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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°11, 21 mars 2011  >  Non aux importations intercontinentales d’abeilles! [Imprimer]

Non aux importations intercontinentales d’abeilles!

Dans la région d’origine du Varroa tristement célèbre, il y a encore d’autres sortes d’acariens, qui parasitent les abeilles: Les représentants du genre Tropilaelaps. Eux aussi ont déjà réussi à changer d’hôte en passant des abeilles à miel asiatiques à nos Apis mellifera et eux aussi peuvent transmettre des virus dangereux.

 par Benjamin Dainat (Centre de recherches apicoles, Agroscope Liebefeld-Posieux Alp, 3003 Berne), Tan Ken (Xishuangbanna Tropical Botanical Garden, Chinese Academy of Science, Kunming, Yunnan Province, People’s Republic of China), Hélène Berthoud, Peter Neumann (Centre de recherches apicoles, Agroscope Liebefeld-Posieux Alp, 3003 Berne)

Le Varroa destructor, qui est apparu en Suisse en 1984, est dès lors un parasite d’abeille bien étudié (cf. notre série «25 ans du Varroa en Suisse» paru en 2008 dans la «Schweizerische Bienen-Zeitung» SBZ). Cet acarien est parfaitement connu aussi bien des apicultrices et apiculteurs que des chercheurs. La recherche sur le varroa a pu prouver que le varroa peut transmettre des virus dangereux aux abeilles. Pourtant, le varroa n’est pas le seul genre d’acarien qui puisse parasiter les abeilles.

Le Varroa destructor est originaire d’Asie. Il y a accompli un changement d’hôte en passant des abeilles orientales Apis cerana à nos abeilles occidentales Apis melifera et a ainsi pu se répandre au niveau mondial. Dans sa région de propagation d’origine, il possède de nombreux parents: Varroa underwoodi, Varroa rindereri ou Varroa jacobsoni. L’acarien Varroa jacobsoni est resté fidèle à son lieu d’origine et c’est à tort et à la place du Varroa destructor qu’on l’a décrit comme le parasite qui s’est répandu dans tous les pays du monde. Outre le genre Varroa, il existe d’autres parasites spécialisés sur les abeilles dont la région de propagation est l’Asie du Sud-Est, qui viennent de la famille des Laelapidae avec le genre Tropilaelaps. Plusieurs sortes du genre Tropilaelaps sont connues de la science.

Description et biologie

Les acariens Tropilaelaps ont environ 0,9 mm de longueur et 0,5 mm de largeur et sont un peu plus petits et plus minces que le Varroa destructor. Ils possèdent donc contrairement au Varroa une forme plutôt allongée.
En ce qui concerne son comportement et sa région de propagation d’origine, il res­semble beaucoup au Varroa. Alors que l’hôte originaire du Tropilaelaps est l’abeille géante Apis dorsata, il peut attaquer en même temps que le Varroa les peuples des abeilles orientales Apis cerana. Tropilaelaps présente un plus grand spectre d’hôtes possibles. Il se retrouve sur toutes les espèces d’abeilles à miel originaires d’Asie: Apis cerana, Apis dorsata, Apis florea et Apis laboriosa.
Comme le Varroa, le Tropilaelaps a accompli un changement d’hôte. Il a été trouvé aussi bien seul qu’avec le Varroa dans des colonies d’Apis mellifera. Son cycle de vie ressemble à celui du Varroa: Il se multiplie également dans le couvain et se nourrit d’hémolymphes. Les deux acariens sont des ecto-parasites de l’abeille. On a pu compter jusqu’à quatre Tropilaelaps par cellule de couvain. En Asie, on a parlé de pertes de colonies qui ont été provoquées par le Tropilaelaps. De plus, la re­cherche a montré que le Tropilaelaps, lors d’une infestation simultanée avec le Varroa, prend le dessus. C’est pourquoi, on peut considérer le Tropilaelaps comme plus dangereux et plus virulent que le Varroa. Avec toutes ces propriétés, ce parasite serait par conséquent ca­pable de se répandre dans le territoire des Apis mellifera, donc dans les zones clima­tiques modérées, notamment en Europe. Suite à la mondialisation, il n’est pas exclu, que le Tropilaelaps apparaisse à l’avenir en Europe. C’est pourquoi, le Tropilaelaps se trouve sur la liste des épidémies sous surveillance en Suisse et en Europe. Les importations d’abeilles venant des régions originaires du Tropilaelaps sont sévèrement réglementées. On a observé qu’au sein des colonies, qui ont été parasitées par le Tropilaelaps, des ouvrières sont nées avec des ailes déformées.1 Cela rappelle les symptômes cliniques du virus des ailes déformées (DWV). Partant de cette constatation et sachant que le Varroa est capable de transmettre des virus2 3, nous avons fait des recherches au Centre de recherches apicoles pour savoir si le Tropilaelaps pourrait également être le vecteur de virus d’abeilles.4

