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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°4, 31 janvier 2011  >  Tant que les pays voisins réarmeront et feront la guerre, la Suisse ne devra pas se laisser désarmer [Imprimer]

Tant que les pays voisins réarmeront et feront la guerre, la Suisse ne devra pas se laisser désarmer

Interview d’Alfred de Zayas, professeur de droit international à la Geneva School of Diplomacy*

Horizons et débats: Monsieur de Zayas vous vous qualifiez de militant pacifiste. Vous avez pris part en tant qu’expert à un atelier de l’ONU sur le «droit de l’homme à la paix» et vous avez fait, en août 2010 et en janvier 2011, au sein du Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme, un exposé sur la codification dudit droit, notamment sur la «Déclaration de Santiago» à la rédaction de laquelle vous avez participé. Pendant des décennies, vous avez été secrétaire de la Commission des droits de l’homme de l’ONU et chef de la section des pétitions du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Si tout va bien, ce droit à la paix devrait être intégré en 2012 au canon des droits de l’homme qui sera ainsi enrichi d’un droit fondamental. Vous refusez vigoureusement la violence comme moyen de lutte et c’est pourquoi vous êtes très critique envers la politique de votre pays natal les Etats-Unis. Dans ce contexte, je souhaiterais savoir ce que vous pensez de l’«initiative sur les armes» sur laquelle les Suisses vont se prononcer en février. L’approuvez-vous?

Alfred de Zayas: C’est une question essentielle pour la Suisse. Avant de répondre directement, je vais procéder à un bref rappel concernant l’histoire suisse. Il permettra de comprendre qu’il s’agit d’une question très importante. Dans l’histoire de la Confédération, la capacité de défense, c’est-à-dire le droit de posséder une arme, a toujours été une liberté. Celui qui était armé pouvait se défendre contre des attaques étrangères et il signalait ainsi à un agresseur potentiel qu’il devrait s’attendre à une résistance considérable s’il désirait conquérir un pays étranger. Cela donnait aux régions de la Suisse, surtout aux communes et aux groupements de communes qui possédaient ce droit une protection spéciale et garantissait par là même leur liberté. Cette liberté a finalement permis à ces communes et cantons de construire un Etat démocratique, – on peut le dire, unique au monde – indépendant de l’Empire allemand, dont il faisait partie jusqu’à la Paix de Westphalie en 1648. Le droit de posséder une arme était un droit fondamental pour l’Etat fédéral qui se développa au XIXe siècle et garantit la démocratie.

Ainsi vous confirmez ce que beaucoup de Suisses ressentent et qui les amène à s’opposer à cette «initiative de désarmement».

Encore une chose me paraît importante ici. La Suisse a fourni la preuve historique qu’elle est un des pays les plus pacifiques de notre planète malgré sa «neutralité armée perpétuelle». Elle n’a pas mené de politique impérialiste d’expansion comme d’autres pays du continent européen comme la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique, etc. et, en dehors de l’Europe, les Etats-Unis. La Suisse n’a jamais participé à des pillages et se différencie positivement des Etats européens.

Les promoteurs de l’initiative visent depuis 20 ans le désarmement de la Suisse. Il y a à l’arrière-plan le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), appuyé par les partis de gauche qui n’ont pas pour but d’empêcher les suicides, comme ils le prétendent, mais d’abolir l’Armée. Qu’en pensez-vous?

La Suisse est un petit Etat neutre au milieu de l’Europe, encerclé par l’UE. Si elle veut préserver son identité, sa culture, son âme, elle ne devrait pas intégrer l’Union européenne. Cette Europe feint de défendre les droits de l’homme, mais dans bien des situations, elle les réinterprète très curieusement afin d’imposer certains buts politiques. Beaucoup de politiques et d’organisations européennes ont trahi d’importants droits et libertés de l’homme ainsi que le droit à la paix. La Suisse ferait mieux de ne pas s’y associer. La Suisse devrait rester neutre. Le monde a besoin de ce pays qui offre un refuge sûr aux personnes persécutées et privées de leurs droits. Il faut un pays, qui, grâce à sa neutralité, puisse mettre à la disposition des Etats en conflit un endroit pour négocier et apporter ainsi une contribution active à la paix, comme quasiment aucun autre Etat sur cette planète. Si la Suisse n’existait plus, le monde serait plus pauvre. C’est pourquoi l’Etat doit pouvoir se défendre, et tant que de nombreux pays (aussi des voisins de la Suisse) réarmeront et feront la guerre, la Suisse ne devra pas se laisser désarmer, ce serait regrettable.    •

*    Alfred de Zayas, professeur de droit international à la Geneva School of Diplomacy, ancien professeur invité à l’Institut universitaire des Hautes études internationales de Genève, aux universités de British Columbia (Canada), de Chicago, d’Alcala de Henares (Madrid), etc. Il vit depuis 30 ans en Suisse et est l’auteur du livre «United Nations Human Rights Committee Case Law: A Handbook» rédigé en collaboration avec le juge islandais Jakob Th. Möller (N.P. Engel, Kehl am Rhein, 2009).

thk. L’argumentation des promoteurs de l’initiative sur les armes prend des formes de plus en plus grotesques. Outre des statistiques faussées ou faussement interprétées et une propagande manipulante, on ne trouve guère un argument objectif. C’est dans cette situation que le président de la Fédération des médecins helvétiques (FMH) demande instamment à ses membres (médecins pratiquants) de faire de la publicité pour l’initiative dans leurs cabinets pour convaincre les patients à déposer un Oui dans l’urne. C’est une violation flagrante de la libre formation de l’opinion et un abus de la relation de confiance entre le médecin et son patient. Il faut mettre un terme à cette pratique et infliger un blâme au président de la FMH de la part de ses membres.
Pour rendre le débat concernant l’initiative sur les armes plus objectif, Horizons et débats a demandé à diverses personnalités de la vie publique de donner leur point de vue.
Alfred de Zayas est spécialiste américain du droit public international et philologue. Il vit à Genève depuis 30 ans et par son engagement au sein de l’ONU, il a appris à estimer à sa juste valeur, le rôle d’une Suisse neutre et armée.
Divers conseillères et conseillers nationaux s’expriment de manière réaliste sur la question de l’armement de nos soldats de milice.
Si l’on veut rendre un peuple incapable de se défendre, il faut lui ôter les armes. Empêchons que cela se fasse en Suisse.