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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°42, 20 octobre 2008  >  Initiative cantonale visant à interdire les «killer games» [Imprimer]

Initiative cantonale visant à interdire les «killer games»

Se fondant sur l’article 160-1 de la Constitution fédérale et sur l’article 79-1b de la Constitution cantonale bernoise, l’initiative demande à l’Assemblée fédérale de créer les bases légales permettant l’interdiction de la production, de la publicité, de l’importation, de la vente et de la diffusion des jeux électroniques dans lesquels la violence brutale exercée contre des hommes ou des êtres à ressemblance humaine amène la réussite.

Justification

Les causes de la violence parmi les jeunes ne se réduisent pas, il est vrai, à un facteur unique. Toujours est-il que des méta-analyses1 montrent que les recherches récentes établissent une corrélation empirique entre le comportement violent et la consommation de killer games (jeux vidéo de tir). Cette corrélation s’explique par le graphisme très réaliste et la diversité des moyens d’utilisation de la violence. En utilisant des armes cruelles contre les humains ou des êtres à ressemblance humaine, le joueur augmente ses chances de gagner. La présentation de ces jeux est particulièrement instructive. Oliver Beck, manager chez le fabricant Midway, vante en ces termes le jeu vidéo le plus récent, Strangehold, dont la production a coûté 35 millions de francs: «Le graphisme du jeu permet de détruire complètement l’environnement. Presque chaque objet visible sur l’écran peut être détruit correctement. Nous appelons cela massive-destructability-system (Berner Zeitung du 10 septembre 2007).
Mais on peut prouver l’impact négatif des jeux violents autrement que de manière empirique. Les événements isolés qui se sont produits à Littelton (Etats-Unis), à Erfurt (Allemagne), à Tessin (Allemagne) et à Tuusula (Finlande) confirment l’hypothèse selon laquelle les jeux violents amènent certains jeunes à commettre d’abominables actes de violence. Le procès intenté à l’adolescent de Tessin au mois de juin 2007 en dit long. Un des avocats de la défense a demandé de considérer comme une circonstance atténuante le fait que son client avait consommé une grande quantité de jeux vidéo violents et de films d’horreur. Cette demande trouve sa justification dans les résultats de recherches récentes sur le cerveau qui affirment que les succès aux jeux s’accompagnent d’une production accrue de dopamine, selon la devise «Plus je tue, plus c’est beau!» Le fait de jouer fréquemment à ces jeux crée un «processus d’apprentissage» dans le cerveau.
Et pourtant il est impossible de rendre responsables de ces effets ceux qui fabriquent ou vendent ces jeux. Il y a bien l’article 135 du Code pénal qui interdit la fabrication, l’importation, la mise en circulation, la promotion, etc. d’enregistrements sonores ou visuels, d’images d’actes violents et cruels. Cependant, il ne peut être appliqué que d’une manière très limitée à la lutte contre les jeux vidéo violents. Les accords entre les producteurs et les vendeurs sur les limites d’âge n’ont pratiquement pas d’impact réel. Les sondages montrent que les adolescents peuvent se procurer sans problèmes les jeux vidéo munis du symbole «+18» puisque la vente et la diffusion aux mineurs ne peuvent pas, actuellement, être sanctionnées par le droit pénal.
La présente motion doit être traitée en priorité, même si la nécessité formelle n’en est pas donnée. Il faut agir promptement puisque l’interdiction des killer games devrait faire reculer à moyen terme la violence juvénile.

Extrait de la motion de Roland Näf, député socialiste, soumise au Grand Conseil bernois le 19 novembre 2007.

(Traduction Horizons et débats)

1    Une «méta-analyse» est une synthèse des résultats de plu­sieurs, voire de nombreuses études sur un sujet donné (ndt.)