Le Tropilaelaps et les virus

Comme le Tropilaelaps se nourrit aussi d’hémolymphe, il est en principe possible que des virus soient transmis directement. Mais il n’est pas clair, que le Tropilaelaps soit réellement porteur de virus et que les virus puissent se multiplier dans cet hôte. Pour répondre à cette question, nous avons fait, dans la région chinoise de Kunming, des recherches sur des abeilles et les Tropilaelaps et sur les six virus d’abeilles les plus importants. Seul, le virus des ailes déformées a été retrouvé. A l’aide de la méthode quantitative de l’ACP (amplification en chaîne par Polymérase), on a pu constater la quantité de virus contenu dans le Tropilaelaps. La charge des virus était iden­tique à celle trouvée chez le Varroa en Europe. En considérant ce contenu viral, nous nous sommes demandé, si le virus était ca­pable de se multiplier dans les acariens Tropilaelaps. Nous avons pu montrer que les virus peuvent effectivement se multiplier activement dans le Tropilaelaps. Donc, ce dernier joue comme le Varroa en tant que porteur de maladies aussi bien le rôle d’un «vecteur mécanique» (seulement porteur du virus) que celui d’un «vecteur biologique» (le virus peut se multiplier dans l’hôte intermédiaire, l’acarien). Un autre groupe de chercheurs a pu prouver une forte corrélation entre le nombre de chrysalides parasitées par le Tropilaelaps et la charge de virus qu’on a pu y constater.5 De plus, on a mesuré dans des acariens Tropilaelaps une charge de virus beaucoup plus élevée que dans les chrysalides.

Contrôle et apparition en Suisse et en Europe

Le Tropilaelaps n’a jusqu’à présent été enregistré ni en Suisse ni en Europe. Mais probablement on ne pourra pas éviter une importation. Son cycle de vie se différencie du Varroa sur un point crucial. Il n’est pas capable de se nourrir sur des abeilles adultes. Il est complètement dépendant du couvain. C’est pourquoi, le Tropilaelaps ne survivrait pas à l’hiver dans un pays comme la Suisse, où les abeilles arrêtent de couver pendant la période hivernale. En outre, ce parasite réagit de manière sensible à la plupart des Varroidae. Au sud des Alpes, il est pourtant possible que les abeilles sur­vivent à l’hiver sans interruption de la couvée des œufs et qu’ainsi le Tropilaelaps ait une chance de survie.

Conclusion 

Bien que le Tropilaelaps ne soit pas encore présent en Europe, il présente néanmoins un danger réel sous l’aspect de la propagation de maladies, puisqu’il permet la multiplication et la transmission de virus et met ainsi en danger les peuples parasités par lui. Tout en gardant son calme, il appartient au devoir de chacun de rester vigilant et d’entrer immédiatement en contact avec les autorités compétentes lors de l’apparition de cet acarien. En outre, il faut renoncer à toute importation d’abeilles non-européennes.    •

Source: Schweizerische Bienen-Zeitung 11/2010
(Traduction Horizons et débats)

1    Burgett, M.; s, P.; Morse, R. A. (1983) Tropilaelaps clareae: A parasite of honeybees in South-East Asia. Bee World 64: 25–28.
2    Dainat, B; Imdorf, A.; Charrière, J.-D.; Neumann, P. (2008) Bienenviren, Teil 1. Schweizerische Bienen-Zeitung 131(3): 6–10.
3     Dainat, B; Imdorf, A.; Charrière, J.-D.; Neumann, P. (2008) Bienenviren, Teil 2. Schweizerische Bienen-Zeitung 131(5): 6–9.
4     Dainat, B; Ken, T; Berthoud, H., Neumann, P. (2009) The ectoparasitic mite Tropilaelaps mercedesae (Acari, Laelapidae) as a vector of honeybee viruses. Insectes sociaux 56: 40–43.
5     Forsgren, E.; de Miranda, J. R.; Isaksson, M.; Wei, S.; Fries, I. (2009) Deformed wing virus
associated with Tropilaelaps mercedesae infesting European honey bees (Apis melli­fera). Experimental and Applied Acarology 47(2): 87–97.