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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°23, 4 juin 2012  >  «Managed Care» généralisé: l’expérience américaine révèle les défauts [Imprimer]

«Managed Care» généralisé: l’expérience américaine révèle les défauts

par le Pr Marcus Matthias Maassen, président de PULSUS et le Dr Marco Bianchetti

hd. L’introduction du Managed Care, modèle américain d’assurance de base imposé à tous les citoyens – laquelle, depuis qu’elle a été déclarée obligatoire en Suisse, s’est révélée problématique – s’est insinuée de manière si feutrée qu’il n’est pas facile de dévoiler l’arnaque. Il ne faut pas confondre le Managed Care avec la promotion des réseaux intégrés de conseil et/ou de soins. Ceux-ci sauvegardent la liberté des citoyens et respectent les droits de la personnalité. En revanche, le Managed Care constituerait une atteinte à la santé – et donc à la personne – qui présente des aspects totalitaires.
Comme nous ne disposons pas d’expériences concernant la Suisse tout entière, nous devons aller chercher nos exemples aux Etats-Unis. Attention aux mauvais départs! Celui qui tombe gravement malade ne peut pas porter plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme s’il veut éviter d’être sacrifié à la recherche du profit de l’assurance-maladie. Le texte qui suit est tiré du «Bulletin des médecins suisses».

Malheureusement, on ne connaît guère actuellement les effets sur la pratique médicale d’un système de Managed Care généralisé à toute la Suisse, si bien que nos expériences sont limitées et n’ont rien à voir avec la réalité d’un système de santé organisé en un réseau couvrant tout le pays. Il nous sera donc permis d’aller voir ce qui se passe aux Etats-Unis.
Le référendum lancé contre le Managed Care prouve de manière impressionnante l’utilité de la lutte en faveur du libre choix du médecin.
Au cours des dernières décennies, les Etats-Unis ont introduit le réseau Managed Care dans le système de santé sur tout le territoire. Sa caractéristiques principale est que les assurés choisissent une caisse-maladie et paient une prime réduite lorsqu’elle fait soigner les patients via une organisation de Managed Care. Le but de l’assurance-maladie est de respecter des forfaits par personne (capitations) visant à maintenir les dépenses par assuré le plus bas possible. On y parvient en limitant le libre choix du médecin. Il est interdit de s’adresser à un spécialiste en premier recours. On formule des recommandations sur la conduite à tenir. Des obstacles compliquent l’accès aux prestations médicales. Les caisses-maladie ont acquis un «statut de superpuissance». Il est piquant de constater qu’on prétend obtenir une médecine de meilleure qualité en incitant les médecins à ne rien prescrire et à ne pas diriger les patients vers des spécialistes.
L’introduction du système a été effectuée au moyen des mêmes manœuvres tactiques que celles utilisées actuellement en Suisse. On a pris prétexte de différences de revenus entre les généralistes et les spécialistes pour laisser espérer aux généralistes qu’une baisse des revenus des spécialistes permettrait d’augmenter les leurs, mais seulement chez les assureurs du Managed Care. Ceux qui en font les frais sont non seulement l’ensemble des médecins, qui doivent s’habituer aux consultations de 3 minutes, mais également les patients. A ce sujet, le professeur Zarbin de l’Université de Newark (New Jersey) nous fournit deux exemples:
«Un patient est allé consulter un de mes confrères qui a diagnostiqué un trou dans la rétine et a aussitôt téléphoné à l’assurance du patient pour savoir si elle prenait en charge le traitement au laser. Au bout d’un moment, il est parvenu à parler à la personne responsable et a obtenu un code d’authentification pour ledit traitement. Mais quelques semaines plus tard, l’assurance a refusé de payer, malgré le code. Le médecin avait appelé un mauvais numéro. Il aurait dû appeler celui des traitements d’urgence.
Un confrère universitaire suisse devait faire opérer son fils. Il avait aux Etats-Unis une assurance du Managed Care qui n’avait pas sous contrat un spécialiste de ce genre d’opérations. Le confrère est rentré en Suisse avec son fils pour y faire effectuer cette intervention. Je me suis dit que la Suisse avait vraiment un excellent système de santé où l’on bénéficiait du libre accès à tous les médecins.»
Zarbin m’a dit: «Luttez pour le libre choix du médecin car en raison des directives des assurances-maladie, la qualité des prestations médicales va se dégrader malgré les critères de qualité qui tendent à prouver le contraire. Dans ce système, aussi bien les médecins que les malades sont perdants.»
Le référendum contre le projet de Managed Care montre parfaitement qu’il vaut la peine de lutter pour le libre choix du médecin. La Chancellerie fédérale a confirmé, le 15 février 2012, que le référendum contre la modification du 30 septembre 2011 de la Loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) (réseaux de soins) avait abouti puisque les 50 000 signatures exigées par l’article 141 alinéa 1 de la Constitution fédérale avaient été récoltées. 131 158 sur 133 185 étaient valables.
Finalement, le fort engagement des promoteurs du référendum et le soutien qu’il a reçu est une preuve de confiance dans le travail de l’Association PULSUS dont 30 % des membres sont des généralistes. Chers confrères et consœurs, nous tenons à vous remercier chaleureusement. Nous remercions de leur soutien la FMH, la fmCh, la FMP, la PSICA, la VPOD-VSAO, et tout particulièrement les sociétés cantonales de Bâle-Campagne, de Bâle-Ville, de Schaffhouse, de Genève et de Schwyz, de même que les sociétés de dermatologie, d’ophtalmologie et d’otorhinolaryngologie/chirurgie cervico-faciale ainsi que les centaines de généralistes de toute la Suisse. C’est finalement grâce à leur très grand engagement que le référendum a obtenu cet excellent résultat (cf. tableau paru dans le numéro 22 d’Horizons et débats du 28/5/12).
«Objectivement, il faut approuver le référendum», écrit le Dr Andreas Keusch de Pfäffikon (medvice@bluewin.ch) dans son excellente étude du projet intitulée «Managed Care – Wirtschaftliche Mogelpackung oder Zweckmässige Qualitätsförderung».
Il est convaincant quand il écrit: «Pour en revenir à la déclaration déjà mentionnée de la conseillère nationale Prisca Birrer-Heimo et des partisans du Managed Care selon laquelle «les réseaux de soins intégrés offrent une médecine d’excellente qualité à moindres coûts», on ne dispose pas de preuves solides de la qualité médicale offerte par les réseaux de soins intégrés.» Son étude peut être téléchargée sur le site www.pulsus.info.
Chers confrères et consoeurs, nous sommes également persuadés qu’un système contraignant de Managed Care – qui abolit le libre choix du médecin dans l’assurance de base, favorise les conflits entre médecins et donne tout pouvoir aux caisses-maladie – ne saurait constituer le fondement d’un système sanitaire d’avenir en Suisse.    •
(Traduction Horizons et débats)