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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°5, 6 février 2012  >  Les communes du Haut-Valais veulent rester autonomes [Imprimer]

Les communes du Haut-Valais veulent rester autonomes

Exemple d’une opposition réussie de la population

par Marianne Wüthrich

Malgré des années de pressions des autorités cantonales et de «bureaux de conseil», la fusion des 6 communes haut-valaisannes de Visp, Visperterminen, Baltschieder, Ausserberg, Bürchen et Eggerberg en une grande commune de Visp a échoué en février 2011. Visperterminen, Baltschieder et Ausserberg ont refusé la fusion: Visperterminen par 70% de «non», Ausserberg par 58% et Baltschieder par 54%. La participation a été extrêmement forte: 63% à Visp, et dans les cinq autres communes entre 80 et 92%. Le peuple peut prendre son destin en main.

Bien que selon l’article 135 de la Loi communale du Valais, le Grand Conseil (le Parlement cantonal) puisse forcer une commune dans certaines conditions contre le gré de ses citoyens à une fusion, mais dans ce cas-là la convention de fusion stipulait qu’il fallait l’approbation de toutes les communes. Les citoyens de 3 communes ont résisté aux appâts financiers du canton: Les autorités cantonales voulaient dégager de la Caisse des impôts une soi-disant aide financière de 7,2 millions de francs pour la création de la nouvelle grande commune. Si le canton se voyait obligé d’offrir une pareille somme, cela prouve manifestement que l’affirmation courante – dont on sait depuis longtemps qu’elle est fausse – selon laquelle une grande commune issue d’une fusion est moins coûteuse que six petites ne tient pas la route. Et cela de toute évidence quand le canton doit injecter une telle somme!

A qui profitent les grandes communes?

Les six communes auraient dû fusionner le 1er janvier 2013. La nouvelle grande commune aurait englobé environ 11000 personnes sur un territoire de 13000 hectares. En guise de comparaison: Le territoire communal de la plus importante commune suisse au niveau du nombre d’habitants, la ville de Zurich avec presque 390000 habitants comprend 9188 hectares, y compris la partie du lac. La question se pose de savoir à qui profite une grande commune dans le territoire alpin avec de nombreuses surfaces libres. Les protagonistes sortis de la cuisine expérimentale de Bruxelles espèrent-ils qu’il serait plus facile dans une commune unique, avec un exécutif unique et une consultation populaire unique, d’établir un parc naturel, lié à l’implantation de loups et de lynx, d’où résulteraient des restrictions massives pour la population? L’approbation du souverain dans six communes est en tout cas loin d’être facile, comme on peut le voir à l’exemple du référendum sur la fusion.

Pour inciter le peuple à accepter la fusion, on lui a fait croire que la nouvelle commune de Visp, la deuxième plus grande du Haut-Valais, «gagnerait en importance, en réputation et en influence vis-à-vis de l’extérieur» (cf. le rapport de base du bureau Beratung, Planung und Treuhand AG Visp de Septembre 2010). Cette affirmation est absurde. Peut-être que l’affirmation selon laquelle une commune avec quelques milliers d’habitants supplémentaires gagne en réputation, en importance et en influence par rapport à une plus petite, vaut pour la bureaucratie de l’UE. Dans notre démocratie directe fédéraliste aux petites structures en tout cas, chaque commune a son importance et sa place en tant que la plus petite unité de l’ensemble. On devrait savoir maintenant que les petites collectivités permettent une meilleure construction identitaire, sont plus sociales et, par-dessus le marché, moins coûteuses que les grandes. C’est pourquoi elles jouissent du plus grand prestige.

Un non clair de toutes les six communes bourgeoisiales

Lors des référendums sur la fusion, outre les résultats du référendum de la commune municipale de Visp et de ses cinq communes voisines, on a aussi dépouillé les résultats des communes bourgeoisiales. Déjà au préalable, on s’est attendu à un refus de la fusion, ce qui s’est avéré largement juste: entre 61,5 et 91,96% des citoyens ont refusé la fusion des communes bourgeoisiales. Une union des communes municipales aurait conduit à la situation absurde que la grande commune aurait dû vivoter artificiellement à côté des six communes bourgeoisiales ancrées dans le peuple.

Dans le canton du Valais, les communes bourgeoisiales ont une importance particulière. Elles existent pour la plupart depuis le Moyen-Age et remplissent à côté des communes municipales depuis toujours des tâches fondamentales. La commune bourgeoisiale est définie dans la Constitution du canton du Valais du 8 mars 1907, article 80 en tant que collectivité de droit public, disposant de sa propre organisation avec une assemblée bourgeoisiale et un conseil bourgeoisial (exécutif).

L’assemblée bourgeoisiale composée de tous les citoyens de toutes les communes décida jusqu’il y a peu de la naturalisation de nouveaux citoyens. Aujourd’hui, elle est avant tout propriétaire foncière. Chacune des six communes bourgeoisiales concernées de la grande fusion échouée possède sa propre forêt, en partie ses propres Alpes et du vignoble. En conséquence, les citoyens ont droit à une part en bois et en vin. D’autres formes semblables de bourgeoisies existent dans divers autres cantons.

