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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°25, 18 juin 2012  >  Prises de position de parlementaires fédéraux au sujet de la visite du conseiller fédéral Burkhalter au Sommet de l’OTAN à Chicago [Imprimer]

«Un mouvement d’alignement de la Suisse sur les Etats-Unis est problématique»

Interview du conseiller national Carlo Sommaruga, PS/GE

Horizons et débats: Comment jugez vous l’intervention du conseiller fédéral Didier Burkhalter devant l’OTAN à Chicago? Ces dernières années, l’OTAN s’est de plus en plus ré­vélée être une alliance de guerre impériale. C’est donc particulièrement déplacé qu’un Etat neutre soit représenté au Sommet de l’OTAN par un membre du gouvernement. Comment voyez-vous cela?

Carlo Sommaruga: Ce n’est pas la présence de notre ministre des Affaires étrangères qui était problématique, mais le message d’une volonté de resserrement des liens entre la Suisse et l’OTAN. C’est contradictoire avec la neutralité – même active – et avec la volonté de la Suisse de renforcement de l’ONU comme Assemblée universelle et du Conseil de sécurité comme lieu d’élaboration de la sécurité collective. L’OTAN est une organisation militaire de défense des intérêts stratégiques des USA et des pays qui s’inscrivent dans son sillage hégémonique. Il y a de fait un mouvement d’alignement de la Suisse sur les Etats-Unis qui est problématique.

En 2014, lorsque la Suisse présidera l’OSCE, le conseiller fédéral Burkhalter veut s’engager pour une collaboration plus étroite entre l’OTAN et l’OSCE. Comment jugez-vous ce procédé?

C’est une profonde erreur. L’ OSCE est un lieu de dialogue et devient de plus en plus un instrument universel de nos valeurs démocratiques et des droits de l’homme. La présidence partagée entre la Suisse et la Serbie en est la preuve vivante. L’OTAN est un lieu d’élaboration des rapports de forces pour la défense des intérêts d’une superpuissance.

Comment jugez-vous l’intention du conseiller fédéral Burkhalter d’entamer une collaboration entre l’OTAN et la Suisse dans le domaine de la Cyberdéfense?

La guerre conventionnelle était la guerre des XIXe et XXe siècles. La guerre cybernétique est la guerre du XXIe siècle. La diffusion des virus Stuxnet et Flame par les puissances occidentales contre l’Iran en est le meilleur exemple. Resserrer la collaboration avec l’OTAN, donc avec les USA, dans le domaine de la Cyberdéfense, correspond donc à s’inscrire clairement dans la stratégie militaire des USA. Une stratégie indépendante de collaboration avec des Etats neutres aurait beaucoup plus de sens.

Didier Burkhalter vise, tout comme il l’a déjà fait au sein de la Commission de la politique de sécurité (CPS), à une collaboration plus étroite avec l’OTAN. Qu’en dites-vous et comment peut-on empêcher que notre pays devienne un appendice de l’empire américain et soit impliqué dans des guerres qui violent le Droit international?

Il est important de mettre l’ONU au centre et de s’engager en faveur du renforcement et de la démocratisation de ses instances: la défense des droits humains, l’engagement pour la défense de ceux-ci même partout, en Chine, en Russie, et même aux USA et chez ses alliés. La neutralité active suisse doit être ressortie des cartons où elle a été rangée depuis l’arrivée de Didier Burkhalter au DFAE, et par là réactiver une réelle diplomatie des vraies valeurs, et non celle des petits intérêts immédiats et de la recherche de protection auprès de la puissance impériale.
Se cacher derrière un mélange de valeurs et d’intérêts, c’est en fait lâcher les vraies valeurs et s’aligner sur les puissants par intérêts militaire ou économique.     •

 

«Nous n’avons rien à chercher auprès de l’OTAN»

Interview du conseiller national Jakob Büchler, PDC/SG

Horizons et débats: Le conseiller fédéral Burkhalter a eu une prestation controversée auprès de l’OTAN. Qu’en dites-vous en tant qu’ancien président de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national?

