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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°29, 21 juillet 2008  >  Courrier des lecteurs [Imprimer]

Courrier des lecteurs

 «Le système avait tout simplement touché à sa fin»

J’ai lu avec intérêt les articles que vous avez publiés au sujet du «Bradage de l’industrie du verre est-allemande». (Horizons et débats no 15 et 18) Il n’y a pas mal de bonne volonté là-derrière, et grâce à l’expérience que j’ai avec la «presse», je sais que bien des choses ne passent pas ou sont interprétées différemment de ce que l’on a envisagé. (Ce n’est pas forcément de la faute des «journalistes»!)
Voilà pourquoi je me suis beaucoup réjoui que mes propos ont été présentés en substance correctement. Les autres réactions, elles aussi, sont en ordre du point de vue individuel, bien que j’aie parfois fait d’autres expériences.
En ce qui concerne le courrier des lecteurs de Monsieur Gumpel, je dois dire que cet homme a raison! La RDA était au bord de la faillite, moi-même, j’avais eu, lors de visites chez des parents en 1988 et 89, la possibilité d’aller dans une entreprise en Allemagne de l’Ouest et j’avais été bouleversé de voir à quel point l’économie était organisée de manière efficace et de constater combien notre activité à nous apparaissait inutile. Finalement, c’était clair et Lénine avait déjà prévu la fin de cette société: c’est la productivité du travail qui était le critère décisif. (Au commencement, on ne parlait pas encore de réunification, on en a parlé seulement à partir de décembre 1989.) Rudolf Bahro avait raison avec sa thèse de l’«irresponsabilité organisée». Lors du tournant, nous voulions mettre un terme à ce «pouvoir par privation d’informations (R.B.) et nous voulions décider nous-mêmes dans une société transparente.
Notre désir était cependant d’intégrer les connaissances et l’application de notre population dans une nouvelle société. Que les entreprises concurrentes allaient essayer de nous écraser ne nous a pas surpris. Cependant nous nous sommes révoltés aussitôt que les administrations officielles (Fédération, Länder et la Treuhand) ont soutenu les entreprises privées. L’Etat doit représenter l’intérêt général et nous en faisons également partie. Nous avons simplement exigé une chance et nous nous sommes révoltés comme les mineurs de potasse de Bischofferode. Voilà pourquoi je suis toujours fier que les ressorts principaux de nos entreprises aient été conservés, fût-ce avec peu d’ouvriers.
Pourtant je me prononce fermement contre certains «anciens camarades», des gens de la Stasi entre autres, qui, au vu des problèmes et difficultés actuels et bien réels, tentent d’avancer la théorie du «coup de poignard dans le dos» tout en embellissant la situation en ex-RDA pour pouvoir rétablir l’ancien système. La RDA ne s’est pas écroulée parce que Gorbatchev l’a «vendue», le système avait tout simplement touché à sa fin.
Si tout avait si bien fonctionné, ce serait toujours le cas aujourd’hui. Quand certains prétendent par exemple, dans le débat sur l’étude Pisa, que la Finlande a copié le système scolaire de la RDA, seulement sans idéologie (ce qui n’est pas tout à fait juste), on ne peut qu’ajouter: oui, et si la RDA avait abandonné son idéologie, elle existerait peut-être encore. J’ai l’habitude de dire à certains camarades: «Si vous nous aviez laissé faire un autre socialisme, nous ne devrions peut-être pas nous battre aujourd’hui avec les infirmités (qui existent vraiment) du capitalisme».
Il s’agit donc de revaloriser les bonnes expériences de fond de jadis, le cadre du «Realsozialismus» d’alors ayant fini de servir – espérons-le pour toujours.

Eberhard Dittmar, Ilmenau


«Et finalement, tout cela n’a plus eu qu’un but, nous écraser»

