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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°12, 26 mars 2012  >  Le système bancaire dual est et reste indispensable [Imprimer]

Le système bancaire dual est et reste indispensable

«Banquier – une espèce en voie de disparition»

par Thomas Minder, Conseiller aux Etats

Les Messieurs Mühlemann, Ospel, Wuffli, Kurer, Grübel et Hummler étaient au zénith de leur carrière des personnalités prestigieuses. Ils voulaient être perçus comme banquiers et non comme «bankers». Mais souvent l’orgueil précède la chute. En ce moment nous ne trouvons guère de banquier actif qui légitime cette renommée durant plusieurs années.

Les Messieurs à la Hans Bär, Hans Vontobel, Alfred Sarasin ou aussi Nikolaus Senn méritaient le titre de banquier. Ils menèrent leur entreprise avec beaucoup de responsabilité et d’engagement social. Ce n’étaient pas la spéculation, le risque et une hystérie de croissance qui étaient au centre de leur action, mais le client. Leurs décisions étaient de longue durée. Ils étaient bel et bien orientés vers l’argent, mais leur culture de conduite et d’entreprise n’était pas marquée par les opérations de contrepartie spéculatives ni par la mondialisation.
Aujourd’hui on retrouve l’espèce du banquier sur la liste des espèces en voie de disparition – leurs successeurs ont muté vers des «top bankers». Cette nouvelle génération se maintient normalement quelques années dans le management de pointe, pour filer peu après à l’anglaise après des défaillances ou une mauvaise gestion. Restent leurs salaires  qui s’élèvent à plusieurs millions et qu’ils défendent désespérément en public – même après une gestion misérable, un méga crash, des pertes par milliards, des amendes par millions ou de la complicité à la soustraction d’impôts.
Un exemplaire modèle est Brady Dougan, CEO du Credit Suisse (CS). Cette banque figure régulièrement au premier rang des bonifications à l’échelon de la direction de l’entreprise. Le CS paya à ces messieurs en 2008, l’année de la débâcle, en moyenne un salaire de plus de 6 millions de francs – malgré des pertes par milliards! CEO Dougan va certainement nous faire croire cette année aussi, que sa bonification à hauteur de plusieurs millions est liée à la productivité. Elle l’est même si la banque – comme dernièrement aux USA – doit payer une amende de presque un milliard. Une amende carabinée à cause de complicité de détournement d’impôt s’y ajoutera bientôt.
La guilde des «top bankers» a récemment découvert un nouveau jouet: Grâce à de l’argent presque sans intérêt de la Banque nationale, l’on spécule à la façon du casino avec des produits structurés à haut risque, et avec un effet de levier immense. Les conséquences sont déjà visibles: Ainsi l’UBS a subi une perte de 2 milliards dans le commerce avec des produits dérivés «Delta One» à Londres.
Dougan de son côté se fait citer ainsi: «Je veux me débarrasser des papiers à risque, avant que tout le secteur se dépêche de les jetter sur le marché.» Mais en même temps le CS a acheté en janvier pour la somme époustouflante de 13 milliards des papiers pourris américains de la Banque centrale américaine, issus de la liquidation de l’assurance AIG de 2008. Une remarque d’un CEO ne peut pas être plus paradoxale.
Comme ancien trader dans l’investissement à haut risque, Dougan aime la spéculation, les opérations de contrepartie, la bourse et en général la musique de Wall Street. Son attention est fixée sur le risque et non sur les besoins des clients et la durabilité. Il ne serait donc guère surprenant que le CS, tôt ou tard, glisse aussi dans une débâcle de milliards avec ces stratégies de casino à haut risque.
Ce n’est donc qu’une question de temps jusqu’à ce que les «top bankers» d’aujourd’hui perdent leur réputation. Leur crédibilité est déjà fortement entamée. D’innombrables exemples démontrent que la place bancaire se démonte elle-même et perd sa réputation. Leurs modèles commerciaux sont beaucoup trop axés sur les dangereuses opérations de contrepartie, les services d’investissement à haut risque et surtout sur la croissance. Bien que ces stratégies aient échoué avec la crise des subprimes, et que des milliards se soient évaporés, la musique de Wall Street continue à résonner allègrement. Pourquoi les membres intelligents des conseils d’administration ne corrigent-ils pas ces modèles commerciaux malsains? Pourquoi ne remet-on pas les clients et la durabilité au centre? L’explication est simple: Des bonifications de plusieurs millions ne sont possibles que grâce aux activités d’investissement à haut risque et aux opérations de contrepartie qu’on déclare être la «Champions League».
Espérons qu’entretemps, suite à tous ces évènement, quelques politiciens supplémentaires prennent conscience que l’augmentation de quelques pourcents du minimum de fonds propre (et qui n’entrera en vigueur qu’en 2019!) ne résout nullement le problème du «Too big to fail». Un système bancaire dual, comme nous l’avions pendant des décennies, est et reste indispensable.    •