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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°42, 8 octobre 2012  >  «Une approche différente en matière d’accès aux soins s’impose» [Imprimer]

Déclaration de Genève

Nouvelle version du devoir professionnel des médecins, adoptée par l’Association médicale mondiale à Genève en 1948 (en référence au serment d’Hippocrate, et modifée par la réunion annuelle des médecins allemands)

«Au moment d’être admis comme membre de la profession médicale, je prends l’engagement solennel de consacrer ma vie au service de l’humanité. J’exercerai ma profession avec conscience et dignité. Je considérerai la santé de mon patient comme mon premier souci. Je respecterai les secrets qui me seront confiés, même après la mort du patient. Je maintiendrai, dans toute la mesure de mes moyens, l’honneur et les nobles traditions de la profession médicale et je ne permettrai pas que des considérations de croyance, de nationalité, de race ou de statut social s’interposent entre mon devoir et mon patient. Je garderai le respect absolu de la vie humaine et je n’utiliserai pas mes connaissances médicales pour enfreindre les droits de l’homme et les libertés civiques, même sous la menace. Je témoignerai à mes maîtres et mes collègues le respect et la reconnaissance qui leur sont dus. Je fais ces promesses solennellement, librement et sur l’honneur.»

«Une approche différente en matière d’accès aux soins s’impose»

Les débats sur les coûts et le rationnement des soins ne doivent pas masquer le sens de l’activité médicale

