Les ateliers du futur et ceux qui tirent les ficelles idéologiques dans l’ombreLes néo-malthusiens, les Chicago Boys et la guerre de l’écologie profonde contre les pauvrespar Tobias SalanderDepuis assez longtemps, partout en Europe, ils poussent comme des champignons. Le citoyen qui parcourt son pays et les autres pays d’Europe les yeux ouverts est étonné, voire troublé: De manière presque généralisée, dans beaucoup de communes, aussi bien à la campagne que dans les villes, se créent de nouvelles structures bizarres qui n’ont rien à voir avec les structures, institutions et procédures éprouvées, basées sur la souveraineté populaire. Ce sont les prétendus «ateliers du futur». Ils sont tous sur le même modèle, ce qui paraît étrange au citoyen démocratiquement mûr et expert en matière de démocratie directe, car ils sont étrangers au principe démocratique des Lumières: ils font penser à l’utilitarisme anglo-saxon ou même au fanatisme élitaire et à l’économisme meurtrier. Mais on peut les combattre grâce à un moyen qui a fait ses preuves: le sens civique vigilant et la démocratie directe. «Ateliers du futur»: ce qui à première vue peut sembler sans problème – qui ne songe pas à l’avenir? – se révèle être, à y regarder de plus près, une stratégie «top down» retorse qui se vend cependant de façon odieuse comme une stratégie «bottom up». Nous avons déjà montré dans ce journal (no 32 du 16/8/2010) comment un groupe trié sur le volet, coaché par des «ingénieurs sociaux» d’instituts privés formés pour manipuler des grands groupes, se permet de s’imposer comme groupe de pilotage au mépris des institutions démocratiques locales. Une entreprise dirigée de façon centralisteIl est évident que les acteurs qui sont ici à l’œuvre ne comprennent rien à la démocratie mais c’est voir les choses assez naïvement. A se renseigner sur les personnes qui gagnent leur vie en organisant des «ateliers du futur», éditent des livres et font de la publicité pour leurs activités, on se pose des questions. C’est surtout en lisant les notes en bas de page de ces livres qu’on reste interdit et, après quelques recherches, notre impression se renforce qu’il s’agit là d’une entreprise vaste et bien organisée. Ce qui passe tout d’abord inaperçu dans la commune tout en laissant une impression désagréable d’étrangeté et évoque surtout l’époque antérieure aux Lumières, qui fait fi des acquis de la souveraineté populaire, des principes de représentativité, de séparation des pouvoirs et de transparence, se révèle, après une étude plus approfondie, être une structure louche très ramifiée. De même qu’en ne voyant que quelques tentacules d’une pieuvre ou deux doigts d’une main, on ne se représente pas le corps tout entier, face à ces ateliers du futur, on ne voit d’abord que de nombreux appendices, mais en y regardant de plus près, on se rend compte qu’ils appartiennent à une structure possédant apparemment aussi un centre de pilotage qui peut être lui-même multiple et avoir un noyau composé d’«élus» autoproclamés. Décimer la population mondialeAppelons un chat un chat: les références de ces ingénieurs sociaux autoproclamés se trouvent dans le milieu des utilitaristes anglo-saxons qui se croient des «élus»: les apologistes néolibéraux de l’«homo oeconomicus» y côtoient les partisans de la dérégulation, de la libéralisation des marchés et des privatisations ainsi que les néo-malthusiens, qui veulent décimer la population mondiale au moyen de guerres, d’épidémies, de famines, de tremblements de terre ou du contrôle des naissances imposé et s’opposent vigoureusement à l’ONU et à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Finies les libertés individuelles, les structures démocratiques et les coopératives: elles doivent être remplacées sous la contrainte par la privatisation absolue de tous les biens, l’isolement des pays riches contre les pauvres, le parfait égoïsme et une renaissance primitive du darwinisme social, tout cela étant emballé