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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°27, 2 juillet 2012  >  Convention sur le dialogue européen – ou: Comment mettre au pas les cantons? [Imprimer]

Convention sur le dialogue européen – ou: Comment mettre au pas les cantons?

mw. Le Conseil fédéral a créé une nouvelle structure juridique quasiment en même temps que ses efforts pour imposer une «règlementation institutionnelle» avec l’UE. Ce ne peut pas être un hasard. Dans son communiqué de presse du 5 juin dernier, le Bureau de l’Intégration faisait savoir que «la Confédération et les cantons [avaient] signé une Convention encadrant le dialogue sur la politique européenne». En réalité, il ne s’agit pas d’une convention entre la Confédération et les 26 cantons: Les signataires en sont le conseiller fédéral Didier Burkhalter (DFAE), le conseiller fédéral Johann N. Schneider-Ammann (DFE) et le «représentant des cantons» Pascal Broulis, président de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC). Le contenu de cette Convention ne vise pas seulement l’«échange d’informations entre la Confédération et les cantons en matière de politique européenne» mais instaure un «organe de direction politique» (chiffre 1 de la Convention) ayant pour but de faire avancer l’intégration de la Suisse à l’UE et embarque à cette fin le président de la Conférence des gouvernements cantonaux et quelques autres membres des exécutifs cantonaux. Ainsi, face à d’éventuelles protestations des cantons, les fanatiques de l’intégration du Bureau de l’Intégration pourront dire: «Vous étiez pourtant présents dans le dialogue européen.» Bruxelles appelle cela «processus participatif». En revanche, il s’agit là à notre avis de l’introduction d’un nouvel échelon de l’Etat au détriment de la souveraineté cantonale.
Dans l’introduction de la Convention, on peut lire ceci: «Etant donné les rapports de plus en plus étroits entre la Suisse et l’UE, du développement de la voie bilatérale ainsi que des défis institutionnels que constituent les relations bilatérales entre la Suisse et l’UE, la coopération entre la Confédération et les cantons en matière de politique européenne gagne en importance.»
Ah ah! C’est là que se trouve le lien avec la soumission de notre pays au droit et à des juges étrangers!

«Contribuer à la préparation efficace des choix politiques sur les questions européennes»

L’«organe de direction politique» du Bureau de l’Intégration, assisté d’une délégation de la CdC, a notamment pour objectif de «contribuer à la préparation efficace des choix politiques sur les questions européennes» (chiffre 1). En clair, il s’agit de créer, aux frais du contribuable, un nouvel organe qui doit avant tout préparer le terrain pour une adhésion de la Suisse à l’UE, cette fois en influençant les autorités cantonales. L’«organe de direction politique» est conçu comme un forum pour l’«échange d’informations» sur les «questions stratégiques» ainsi que sur les «négociations actuelles et futures avec l’UE» et – fait notable également! – sur les questions concernant les réformes internes en rapport avec l’évolution des relations entre la Suisse et l’UE» (Chiffre 1).
De quelles «réformes internes» est-il question ici? Cela intéresserait beaucoup les citoyens. Par exemple, l’introduction de l’Autorité de surveillance prévue par le Conseil fédéral qui empiéterait naturellement sur les compétences cantonales. «Les cantons sont en effet directement concernés par plusieurs accords bilatéraux signés entre la Suisse et l’UE qui affectent leurs compétences, ou sont touchés de manière indirecte du fait de leurs tâches d’exécution.» (Introduction de la Convention)

Le «Dialogue européen» est un organe secret

«3.6. Confidentialité
Les délibérations dans le cadre du Dialogue européen de même que les documents de séances sont en principe confidentiels.
Les dérogations au principe de confidentialité doivent être décidées d’un commun accord et conformément à la Loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration1.
3.7. Information du public
Les parties décident de l’information du public au cas par cas et d’un commun accord.»2
Comme c’est aimable de faire profiter le peuple de bribes d’informations sur les activités de cet organe secret!    •

1    Allusion à la Loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration du 17 décembre 2004.
2    Le texte de la Convention n’existant qu’en allemand, la traduction des citations n’est pas officielle. Elle est due à Horizons et débats. Elle s’appuie néanmoins en partie sur le communiqué de presse du Bureau de l’Intégration du 5/6/12.

Respect du principe de transparence par l’Administration fédérale

(Loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’Administration)

«Art. 6 Principe de la transparence
1    Toute personne a le droit de consulter des documents officiels et d’obtenir des renseignements sur leur contenu de la part des autorités.
2    Elle peut consulter les documents officiels sur place ou en demander une copie. La législation sur le droit d’auteur est réservée.
3    Si les documents officiels ont déjà été publiés par la Confédération sur papier ou sous forme électronique, les conditions énoncées aux al. 1 et 2 sont réputées remplies.»
mw. Précisons que les cachotteries ont commencé avec le document de la Convention. Après l’avoir cherché en vain sur Internet, l’auteure de l’article s’est adressée par courriel au Bureau de l’Intégration. Tout d’abord, son contact a voulu savoir précisément pourquoi elle s’intéressait à ce document, si elle était journaliste et de quel journal, et si elle voulait écrire un article sur le sujet. Ce n’est qu’après avoir répondu à toutes ces questions qu’on lui a communiqué la Convention par courriel. Quand elle a demandé pourquoi le texte ne figurait pas sur le site de la Confédération, on lui a dit qu’il n’était «pas assez important».
Les «serviteurs du peuple» de l’Administration fédérale décident-ils maintenant quels textes sont «assez importants» pour être lus par les citoyens intéressés? En tout cas, comme nous venons de l’apprendre, ils décident des informations à communiquer sur le «Dialogue européen» secret. Cela m’amène à poser une autre question dérangeante. Quelles autres informations cache-t-on à la population? Au XIXe siècle, le peuple a lutté dans les différents cantons pour obtenir que les procès-verbaux des parlements soient accessibles au public. Aujourd’hui, Internet permet de publier tous les procès-verbaux et autres documents. Nous demandons que les citoyens aient accès à la totalité des documents.