Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°49/50, 29 décembre 2010  >  Le problème, ce sont les mensonges et les dissimulations des gouvernements et non pas la révélation de la vérité [Imprimer]

Le problème, ce sont les mensonges et les dissimulations des gouvernements et non pas la révélation de la vérité

par Urs P. Gasche*

Les gouvernements en veulent à WikiLeaks. On le comprend. Toutefois, en ce qui concerne les médias, on devrait se réjouir d’obtenir enfin des informations sans détours. Malheureusement, beaucoup d’entre eux se réjouissent de voir combien Julian Assange est poursuivi et arrêté, que des adresses de WikiLeaks sont sabotées, que des comptes pour les dons et les cartes de crédit sont bloqués. Un rédacteur de la «Neue Zürcher Zeitung» croit même avoir affaire à un «terrorisme de la transparence». Le choix des termes donne à penser qu’on manque d’arguments.
Dès lors qu’on ne peut contrer des vérités désagréables par des arguments, on s’en prend aux personnes, suivant ainsi les manuels des spécialistes en communication. Il est possible que Julian Assange ait mauvais caractère. Ce n’est toutefois pas une raison pour tenter de bâillonner WikiLeaks et d’autres médias.

Une liberté ni trop limitée, ni illimitée

Du fait des fuites dans les administrations, les rédactions reçoivent régulièrement des informations «confidentielles», voire «se­crètes». La plupart des gouvernements, y compris notre Conseil fédéral, souhaitent depuis longtemps déjà interdire aux médias de propager de telles informations. Jusqu’à présent avec peu de succès du fait que les démocraties occidentales, notamment les Etats-Unis, attribuent plus d’importance à la liberté des médias qu’à la prétendue nécessité de garder le secret.
Il va de soi que la liberté de la presse n’est pas illimitée. Les gouvernements souhaitent tenir étroitement ces limites. De leur côté, les médias luttent pour garder un espace de liberté aussi grand que possible. Le débat sur ce sujet en vaut la peine. Mais il ne suffit certainement pas de prétendre que la sécurité de l’Etat est en jeu, ou mieux, que «de nom­breuses vies humaines» sont «en danger», comme le prétend l’ambassadeur américain Donald S. Beyer.

On trompe l’opinion public

On ne peut exiger une censure sans sou­mettre des arguments valables. Un certain nombre de publications telles que Der Spiegel, «Le Monde», «The Guardian», «El País» et le «New York Times» ont conclu, après avoir soigneusement étudié les informations fournies, que beaucoup d’entre elles valaient la peine d’être publiées, étant d’intérêt général.
Les gouvernements concernés pré­tendent d’une seule voix que les informations publiées ne contiennent rien qui ne soit déjà connu des gouvernements amis ou adver­saires. L’ennui c’est alors de justifier l’affirmation que la sécurité de l’Etat est en jeu …
Le président iranien Ahmadinejad par exemple, sait pertinemment que non seulement Israël compte parmi ses ennemis, mais aussi les riches potentats du pétrole. Pourquoi les populations de l’Arabie saoudite et des Etats du Golfe ne devraient-elles pas le savoir, elles aussi? Les gouvernants ne veulent surtout pas que les populations prennent conscience de la façon dont elles sont parfois manipulées et trompées.

La guerre ou la paix

Les gouvernements occidentaux engagent des équipes hautement professionnalisées pour influencer les médias et donc les populations dans leur sens. Cela a des conséquences désastreuses quand il s’agit de la paix ou de la guerre. Avant l’invasion de l’Irak presque tous les médias avaient propagé les fausses informations comme quoi Saddam Hussein aurait fait produire des armes de destruction massive et marcherait d’un commun accord avec Bin Laden. Certains médias ont présenté, par la suite, leurs excuses pour avoir donné dans cette propagande gouvernementale.
Qu’on imagine que WikiLeaks ait eu la possibilité, avant l’invasion de l’Irak, de ré­pandre des informations secrètes, dénonçant ainsi les mensonges des gouvernements. On aurait probablement pu empêcher une guerre qui a coûté plus de cent mille morts, encore plus de blessés et des millions de réfugiés. Ou aujourd’hui en Afghanistan ou bien au Moyen-Orient: les populations doivent-elles avaler sans broncher la propagande ciblée ou ont-elles le droit d’obtenir de temps en temps, grâce aux fuites, un peu de vérité? Cela permettrait peut-être de trouver une solution politique.

L’exemple de la guerre du Viêt Nam

En pleine guerre du Viêt Nam, le «New York Times» avait, en 1971, publié des textes secrets du Pentagone qui faisaient apparaître comme mensonges les affirmations présentées pendant des années par le gouvernement américain concernant la situation au Viêt-Nam. Sans cette dénonciation, cette guerre aurait probablement perduré, exigeant un nombre encore plus élevé de victimes.

«Le problème, ce sont les mensonges»

Daniel Elsberg, le «méchant» qui avait alors diffusé les documents secrets du Pentagone, soutient entièrement WikiLeaks: «A l’époque déjà, le gouvernement prétendait que cela menaçait la sécurité de l’Etat, empêchait les services secrets de travailler et mettait la vie des soldats en péril».
Toutefois, ces affirmations ne purent être prouvées par le gouvernement lors de son procès.
Le problème, ce sont les mensonges et les dissimulations des gouvernements et non pas la révélation de la vérité. Dernièrement, le gouvernement Obama a déclaré que les soldats américains auraient quitté l’Irak fin 2011. Selon Elsberg, c’est à nouveau menti, car en réalité, les Américains prévoient d’entre­tenir, pendant de nombreuses années encore, des bases militaires en Irak, avec des dizaines de milliers de soldats. Finalement, Elsberg encourage WikiLeaks: «Pour abréger éventuellement une guerre, je n’hésiterais pas à risquer de nouveau la prison.»    •

Source: St. Galler Tagblatt du 13/12/10
(Traduction Horizons et débats)

*Urs P. Gasche, ancien animateur de l’émission suisse-alémanique «Kassensturz» [équivalent de l’émission romande «A bon entendeur»], est aujourd’hui journaliste indépendant à Berne.