dans des concepts comme «savoir utiliser les ressources qui se raréfient», «sauvegarder la biodiversité», «sauver la planète du prédateur humain» ou «tragédie des biens communs». Renouveau des «Chicago Boys»Nous invitons les lecteurs à examiner de plus près les écrits de deux des théoriciens cités par les stratèges des «ateliers du futur». Mépris de l’Etat de droitEn prophétisant une raréfaction des ressources et tout en partant d’une conception de l’homme réductionniste et primitivement économiste, il appelle les gens à détacher leurs décisions et leurs actes de l’influence des règles, des objectifs et des normes et par conséquent de la prévisibilité car cela engendre l’insécurité et le risque. En infantilisant l’être humain, il demande de vivre «comme nous avons vécu quand nous étions enfants, en expérimentant avec curiosité, en nous étonnant des conséquences de nos actes et en pleurant parfois de douleur» (p. 270). Notons en passant qu’il parle aussi de la destruction de l’Etat de droit démocratique. L’époque des certitudes touchant à sa fin, Mandl nous accueille dans son «ère du risque», comme s’il n’existait pas une culture qui s’est développée au cours des siècles, une tradition, une jurisprudence et des règles démocratiques claires. Pour le citoyen responsable du XXIe siècle familier des règles démocratiques, de telles propositions ne sont pas sérieuses: c’est mépriser l’Etat de droit, la sécurité juridique, la protection des minorités, etc. Contre les résultats du «Rapport sur l’agriculture mondiale»En consultant les auteurs cités par Mandl, on se rend compte que nous avons tapé dans le mille dans notre interprétation du texte en partie incompréhensible d’une des bibles des partisans des «ateliers du futur» cités par Mandl. Il appuie son idée de privatisation des services publics, qu’il évoque sous le titre «Die Tragik der Allmende» (la Tragédie des biens communs), sur les écrits d’un certain Garrett Hardin, qui, en 1968, sous le même titre,2 dans la revue Science et dans d’innombrables autres opuscules, est parti en guerre contre l’économie sociale de marché, le principe des coopératives, les biens communs et également contre la Déclaration des droits de l’homme des Nations Unies et se révèle être un adepte de l’idéologie contraire à la dignité humaine de Thomas Robert Malthus (1766–1834). Malthus, pasteur anglican et professeur d’histoire et d’économie politique en Angleterre, s’est fait connaître par sa théorie démographique ouvertement raciste. Dans son «Essay on the Principle of Population» de 1798, il a émis une hypothèse qui, depuis, a été réfutée plusieurs fois et dernièrement définitivement par le Rapport sur l’agriculture mondiale.3 Malthus et la guerre contre les pauvresSous le titre déjà cité de «The Tragedy of the Commons» [la Tragédie des biens communs] et plus récemment dans un article de 1998 intitulé «The Feast of Malthus – Living within Limits» [le Festin de Malthus – vivre en se restreignant]4, Garrett Hardin (1915–2003), professeur d’écologie humaine, réhabilite l’idéologie génocidaire et raciste de Malthus et la prône comme remède général pour l’humanité du XXIe siècle – comme s’il n’y avait pas eu le national-socialisme et tous ses effets secondaire: eugénisme, euthanasie et génocide. Selon la théorie erronée de Malthus, l’humanité obéirait aveuglément à la loi de l’accroissement illimité, le nombre d’humains augmentant selon une progression géométrique (2, 4, 8, 16, …) alors que la nourriture suit une progression arithmétique (1, 2, 3, 4, …). Ce qui signifierait que l’approvisionnement ne suffit pas pour toute la population de la Terre et qu’il faut, pour rétablir l’équilibre, des «correctifs» comme les maladies, la guerre, les catastrophes naturelles, donc la misère et la mort. Pour définir le fondement de sa pensée contraire à la dignité humaine, Hardin cite le passage suivant, que Malthus avait supprimé plus tard de ses écrits: «Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, lorsque sa famille n’a pas les moyens de le nourrir ou si la société n’a pas besoin de son travail, cet homme n’a pas le moindre droit de demander sa part de nourriture, il est vraiment de trop sur la Terre. Dans le grand festin de la nature la table n’est pas mise pour lui. La nature lui ordonne de s’en aller et elle n’hésite pas à mettre cet ordre à exécution.» 