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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°8, 28 février 2011  >  En Suisse, l’organe suprême est le peuple [Imprimer]

En Suisse, l’organe suprême est le peuple

Il est favorable à l’armée de milice et à la neutralité armée

Interview du conseiller national Jakob Büchler (PDC), président de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national

thk. Comme la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga avait frappé l’opinion, avant la votation, par ses déclarations modérées sur l’initiative «pour la protection contre la violence des armes», on s’étonne d’autant plus que le soir même de la consultation, elle ait, après le net refus du peuple, parlé de durcissement de la législation sur les armes et déjà précisé quand elle allait présenter son projet à l’ensemble du Conseil fédéral. C’est cet affront infligé au peuple souverain qui nous a incités à interviewer le président de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national Jakob Büchler. Nous lui avons demandé de commenter la situation actuelle.
Etrangement, Mme Sommaruga a évoqué une Résolution de l’ONU qui a un tout autre objectif. Il s’agit de la Résolution 55/255 du 8 juin 2001 intitulée «Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée». Même si elle se référait à l’«Instrument international A60/88 Annexe» adopté le 8 décembre 2005, il s’agit là également d’armes illégales de petit calibre et de leur trafic illégal. Qu’est-ce que notre Armée de milice a à voir avec la fabrication illégale et la «criminalité transnationale organisée»? Mme Sommaruga ne sait-elle pas lire les textes originaux en anglais des Résolutions de l’ONU? Si tel est le cas, son élection au Conseil fédéral aurait été une erreur et elle devrait céder la place à une personne compétente …

Horizons et débats: L’initiative «pour la protection contre la violence des armes», appelée aussi «initiative de désarmement», a été refusée par le peuple et les cantons. Qu’est-ce que cela signifie d’une manière générale?

Jakob Büchler: Pour moi, c’est très clairement une preuve d’attachement du peuple à l’armée de milice, à la neutralité armée et aussi au tir sportif. Cela m’a toujours énervé d’entendre les partisans de l’initiative dire que les tireurs n’étaient pas concernés. D’un autre côté, il y avait ceux qui déclaraient: «J’ai 65 ans, j’ai fait du tir toute ma vie, et maintenant je serais possesseur d’une arme illégale? C’est inadmissible. Je ne vais certainement pas demander une licence. Quatre fois par année, je vais à des manifestations de tir.» Imaginez un peu le déroulement de la collecte des armes. Qui aurait rassemblé ces armes? L’Armée? C’aurait été une expropriation et, selon la Constitution, ceux que l’on exproprie doivent être indemnisés. Cela aurait coûté extrêmement cher.

Comment les initiateurs ont-ils réagi au résultat de la votation?

On a vu une fois de plus que ce sont de très mauvais perdants. Ils ne veulent pas ad­mettre que 56% de la population suisse trouvent juste que l’arme d’ordonnance reste chez le soldat et n’ait pas à être déposée à l’arsenal. Subitement, on parle d’une «très large minorité» qui est d’un autre avis. C’est inadmissible! Les décisions populaires doivent être acceptées et c’est également valable pour la gauche. C’est évident, il s’agit d’une décision populaire. L’organe suprême de l’Etat est le peuple, il n’y a pas à tortiller.
Les partisans ont toujours essayé de ridiculiser les adversaires: «Vous et votre responsabilité, et votre confiance, c’est du passé». Non, le peuple a dit clairement que ce sont des valeurs qu’il faut préserver, pour notre liberté et notre sécurité. On peut aussi constater que c’est dans le pays le plus libre du monde que les taux de criminalité sont les plus faibles. Cela signifie donc que la liberté et la sécurité sont étroitement liées. Mais on a tenté de dénigrer cela, on a même présenté des statistiques erronées. C’est ahurissant. Mais le peuple ne s’est pas laissé leurrer: 56%, 20 cantons, cela est un résultat uni­voque.

Quel était l’objectif véritable des initiateurs?

Je suis très clair, avec cette initiative, il ne s’agissait pas de réduire la violence des armes mais de désarmer complètement le peuple suisse, et cela les gens s’en sont rendus compte.

Que pensez-vous du processus de formation de l’opinion dans le cadre de cette votation?

On a beaucoup discuté dans tout le pays. Il y a eu des quantités de débats publics et souvent le non l’a emporté. Certes, les médias ont informé autrement. (A part quelques journaux, dont le vôtre, presque aucun n’a pris clairement position.) Les autres ont fait des comptes rendus partiaux des manifestations. Les photos mettaient toujours les idées des partisans au premier plan.
Ce qui m’a beaucoup déçu, c’est qu’il y ait eu également des partisans au sein de l’Armée, surtout des retraités. Des officiers supérieurs, comme Hans Ulrich Ernst qui gagna son pain au Département militaire et jouit aujourd’hui d’une retraite confortable, se sont solidarisés avec le GSsA (Groupe suisse sans armée). Je trouve cela particulièrement inquiétant car on sait que l’objectif unique de cette organisation est d’affaiblir l’armée.