Jakob Büchler: J’ai été étonné que le conseiller fédéral Burkhalter se présente sur le parquet politique comme si nous étions membre de l’OTAN. Cela m’a réellement étonné qu’il ait participé au Sommet de l’OTAN à Chicago. Il a été présent dans les médias et a répondu aux questions de la Télévision suisse. C’est vraiment très étrange car la Suisse n’a rien à dire dans les décisions de l’OTAN. Nous ne sommes pas membre, nous ne payons pas de cotisation, donc nous n’avons rien à y faire.
A Chicago, Didier Burkhalter a déclaré que quand la Suisse aurait dans deux ans la présidence de l’OSCE, il s’engagerait pour une collaboration plus étroite avec l’OTAN. Cela étonne vraiment que le chef du Département des Affaires étrangères d’un Etat neutre – dans lequel 95% de la population désirent que le pays garde sa neutralité – fasse du zèle auprès du pacte belliciste qu’est l’OTAN. Comment jugez-vous cela?
L’OSCE et l’OTAN ne peuvent être comparées et n’ont rien de commun. L’OSCE fait des observations d’élections, elle contrôle que les droits de l’homme soient respectés etc. Elle n’a rien à faire avec la guerre et l’agression.
L’OTAN est une alliance purement militaire qui avait son origine dans la guerre froide. Aujourd’hui l’OTAN cherche souvent sa tâche. Elle croit faire de l’ordre en Afghanistan mais elle n’y réussira pas. En 2014, il sera très difficile de quitter le pays de manière ordonnée ou de le démocratiser.
Cela ne va pas aller comme ça. Personne ne sait actuellement, ce qui en résultera, cela s’avérera plus tard.

Quel est le rôle de l’OTAN aujourd’hui?

La Libye nous a montré que l’OTAN ne fonctionne plus uniquement qu’en tant qu’alliance défensive. Au Sommet de l’OTAN de Budapest, auquel j’avais été invité en tant que parlementaire, on a informé que la Libye avait été attaquée par 10 000 frappes aériennes sans qu’un seul soldat ait eu à mettre pied dans ce pays. On n’en connaîtra les conséquences qu’à l’avenir. Les troupes de Gaddafi ont abandonné 5000 missiles, des missiles sol-air et sol-sol. Ils sont maintenant dans les mains d’Al-Qaïda ou d’autres rebelles, et personne ne sait où ils vont réapparaître, peut-être chez les «combattants pour la liberté syriens». Peut-être que l’OTAN va un jour ou l’autre de nouveau y être confrontée.
Donc, comme déjà dit: Je me demande vraiment ce que le conseiller fédéral Burkhalter aimerait obtenir. Le peuple suisse ne veut pas adhérer à l’OTAN, le peuple suisse veut maintenir la neutralité, et c’est ce que je veux moi aussi. Alors il ne faut pas miser sur une adhésion à l’OTAN – et pas non plus sur une adhésion à l’UE.
Cela m’a vraiment étonné qu’il soit allé faire reluire les poignées de porte à l’OTAN.•

(Traduction Horizons et débats)

«L’OTAN n’est pas un bon partenaire pour la Suisse»

Interview du conseiller national Ueli Leuenberger, Les Verts/GE

Horizons et débats: Que pensez-vous de la visite du conseiller fédéral Burkhalter au Sommet de l’OTAN à Chicago?

Ueli Leuenberger: La visite ne me dérange pas. Ce qui me dérange, ce sont les déclarations d’une collaboration plus étroite avec l’OTAN etc. J’aimerais vraiment connaître les détails de ce projet.

Qu’est-ce qui vous dérange quant à une collaboration plus étroite avec l’OTAN?

Je suis contre une collaboration plus étroite avec l’OTAN. La Suisse doit être active au sein de l’ONU. Actuellement, l’OTAN n’est pas un bon partenaire pour la Suisse.
Qu’est-ce que l’OTAN représente pour vous?
Elle est toujours encore, en grande partie, l’instrument de quelques grands Etats, avant tout des Etats-Unis. Nous avons pu observer que les interventions guerrières etc. dépendent toujours du gouvernement au pouvoir aux Etats-Unis. Je suis contre les engagements à l’étranger de l’Armée suisse, sauf s’ils ont lieu dans le cadre de l’ONU; là il faudrait en discuter. Ce n’est certainement pas une priorité et c’est politiquement faux de vouloir renforcer les relations ou la collaboration de la Suisse avec l’OTAN dans la situation actuelle.

Donc selon vous, on aurait pu y envoyer un ambassadeur comme observateur?

On peut vraiment se demander, ce qu’il avait à y aller et si cette visite était nécessaire. Mais le résultat prouve que Monsieur Burk­halter voulait renforcer cette relation. J’espère, qu’on en discutera cartes sur tables dans les commissions correspondantes, la Commission de la politique de sécurité ou celle de politique extérieure.    •