5 Différences génétiques des races?Cette opinion est pleinement partagée par Hardin, figure de proue des ateliers du futur, décédé récemment, mais il remplacerait l’image du «festin» par la métaphore du «canot de sauvetage». Il s’agit de ce que la médecine militaire appelle «sélection», en parlant des blessés, c’est-à-dire de la sélection d’hommes en fonction de prétendues ressources manquantes. Hardin part du principe qu’il existe des différences génétiques parmi les êtres humains et préconise pour le monde d’aujourd’hui le contrôle des naissances, qui ne peut s’exercer que sous la contrainte. La privatisation de tous les biens est urgente et il faudrait abandonner la «religion dominante des trois derniers siècles», l’individualisme de John Locke. L’individu devrait céder sa liberté en faveur de la communauté (The Feast of Malthus, pp. 185 sqq.). Contre la Déclaration des droits de l’homme de l’ONUCe qu’il faudrait aujourd’hui, pour Hardin, ce serait une révolution sociale, ou plutôt une contre-révolution qui se laisserait guider par des idéaux des temps passés. Beaucoup d’expériences sont nécessaires aujourd’hui et c’est pourquoi il faut que notre espèce reste divisée en nombreuses nations. C’est seulement ainsi que des expériences peuvent être faites qui ne seraient jamais tolérées dans certains Etats. Ce qu’il veut dire est clair: Il faut mettre fin «aux discours creux sur les droits de l’homme». Cette infâme attaque frontale de l’ONU et la Déclaration universelle des droits de l’homme, Hardin l’a déjà formulée dans «The Tragedy of the Commons» de 1968. Il écrivait que ce sera douloureux de nier les droits de la famille, noyau de la société, mais qu’il le faut. On éprouve le même malaise qu’un habitant de Salem, au Massachusetts, qui niait, au XVIIe siècle, l’existence des sorcières. C’est justement parce qu’on aime la vérité qu’il faut contester la validité de la Déclaration universelle des droits de l’homme, même si elle est soutenue par l’ONU. Oui, vous avez bien lu: les droits de l’homme ne seraient rien d’autre qu’un fantasme de fous, comme jadis la peur des sorcières!6 On n’a plus envie de continuer à lire les écrits de Garrett Hardin tellement son argumentation est pleine de mépris pour le genre humain. L’écologie profonde et le Council of Foreign RelationsMais est-ce un hasard? Dans Foreign Affairs de novembre/décembre 1995, édité par le Council of Foreign Relations (CFR), un article intitulé «The Rights of Nature: Has Deep Ecology Gone Too Far?»7 met en relation Garrett Hardin avec l’écologie profonde mais le juge «sans danger». On ne doit pas s’en étonner, car le CFR appartient justement aux milieux dont l’objectif est depuis longtemps, également de manière clandestine et avec les méthodes les plus sinistres, de la décimation de la population terrestre et ce sont de fervents partisans du néo-libéralisme – tout en larguant de temps en temps des bombes ou autre chose sur les pays qui ne sont pas prêts à se soumettre à ce «meilleur des mondes». L’agriculture des petites exploitations et les coopératives, unique solution praticable
Pendant qu’on manipule les uns avec le soft power et le social engineering, on bombarde les autres notamment à l’aide d’armes interdites par l’ONU qui modifient le climat, comme l’a montré récemment l’agence russe Ria Novosti (cf. Horizons et débats no 33 du 23/8/10). L’ONU voit des manifestations du même phénomène dans les inondations au Pakistan et les incendies en Russie. 1 Aufgabe Zukunft: Versäumen, planen, ermöglichen. Christoph Mandl/Kuno Sohm (ed.) 2006, ISBN 978-3-03909-045-7 |