par Erika Vögeli

L’hebdomadaire Die Zeit (n° 39 du 20 septembre) a le mérite d’avoir initié un large débat public sur le fait qu’il est urgent de trouver une approche différente en matière d’accès aux soins dans nos pays. Dans de grandes parties du corps médical, ces réflexions semblent déjà être en cours. Diverses initiatives, comme la «Charte internationale du professionnalisme médical» déjà parue en 2002, manifestent la réflexion que toute activité médicale doit être basée fondamentalement sur l’éthique, que le bien-être des patients est absolument primordial et que l’accès aux soins doit être garanti de la même façon à tous les êtres humains, indépendamment de leur statut social. Elle reprend les idées exprimées dans la «Déclaration de Genève» après les excès inhumains de la Seconde Guerre mondiale et les formule pour notre époque et pour la situation actuelle. En outre, les participants à l’entretien avec Die Zeit – Paul Brandenburg, spécialiste en médecine générale et en médecine d’urgence, la chirurgienne Ursula Stüwe, le médecin et philosophe Urban Wiesing, l’infirmière Susanne Sänger et l’ancien médecin dirigeant en obstétrique Michael Scheele – ont écrit, à la suite de la discussion dans Die Zeit, un «Manifeste pour une médecine humaine» qui exige une correction des défaillances en cours dans le domaine de la santé publique et qui rappelle l’économie à son devoir d’être au service de la vie humaine et ainsi aussi de la médecine. Urban Wiesing de l’Institut pour l’éthique et l’histoire de la médecine affirme dans l’entretien avec Die Zeit, qu’au fond, l’éthique médicale «n’est pas contestée dans son essence. Je ne pense pas que nous devons réécrire le code professionnel. Nous devons nous en souvenir.»
Dans le cadre des réflexions concernant les économies, des débats sur les coûts et le rationnement des soins, l’objectif principal et le sens de l’activité médicale – à savoir aider en son âme et conscience la personne malade ou souffrante – ont été de plus en plus relégués au second plan par des calculs de rentabilité. Par exemple là où le directeur d’hôpital, en tant que chef économique, impose un tableau de service contre les protestations explicites d’un médecin dirigeant, un tableau de service que la direction médicale avait rejeté, parce qu’il mettait en danger les patients. Lui, le médecin dirigeant, s’y est opposé et a agi. «C’est mon devoir. Les patients sont plus importants que les bénéfices. […] Ce n’est pas acceptable que l’expertise médicale du médecin dirigeant soit supplantée par le directeur d’hôpital. Et si c’est le cas, le médecin dirigeant doit agir. Toutefois, il faut qu’il prenne en compte les conséquences», a déclaré Michael Scheele lors de l’entretien avec Die Zeit.
Tous les médecins ne sont pas aussi cohérents, en particulier les jeunes médecins auront la vie dure. Mais cet aspect du problème est perçu par le corps médical lui-même comme un problème que le «Manifeste pour une médecine humaine» propose de discuter en parlant d’une «culture d’obéissance précipitée qui est favorisée par la dépendance démesurée des médecins-assistants vis-à-vis des chefs de clinique et des médecins dirigeants pendant leurs phases de formation continue».
Nous, la société dans son ensemble, devons nous rendre compte de la façon dont nous voulons vraiment organiser notre vie et donc notre santé. Si «nous organisons un concours de survie qui n’a pas pour but le meilleur traitement médical, mais la création du bénéfice maximal», nous avons établi des priorités manifestement erronées. En réalité, ce n’est pas uniquement le bien-être du patient seul qui reste sur le carreau. Dans la lutte pour la survie des hôpitaux, on prescrit finalement aussi des traitements plus coûteux, qui ne servent pas les intérêts du patient, mais la rentabilité de la clinique. Ainsi Ursula Stüwe – 65 ans, infirmière puis chirurgienne, présidente de la Chambre médicale du Land de la Hesse de 2004 à 2008, vice-présidente du syndicat des médecins Marburger Bund – explique comment l’introduction du forfait par cas a provoqué un changement de la primauté du traitement médicalement indiqué en faveur des critères économiques: «Je suis active depuis 1965 dans les hôpitaux allemands, donc j’ai une vue d’ensemble de la situation depuis de nombreuses années. L’introduction des forfaits par cas en 2003 a représenté en fait le point tournant pour moi. Je sais que dans un hôpital que je connais bien, par exemple, un nouveau bloc opératoire a été mis en place, lequel devait bien sûr être rentable. Alors, les économistes se mettent au travail et commencent à calculer: si l’on opère environ 35 vésicules biliaires par jour, le nouveau bloc opératoire sera rentable. C’est aussi ce qu’on communique aux médecins. Cela marque le début du conflit entre l’économie et la médecine. Car les vésicules biliaires ne poussent pas sur les arbres. Résultat: des douleurs abdominales vagues en cas de calcul biliaire conduisent alors juste un peu plus rapidement à une opération.»
Nous ne pouvons pas reprocher ces développements aux médecins. Nous avons tous vécu l’époque de l’économie néolibérale et la commercialisation de tous les secteurs de la société; donc nous sommes tous invités à relancer la discussion et à contribuer à la correction de cette évolution négative. Cela signifie aussi de se sentir, en tant que citoyen, responsable de notre santé publique qui fait partie de notre vivre-ensemble et d’y prendre garde. Il ne faut pas non plus qu’elle devienne un «système de contributions dû aux conséquences néfastes de notre mentalité d’exigences excessives», comme l’exprime le médecin urgentiste Paul Brandenburg et suite à ses expériences il l’illustre de la manière suivante: «Ce ne sont pas les quelques patients gravement malades dans les unités de soins intensifs qui rendent le système allemand si cher. Ce sont les broutilles: lorsque les gens appellent les services d’urgence parce que leur enfant a trébuché et a un bleu, et qu’à l’hôpital, ils exigent encore une scanographie.» La demande de ne nuire à personne, formulée dans le serment d’Hippocrate pour le médecin, s’applique également vice-versa: Notre réseau d’assurances sociales est né de l’idée de solidarité et ne peut servir au bien de tous que si nous voulons qu’il continue à fonctionner sur cette base. Différents groupes du corps médical ont déjà repris la discussion. Maintenant c’est à nous d’y participer et de permettre à ces réflexions de percer sur le plan politique.    •