Une partie des arguments des partisans étaient malhonnêtes et mensongers.

Oui. Ils ont par exemple sans cesse évoqué l’affaire du Hönggerberg. Mais un tel cas ne peut plus se produire aujourd’hui. Lors des contrôles plus sévères au moment du recrutement, on peut maintenant consulter le casier judiciaire des mineurs. On obtient les renseignements. Autrefois, ce n’était pas possible: on invoquait aussitôt la protection des données. Aujourd’hui, quand des mineurs ont des antécédents judiciaires, on ne leur donne pas d’arme à emporter chez eux. Mais même sans antécédents, un soldat peut être privé de son arme en cas d’usage inapproprié. Les commandants sont tenus de la lui retirer. Nous avons fait beaucoup de choses. C’est pourquoi j’ai très bonne conscience.

Le soir même de la votation, Mme Sommaruga s’est exprimée sur le résultat. Qu’en pensez-vous?

Ce qu’elle a dit est tout à fait révoltant et j’ai reçu beaucoup de réactions. La Radio suisse alémanique DRS voulait savoir ce que j’en pensais. Et je le répète, après cette nette décision de la population, c’était incompréhen­sible et déplacé que la conseillère fédérale parle de «durcissement de la loi». Notre loi sur les armes est tout à fait suffisante. C’est une erreur de vouloir y changer quelque chose. La conseillère d’Etat saint-galloise Karin Keller-Sutter a toujours dit que les lois en vigueur suffisaient et qu’il fallait les appliquer, qu’on n’avait pas besoin de nouvelles lois.

Mme Sommaruga a évoqué une Convention de l’ONU contre le trafic d’armes illégal et le crime organisé …

Il est fondamentalement inadmissible de toujours nous tourner vers l’étranger et de nous demander ce que nous pourrions faire de plus. Nous possédons une législation pénale qui correspond aux normes actuelles. Nous avons déjà suffisamment d’obligations suite à Schengen. On nous impose constamment de nouvelles règles. Alors non, ne soyons pas plus royalistes que le roi.

Mme Sommaruga doit être loyale envers le peuple suisse. Quelles sont ses intentions cachées?

Je suppose qu’elle voudrait améliorer la traçabilité des armes et imposer coûte que coûte un registre national des armes. C’est tout à fait absurde. Les cantons font un travail remarquable à ce sujet et il est évident qu’on doit leur laisser cette mission. La Confédération s’y prendrait-elle mieux? Cela me paraît douteux. Soit dit en passant, ce serait une perte de souveraineté supplémentaire pour les cantons et un pas de plus vers la centralisation. La gauche ne cesse de répéter que la majorité des cantons et leur souveraineté ne sont plus d’actualité. Cela passe à côté de la réalité. Nous avons 26 cantons de tailles et de topographies différentes et ils doivent conserver leur droit de codécision. C’est uniquement ainsi que nous pourrons sauvegarder la cohésion du pays. Ce serait fâcheux que nous ne soyons plus dirigés que par les grandes villes.

Le peuple en a assez d’être roulé dans la farine par les conseillers et conseillères fédéraux. Mme Sommaruga ne pourrait-elle pas nous imposer quelque chose en douce?

Je ne vois guère de danger après une décision populaire aussi nette. Naturellement, nous devrons être vigilants. En ce qui concerne les Bilatérales III, nous risquons de devoir adopter de plus en plus d’éléments de droit européen. Nous devrons faire très attention. C’est notre législation et notre souveraineté qui ont la primauté.    •

Nous secourrons certainement les personnes dont la vie est en danger

Horizons et débats: Comment faire face au problème des réfugiés auquel nous allons probablement être confrontés?

Conseiller national Jakob Büchler: On peut envoyer des troupes aux fron­tières mais si des personnes sont vraiment menacées dans leur vie – et je suppose que c’est le cas aujourd’hui – nous devrons les secourir. Toutefois nous devons veiller à ce que cela ne devienne un état permanent. Je soutiens la proposition de mettre à disposition des cantonnements militaires. L’accueil doit s’effectuer rapidement. Il s’agit de demandeurs d’asile et les choses doivent se faire dans les règles. Mais une fois que le danger dans le pays d’où ils viennent sera passé, et je suppose que le calme reviendra bientôt, le retour devrait avoir lieu rapidement. En Libye surtout, le chômage et la pauvreté ne sont pas si importants et le pays n’est pas aussi pauvre que certains Etats d’Afrique subsaharienne.
Donc nous secourrons certainement les personnes dont la vie est en danger mais pas pour les dix prochaines années. Cela dépendra de la situation dans ces pays.