Les réserves d’or existent-elles encore?

Quand les économistes y perdent leur latin (et n’arrivent plus qu’à conseiller de recommencer à zéro), l’heure est venue des stratèges politiques. Leurs «conseils» ne se limitent plus au réglage de petits détails monétaires et économiques, mais il y va de la guerre ou de la paix!
Par exemple, la proposition avancée il y a peu par l’économiste américain Jim Rickards de confisquer l’or de tous les titulaires de dépôts étrangers de la FED. Toutefois, il n’y a pas de quoi se précipiter, du fait que la FED devrait alors rendre des comptes quant aux quantités d’or déposées dans ses trésors. Cela pourrait être l’occasion de «révélations» gênantes, par exemple de savoir si les avoirs en or allemands existent encore. Qu’on se rappelle: la FED refuse depuis des années toute information à ce sujet. Et par-dessus le marché, le député au Bundestag Martin Hohmann, a, du fait de ses questions incessantes, perdu son mandat et a été chassé de la CDU …
Il ne reste donc rien d’autre au gouvernement américain (du moins de son point de vue) que de se décider à la guerre ou à la paix. Au cours de l’histoire, il s’est révélé plus d’une fois que l’«économie de guerre» liée à un conflit permettait de s’opposer à une grande crise économique. Il est vrai que le bilan des guerres menées par les Etats-Unis, à commencer par le Viêt-Nam, est plus que «modeste», mais les «conseillers» favorables à une nouvelle guerre n’en ont cure. Ce qu’ils veulent, c’est empêcher à tout prix un affaiblissement aggravé de l’économie américaine. Cela d’autant plus qu’il s’agit de freiner autant que possible le «renforcement» de l’économie chinoise.
Avec l’Iran, on a trouvé le prochain champ de bataille. Dans cette perspective, les Etats-Unis ont en Israël un allié de poids. Depuis des mois, le Premier ministre Benjamin Netanjahu parcourt le monde pour présenter ses plans. Dans le Golfe persique, on trouve actuellement déjà la plus grande concentration de forces navales rassemblées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans une seule région maritime. Obama hésite encore à donner l’ordre d’attaquer – il est tout de même lauréat du prix Nobel de la paix. Toutefois, si Israël se lançait dans une guerre, les Etats-Unis auraient vite fait de les soutenir et d’exiger une assistance de la part de l’OTAN. Il se poserait alors la question de savoir si la Russie et la Chine se tiendraient à l’écart!

Source: Vertrauliche Mitteilungen du 16/11/10

Deux poids deux mesures?

La semaine dernière ont paru deux informations qui n’ont à première vue rien à voir ensemble. Il s’agissait d’une part du site WikiLeaks qui avait publié des informations secrètes de diplomates américains, envoyées au ministère allemand des Affaires étrangères. On y trouve, sur un ton grossier (mais clair en ce qui concerne les politiciens allemands nommés), des évaluations quant aux personnalités qui pourraient à l’avenir prendre quelque importance dans le monde. L’autre information concernait une décision de la Cours constitutionnelle fédérale quant à l’utilisation de données bancaires achetées (CD) concernant les impôts et les procédures pénales. Dans les deux cas, il ne put y avoir diffusion que dans la mesure où certaines personnes avaient acquis illégalement les renseignements puis les avaient transmis à des tiers.
Dans le premier cas (WikiLeaks) les politiciens et les médias virent par ces révélations, non seulement la paix du monde mise en danger (comme si elle ne l’était pas déjà), mais se lancèrent dans des considérations morales. Il ne serait donc pas correct de diffuser des données volées par quelqu’un d’autre afin de se mettre en avant, voire même d’y gagner de l’argent (ce qui serait le comble). Entre-temps on chercha à mettre la main sur Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, au moyen d’un mandat d’arrêt international. Toutefois non pas du fait des révélations, mais sur la base d’un soupçon de viol. Cependant, cet acte présumé date de deux ans en arrière et le mandat d’arrêt n’a été établi que maintenant. Honni soit qui mal y pense …
Dans l’autre cas (les CD relatifs aux impôts), il s’agit également et incontestablement de données volées. Avec toutefois la petite différence que les données ont été volées pour des raisons «écono­miques». Il s’agissait uniquement de les vendre aussi chères que possible, ce qui fut, ici ou là, le cas. Le résultat en est qu’il y a de plus en plus d’imitateurs, dont la qualité des informations laisse plutôt à désirer, ce qui ne diminue en rien l’énergie criminelle déployée par les auteurs.
Cela étant, les autorités alle­mandes ont à plusieurs reprises acheté de telles informations et dans un cas au moins, elles ont fourni au voleur une nouvelle identité. Bon nombre d’observateurs sont d’avis que l’Etat allemand est ainsi devenu un receleur. Cela a incité des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions fiscales de se tourner vers la Cour constitutionnelle fédérale pour déposer une plainte contre l’utilisation de ces données dans des procédures judiciaires.
Toutefois la Cour constitutionnelle fédérale a rejeté la plainte comme étant «infondée». On peut donc en déduire qu’en matière de fraude fiscale il est permis de faire ce que la morale condamne dans d’autres cas. Cela se passe de commentaires.

Source: Vertrauliche Mitteilungen du 7/12/10