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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°18|19, 7 mai 2012  >  Ne pas préserver les banques de l’éventualité de faire faillite [Imprimer]

Ne pas préserver les banques de l’éventualité de faire faillite

par Frank Schäffler et Norbert F. Tofall

L’exonération de la responsabilité que les pouvoirs politiques accordent actuellement aux banques est en flagrante contradiction avec tous les principes qui régissent l’éco­nomie de marché ainsi que l’Etat de droit. La conception présentée ci-après en vue du procédé applicable aux banques surendettées est susceptible de maintenir les opérations financières et, en même temps, de restituer l’ordre du marché.

La décision du G-20 de novembre 2008 de renflouer les banques dont la faillite aurait des conséquences désastreuses sur l’économie, et l’action erronée des banques centrales et de leurs gouvernements, se sont révélées entre-temps être un potentiel de chantage des grandes banques surendettées aboutissant à l’exonération de la responsabilité de ces dernières.
Cette exonération de la responsabilité se trouve en pleine contradiction avec tous les principes qui régissent l’économie de marché et l’Etat de droit. Le potentiel de chantage réside dans la menace que le secteur bancaire et financier ainsi que les transactions financières s’écroulent dès qu’une banque importante doit déclarer son insolvabilité. Nos sociétés occidentales, anxieuses, sont particulièrement dupes de ce genre de raisonnement parce que nous avons perdu la capacité de réfléchir de manière systématique. Or, il est possible de réfuter le chantage des banques si l’on sépare l’intérêt général qui consiste à maintenir les transactions financières du problème de l’insolvabilité des banques.

Maintenir les transactions financières

Tout d’abord il faut réviser la décision du G-20 qui vise à empêcher la faillite d’une banque-clé du système économique. Puis, l’attitude du gouvernement face à la menace d’une grande banque de déposer son insolvabilité au parquet doit être celle-ci: «Eh bien, allez-y, on ne vous empêchera pas!» Il n’y a pas d’économie de marché sans juge d’insolvabilité. Les mêmes droits doivent s’appliquer aux banques comme à toute autre entreprise. En troisième lieu, l’Etat prend la garantie des dépôts privés d’épargne gérés par la banque en faillite et des crédits envers les entreprises de l’économie réelle accordés par la banque en faillite. Il ne garantit pourtant pas les obligations financières de la banque en faillite envers d’autres banques qui ne concernent pas les comptes bancaires des clients de ces autres banques, mais directement les autres banques en tant que telles. En quatrième lieu, un gérant d’insolvabilité prend la direction de la banque en faillite et garantit que tous les paiements garantis par l’Etat soient effectués. Le refinancement de ces paiements se fera, comme c’est le cas aujourd’hui, par le biais de la banque centrale.
Si l’on respecte ces quatre principes, les transactions financières seront maintenues, car avec l’annonce de l’insolvabilité, les ordinateurs ne seront pas arrêtés ni les employés licenciés. Le dépôt de bilan ne déclenchera que le processus juridiquement contrôlé de la démarche. Les transactions financières ne s’écrouleront pas, pourvu qu’on ait intérêt à ne pas les laisser s’écrouler et que l’on ne change pas les lois relatives aux crédits en conséquence. Si l’Etat prend les garanties proposées ci-dessus concernant certains paiements et si les médias diffusent le scénario décrit de manière que le public le comprenne, il n’y aura pas de ruée sur les banques et les citoyens n’auront plus peur face à l’annonce d’insolvabilité de la Deutsche Bank, de l’UBS ou de la Hypo Real Estate. Il ne faut pas oublier que le billet de 10 euros de notre système national de papier-monnaie sans garantie métallique, ne constitue en effet rien d’autre que cette même garantie de l’Etat et ne se distingue donc guère de dépôts d’épargne si ceux-ci sont garantis par l’Etat. Par conséquent, un épargnant ne profite pas s’il retire son dépôt d’épargne. Il est décisif que les transactions financières continuent et que l’épargnant sache que ses épargnes ne s’écroulent pas par l’annonce d’insolvabilité d’une banque. Cela ne fait pas de différence si l’on tient en main un billet de 10 euros ou si l’on a déposé ces 10 euros à la banque.

Effets positifs du déroulement

Le procédé décrit exclut que l’Etat garantisse toutes les obligations de paiements de la banque en faillite. Evidemment, il se peut que cette restriction délibérée de reprendre les obligations financières de la banque A en faillite, puisse conduire à l’insolvabilité d’une banque B. Les quatre principes du déroulement de la liquidation entreront également en vigueur dans le cas de la banque B, ce qui fait que les paiements en échéance des clients de la banque B envers d’autres banques pourront s’effectuer tout de même, ainsi que les crédits que la banque a accordés aux entreprises de l’économie réelle lesquels seront toujours garantis. Les opérations financières ne s’écrouleront pas non plus à la suite de l’insolvabilité de la banque B, mais seront maintenues sous le contrôle du gérant d’insolvabilité. Puisqu’il est naturel que, provoquée par l’insolvabilité des banques A et B, une autre banque C et d’autres encore puissent affronter des difficultés, il se peut que le système tout entier des banques aux réserves partielles, surendetté, doive passer par le processus décrit ci-dessus, sans que les transactions financières soient entravées. Là, un effet en cascade pourra se mani­fester, effet salutaire même, dans la mesure où il pourra contraindre d’autres Etats, par l’interdépendance internationale de nos économies financières, de reprendre ce scénario pour engendrer, eux aussi, un processus contrôlé qui s’applique aux banques surendettées, tout en maintenant leurs opérations financières en cours. En plus, les obligations de paiement non garantis entre les banques et de larges quantités de crédits et de fonds, puisés dans le néant et issus d’affaires interbancaires d’antan, pourront ainsi être renvoyés au néant d’où ils ont surgi. Le même sort sera ainsi réservé aux papiers sans valeur nourrissant actuellement les «bad banks».
Finalement, les banques surendettées dans le passé, pourraient être vendues après être soumises juridiquement au procédé présenté ci-dessus. Cela nous permettrait de liquider le système de banques de réserves partielles, surendettées et suivant les règles de l’effet boules de neige, et de passer ainsi à un nouveau système financier, cette fois-ci en accord avec les principes de l’économie du marché et de l’Etat de droit, tout en évitant l’écroulement des transactions financières dans leur totalité. En privant ainsi les banques de leur potentiel de chantage, une gouvernance économique serait de nouveau à notre portée.    •
Texte publié avec l’autorisation des auteurs, paru initialement dans la «Neue Zürcher Zeitung» du 25/4/12
(Traduction Horizons et débats)