race bovine, la Simmental, qui, ultérieurement, s’est aussi propagée dans le monde entier, et qui est aujourd’hui une des races bovines les plus répandues du monde.
«Les Simmental nourrissent le monde» est le fier slogan de l’association mondiale de cette race. Cela est d’autant plus étonnant que cette noble vache suisse provient initialement d’un monastère …