En principe, tout a été dit au sujet du processus de la réunification, mais en tant que personne concernée j’aimerais quand même me prononcer sur l’époque autour de 1990. En 1989, je travaillais comme chef de service de la technique de l’automatisation dans l’entreprise «Werk für technisches Glas (WfTG)» à Ilmenau, où l’on employait environ 4000 ouvriers. Le 1er janvier 1990, j’ai été nommé directeur de science et technique. Les raisons de cette nomination ne me sont toujours encore pas tout à fait claires. C’était probablement parce que je n’étais pas membre du parti socialiste unifié, «Sozialistische Einheitspartei Deutschlands», et que je critiquais ouvertement la politique de la direction du parti et de l’Etat de la RDA. J’écris ceci à dessein, pour qu’on ne puisse pas me ranger dans le coin des anciens communistes et des incorrigibles.
J’ai alors poursuivi, dans les grandes lignes, la politique suivante: maintenir la compétence du domaine de la science et empêcher sa destruction. Entre temps j’ai pu connaître des verreries partout dans le monde et je peux affirmer que la compétence réunie dans notre usine était unique au monde. J’ai vite compris que je ne pourrais pas garder tous les 350 collaborateurs de mon département. J’ai également compris que nous ne pourrions pas vivre des seuls mandats de développement de WfTG. J’ai donc incité nos directeurs à explorer le terrain en vue de clients potentiels, à l’Ouest en particulier, qui pourraient être intéressés par nos connaissances et à notre savoir-faire. Mais chez la plupart, mes mots ne parvenaient pas à susciter l’intérêt. Les gens, à l’Est, étaient paralysés par la peur de ce qui les attendait. Au lieu de se tourner vers le futur et de prendre conscience de leurs propres forces, ils restaient immobliles et timides comme le petit lapin devant le serpent et attendaient les choses à venir. Ce fut une expérience douloureuse à l’époque et malheureusement, aujourd’hui encore, beaucoup de gens dans l’est de l’Allemagne n’ont toujours pas abandonné cette attitude.
J’ai sans doute aussi commis des fautes à cette époque de confusion. Mais je ne crois pas que ce fut une faute d’inviter notre concurrent afin de parler avec lui d’une collaboration, comme par exemple la coordination de la production. Nous produisions des produits identiques, pourquoi donc ne pas coopérer? Cela semblait logique. C’était au début de mon mandat. L’ingénieur en chef et le directeur de commerce de l’entreprise concurrente m’ont rendu visite. Je leur ai montré notre usine. Naturellement, mon idée d’une coopération ne s’est pas réalisée. Beaucoup plus tard j’ai rencontré de nouveau l’ingénieur en chef, qui m’a déclaré: «Quand j’ai vu votre usine, je n’ai eu qu’une seule pensée: Ces gens là nous vont écraser.» Et par la suite tout ce qui s’est fait a consisté à nous écraser nous – la politique du vainqueur. Cela a bien marché. On a complètement rasé l’usine jusqu’à un petit reste. Avec l’argent des impôts, c’est clair. Peut-être celui du fond de solidarité?
Le 30 juin 1990 déjà, j’ai dû abandonner mon poste. Je ne peux pas dire si c’était à cause de mon attitude entêtée concernant la survie du secteur que je dirigeais. Par la suite, j’ai tout fait pour donner un avenir à moi et aux collaborateurs avec qui j’avais travaillé depuis 1974 et qui avaient confiance en moi. Moi et mes collaborateurs avons été licenciés le 30 novembre 1990. Nous avons fondé une S.A.R.L. dans laquelle chaque sociétaire de la première heure avait des parts. Les premières années ont été dures, mais maintenant l’entreprise est parfaitement positionnée dans le marché. Le chiffre d’affaires et les profits sont splendides après 18 ans de travail.
En fin de compte, j’aimerais encore souligner ceci afin qu’on ne puisse pas me mettre dans le coin de ceux qui detestent de manière ingrate les «Wessi»: Si nous n’avions pas rencontré dans l’ouest des gens persuadés de notre savoir-faire et qui nous ont passé les premières commandes, notre entreprise n’existerait pas aujourd’hui. J’ai des liens personnels très étroits, encore aujourd’hui, avec ces personnes. Je peux bien me passer des autres, qui ont volé notre propriété nationalisée, s’en sont approprié ce qu’ils pouvaient, et ont jeté notre développement de 40 années, qui n’était pas du tout mauvais, à la poubelle de l’histoire. Je peux me passer en particulier de ceux qui répètent comme des moulins à prières le conte de la RDA épuisée.

Bernd Kiessling, Ilmenau


L’Union européenne est-elle une œuvre de paix?

Depuis 1945, les Etats européens vivent en paix entre eux. Après deux guerres mondiales, qui furent des guerres européennes, il semblerait que cela aille de soi. Toutefois, on avance aux critiques du traité de Lisbonne le fait que l’absence de guerre est due à l’Union européenne.
Non seulement la paix en Europe n’est pas l’œuvre de l’UE, mais cette dernière n’est pas du tout pacifique. Des soldats européens sont engagés dans le monde entier pour la «stratégie de domination des Etats-Unis», dans des guerres contre le terrorisme ou contre «le mal». Le Kosovo n’a été déclaré indépendant que du fait de la reconnaissance unilatérale du pays – après la guerre menée par l’OTAN contre la Yougoslavie – renforçant la gigantesque base militaire américaine dans ce pays à population essentiellement albanaise. On y trouve aussi des soldats autrichiens sous commandement de l’OTAN.
Les Etats membres de l’UE sont tenus de «respecter» les engagements de certains pays qui voient dans l’OTAN la possibilité d’une défense commune. Grâce au traité de l’UE, la politique de cette dernière est compatible avec celle de l’OTAN. Il y a ainsi une étroite relation entre les engagements militaires de l’OTAN sur l’ensemble du globe et la politique de l’Union européenne. Dans le traité de Lisbonne, on parle d’«engagements militaires dans le cadre de la maîtrise de crises», de «mesures de promotion de la paix», d’«opérations de stabilisation de la situation après des conflits» et de «soutien aux pays tiers dans leur lutte contre le terrorisme sur leur territoire national». Selon ce traité, les Etats membres sont tenus de se réarmer. On parle dans le texte de la nécessité «d’améliorer progressivement leurs capacités militaires». On y prévoit aussi des «mesures pour renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense». On touche ainsi à un développement qui, après avoir débuté aux Etats-Unis, domine entre temps l’ensemble de l’économie mondiale.
La forte augmentation des dépenses militaires dans le monde entier, englobe aussi les pays de l’UE. Tout ce qui est dépensé pour le réarmement ne peut être utilisé ailleurs, notamment pas pour la santé publique et les assurances vieillesse.
Dans la mesure où l’on a une conscience sociale et la volonté de fonder une Europe sociale, il faut intervenir – à l’encontre du traité de Lisbonne – non pas pour le réarmement, mais pour le désarmement, le contrôle des armements et pour se défaire des conflits militaires.

Erich Schäfer, Vienne