Qu’est-ce qui est le plus important pour les citoyens?

Dans les communes de Visp et ses voisines, ni les incitations financières cantonales ni l’espoir d’une baisse du taux d’impôt n’ont convaincu la population. Quelques habitants d’Ausserberg ont déclaré lors d’une émission à la radio le 31 janvier 2011: «Il y a des choses plus importantes que les impôts». «Je ne suis pas d’accord que le taux d’imposition détermine le Non ou le Oui de la fusion.» Un habitant d’Ausserberg pense que le pouvoir de disposer de l’eau revenant aujourd’hui aux communes, est le plus important pour la population montagnarde – on ne sait pas ce qui se passerait dans le cas d’une fusion. Le plus important serait pourtant que les habitants puissent conserver leur identité, leur vie villageoise et le caractère de leur village. «Je crois que nombreux sont ceux qui craignent de perdre leur identité, de ne plus être des Ausserbergeois, de n’être plus rien. […] Jusqu’ici, Ausserberg a toujours eu les pieds sur terre, ce serait vraiment difficile d’abandonner cette situation. C’est pourquoi nous disons non.»

Et les citoyens d’Ausserberg, comme ceux de Visperterminen et de Baltschieder ont dit «non» lors de la votation qui a eu lieu deux semaines plus tard.

La décision de fusions de communes doit rester l’affaire des citoyens

Dans le cas du projet de fusion de Visp, le canton du Valais a assuré aux communes participantes qu’aucune d’entre elles ne serait contrainte à une fusion contre le gré de la population. Cela devrait être évident dans une Suisse qui se caractérise par une démocratie directe, un fédéralisme accentué et une autonomie communale. Dans quelques cantons, le droit à des fusions volontaires de communes est ancré dans la constitution, par exemple à Schaffhouse et à Zurich:

Constitution du canton de Schaffhouse
Article 104

1 Toute fusion ou division de communes, ou toute cession de territoire d’une commune à une autre, requiert l’accord des communes concernées et l’approbation du Grand Conseil.

2 Le canton peut encourager les fusions volontaires de communes.

Constitution du Canton de Zurich
Article 84

1 La fusion de communes doit être approuvée par la majorité des votants dans chacune des communes parties au projet.

Dans d’autres cantons, comme au Tessin, dans les Grisons ou au Valais, le droit du gouvernement ou du parlement cantonal à intervenir dans un processus de fusion et à forcer, dans certaines conditions, diverses communes à fusionner contre leur gré – par exemple en raison de leur situation géographique ou financière – est stipulé depuis quelques années dans la législation cantonale. Les Lois cantonales sont certes légitimées par la volonté du peuple – puisque dans chaque canton on peut recourir au référendum contre un projet de loi et exiger ainsi une consultation populaire. Cependant, la possibilité du canton de forcer une fusion est très problématique. Etant donné les droits des citoyens empreints de la démocratie directe et de la grande importance de l’autonomie communale, de telles interventions de la part d’une instance politique supérieure sont un coup étranger dans la structure de l’Etat fédéral suisse. Le fait qu’une commune suisse puisse être contrainte par le parlement ou le gouvernement cantonal de fusionner avec d’autres communes, bien que la population ait dit non à sa propre dissolution lors d’un référendum, est un comble!

Les juges fédéraux sont conscients du fait que maintes fois une commune, qui ne veut pas s’incliner sous le dictat du canton mais lutter pour son indépendance, en appelle à eux. Dans quelques cas, le tribunal fédéral a protégé le droit d’autonomie des communes, dans d’autres – espérons contre son gré – il a décidé qu’une fusion forcée reposait sur le droit cantonal et était ainsi légale.

Votation consultative ou droit de décision politique?

Dans le droit public suisse, des votations consultatives n’existent qu’exceptionnellement, car le pouvoir législatif est dans les mains de la population. Dans les cantons qui prévoient dans leur législation une décision de fusion cantonale contre le gré du peuple, les consultations populaires deviennent des votations consultatives. Cela s’est déroulé par exemple le 30 septembre 2007: Les communes tessinoises, de Barbengo, Cadro, Carabbia et Villa Luganese ont voté sur une fusion avec la ville de Lugano. Cadro est la seule commune qui a refusé la fusion. Déjà avant le référendum, un groupe de citoyens a pu obtenir un jugement courageux émis par le Tribunal fédéral, qui est conforme à la compréhension de l’autonomie communale: Malgré la législation cantonale relative à une fusion, le Tribunal fédéral a valorisé plus fortement le droit des citoyens au respect de leur volonté politique.   

 

 

Décision du Tribunal fédéral du 9 août 2007

«I ricorrenti hanno il diritto a che la votazione consultiva, che di massima rappresenta l’unica possibilità attraverso la quale essi possono esprimere la loro volontà, rispetti il loro diritto di voto.» (pag.4, sotto)

«Les réclamants ont le droit que la votation consultative, qui est en principe la seule possi-bilité à travers laquelle ils peuvent exprimer leur volonté, respecte leur droit de vote.» (p. 4, en bas)