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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°25, 18 juin 2012  >  L’Europe, continent constitué d’Etats nations [Imprimer]

L’Europe, continent constitué d’Etats nations

«J’ai évité les pronostics car nous avons affaire à des processus politiques ouverts par nature.»

«D’ailleurs, c’est une chance à long terme pour l’Europe, continent constitué d’Etats nations qui focalise ses forces là où c’est utile tout en garantissant la flexibilité individuelle quand tel ou tel pays le souhaite. Les différentes formes de la collaboration européenne et la monnaie unique ne sont que des instruments politiques. Il ne faudrait donc pas leur attribuer de valeur autre que leur utilité. En effet, ce serait de l’idéologie et non pas de la politique.»

Thilo Sarrazin: Europa braucht den Euro nicht. Wie uns politisches Wunschdenken in die Krise geführt hat (L’Europe n’a pas besoin de l’euro. Comment nos illusions nous ont en­traînés dans la crise.) 2012, p. 417

«L’impression déprimante ressentie ce printemps 2012 est que le projet d’‹union monétaire européenne› évolue selon ses propres lois, que même les gouvernants et leurs conseillers ont de la peine à les percer à jour. Ce n’est pas eux qui les déterminent. Au mieux, ils réagissent, et Angela Merkel, dont la voix ressemble à celle du GPS installé dans ma voiture, semble remplir exactement cette fonction. Si je me suis manifestement égaré, j’entends, pendant un certain temps: ‹Faites si possible demi-tour›, et quand mon erreur est devenue encore plus manifeste, on me dit: ‹Tournez à gauche›. Et si la voiture a quitté le secteur cartographié, la voix aimable me fait savoir que ma destination est dans la direction indiquée. S’agissant de ma voiture, je sais que la voix sympathique n’a aucune influence sur l’itinéraire suivi par ma voiture, qu’elle ne fait que constater une situation. Or, je crains qu’il en aille de même en ce qui concerne l’évolution de l’union monétaire. Lors d’un entretien remarquable avec Günther Jauch, Angela Merkel a déclaré très clairement que lorsqu’il s’agissait de prendre des décisions sur l’euro, elle ne faisait que conduire pratiquement ‹à vue›, en fonction de la situation du jour.» (p. 21)
«A la base du traité de Rome qui, en 1958, fonda la Communauté économique européenne (CEE), il y avait le concept de marché commun. Ce concept, bien pensé et appliqué systématiquement, signifie que règnent partout la liberté d’établissement et l’égalité des chances en matière de concurrence. Les Etats membres peuvent influer sur le libre jeu de la concurrence grâce à une bonne éducation générale et une bonne formation professionnelle, à une activité scientifique performante, à de bonnes infrastructures, à des services publics sûrs, à une administration publique peu coûteuse, flexible et non entachée de corruption. Cependant, dans le marché commun, tous les acteurs conservent leurs responsab­i­lités originales et dans ce cadre, évidemment, ils répondent également de leurs dettes. Personne d’autre ne le fait à leur place. Parmi ces acteurs, il faut également compter les pays membres du Marché commun. La monnaie unique ne change en principe rien à ce cadre régulateur. Il est compatible avec une banque centrale indépendante et respectant avant tout l’objectif du maintien de la stabilité de la monnaie.
Il va de soi que, dans ce cadre, tous les Etats ont le droit de commettre des erreurs, par exemple en s’endettant au-delà de ce qui est utile à la société. C’est au détriment des citoyens qui doivent alors élire un nouveau gouvernement. Il se peut que le dommage touche également les créanciers si l’Etat en question rencontre des difficultés à gérer ses dettes. Or, comme pour les entreprises et les débiteurs privés, les créanciers doivent, face à des débiteurs publics, commencer par réfléchir sérieusement à qui ils veulent confier leur argent et à quelles conditions.
Une chose ne fonctionne pourtant pas et c’est ma thèse initiale: on ne peut quasiment pas forcer de manière centralisée les débiteurs publics à se comporter de manière raisonnable. Premièrement, il est rare que l’on puisse savoir de manière évidente ce qui est raisonnable. Différentes conceptions du monde, différents objectifs politiques peuvent entraîner différentes politiques d’endettement qu’on peut difficilement évaluer selon une échelle allant d’‹erroné› à ‹correct›. Deuxièmement, question encore plus délicate, le contrôle efficace du comportement face aux dettes nécessite des interventions énergiques qui privent l’Etat concerné de son caractère souverain ou s’avèrent inefficace.» (p. 24sq.)
«Quand, en 1996, j’ai publié mon premier livre sur l’euro, mon attitude face à la future monnaie unique était encore prudemment optimiste. Je n’y voyais pas de chances considérables pour la croissance, il est vrai, et je ne pensais guère que cela favoriserait l’intégration. J’étais pourtant d’avis qu’on pourrait vivre ensemble avec la monnaie unique à trois conditions:
1.    La Banque centrale européenne obéit au modèle de la Bundesbank et refuse rigoureusement tout financement de dettes publiques.
2.    Il n’y a pas de ‹plans de sauvetage› pour les dettes d’Etats membres.
3.    La monnaie unique ne doit pas provoquer, dans les pays peu compétitifs, une hausse des coûts et des prix située au-dessus de la moyenne.
On a gravement failli à ces trois conditions et malheureusement, nous ne pouvons pas repartir de zéro. Il faut continuer à partir de là où nous sommes arrivés aujourd’hui. Dans mon livre, j’ai tenu à présenter les faits de manière neutre. J’ai décrit les risques et estimé la probabilité de leur apparition. J’ai évité les pronostics car nous avons affaire à des processus politiques ouverts par nature.» (p. 410sq.)    •

Extraits du livre de Thilo Sarrazin, Europa
braucht den Euro nicht. Wie uns politisches Wunschdenken in die Krise geführt hat.
DVA 2012, ISBN 978-3-421-04562-1.

Extraits publiés avec l’autorisation de l’auteur.
(Traduction Horizons et débats)