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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2015  >  N° 23, 14 septembre 2015  >  Sans fondement et bâti sur le sable [Imprimer]

Sans fondement et bâti sur le sable

Des réflexions hérétiques quant aux écoles comunautaires et au Plan d’études 21

mw. Les réformes scolaires, ce n’est pas de la tarte. On catalogue les connaissances en éducation de plusieurs générations de scientifiques comme «n’étant plus au goût du jour» et on les jette à la poubelle de même que les manuels respectifs. Les enseignants ne sont pas mieux lotis: celui qui se réfère à sa longue expérience pratique dans l’enseignement fait sourire et dans le pire des cas il est envoyé prématurément à la retraite.
«Il ne sait même pas que le savoir est si vite suranné qu’il ne vaut pas la peine de le mémoriser (à l’époque on appelait cela ‹apprendre›)!» Jamais entendu parler de la demi-vie du savoir? Donc plus d’apprentissage par cœur! Et pourquoi apprendre avec peine la table de multiplication ou l’orthographe alors qu’une pression sur le bouton livre les résultats corrects? L’enseignement en classe – faut oublier – finalement chacun sait googler seul. Et ce qui est génial dans l’apprentissage individuel: chacun trouve ses propres solutions, il n’y a plus de correct ou de faux à l’école. Chic, plus de cahiers corrigés, les élèves peuvent tout corriger eux-mêmes – à quoi sert la correction automatique des fautes? L’orthographe, on l’a prise à l’époque beaucoup trop au sérieux, aujourd’hui cela n’a plus d’importance, le plus important est que l’autre comprenne.
Après que divers trésors publics aient déjà investi des millions dans le Plan d’études 21 (Suisse) et dans les écoles communautaires (Bade-Wurtemberg) et que les enseignants soient obligés de suivre les formations continues respectives, un groupe d’experts vient de découvrir que les belles et nouvelles théories ne tiennent pas la route: «Ni la nouvelle forme d’enseignement de l’apprentissage autodirigé avec les enseignants comme facilitateurs, ni l’inclusion, ni l’encouragement particulier des plus faibles ou des doués ne réussissent.» Bien sûr tout est secret. Ce serait le comble que chaque citoyen ait son mot à dire! (Source: Heike Schmoll, Studie zur Gemein­schaftsschule, Schwäbisches Himmel­fahrtskommando, «Frank­furter Allgemeine Zeitung» du 17/8/15). Par conséquent, au Bade-Wurtemberg, on a hâte de lancer des recherches quant aux «nouvelles» formes d’apprentissage déjà introduites – un peu tard – n’est-ce pas? Cette étude est d’ailleurs mise sur pied par la même équipe qui a depuis longtemps fait la promo des écoles communautaires et de l’idéologie de l’apprentissage individuel dans les écoles «ouvertes». (www.erziehungswissenschaft.uni-tuebingen.de/forschung.html). Il reste à se demander s’ils sont vraiment objectifs.
Mais ne soyez pas si maniaque: ce qui importe est que le système scolaire existant soit aboli, plutôt aujourd’hui que demain. En Suisse, la plupart des programmes d’études existent déjà depuis 15 ans et sont par conséquent surannés, selon le président de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique alémanique. Imaginez ceci, des plans d’études de 2000, ils sont vraiment antédiluviens! Ce qui y est écrit est de toute façon sans importance!
Pour la mise en œuvre de ces projets monumentaux, le contribuable doit débourser d’autres millions – ou devons-nous dire des milliards? Pour la transformation ou la nouvelle construction d’écoles publiques avec des paysages d’apprentissage et des cabines individuelles; pour l’équipement en matériel et logiciels, pour la formation continue et le contrôle des enseignants (pour que personne ne persiste à l’enseignement en classe et à la «position des chaises apte à l’instruction directe»!); pour l’établissement, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes d’apprentissage et des tests à l’ordinateur, y compris le salaire des experts externes. Tous les tests dans tous les «domaines» (les «matières» n’existent d’ailleurs plus) vont bien sûr être faits à l’ordinateur pour tous les trois cycles du Plan d’études 21, dès la deuxième classe de l’école primaire. C’est logique: à l’avenir la communication ne se fera plus que par la voie numérique, il est donc bien que les tout petits apprennent déjà à appuyer sur le bouton qu’il faut ou à copier les contours d’un cercle ou d’un cadre sur l’écran avec le doigt. A partir du cercle numérique les petits peuvent établir un lien avec le cercle en carton – ou est-ce que ça va vraiment? Qu’en est-il donc des degrés de développement de l’enfant?
Laissons de telles réflexions mesquines car Bill Gates et d’autres personnes se souciant des enfants veulent finalement vendre leurs smartphones, tablettes, ordinateurs portables et autres: chaque enfant depuis l’école maternelle a sa propre tablette PC avec laquelle il peut créer sa propre réalité. Bertelsmann et d’autres entreprises sont prêtes à produire le grand nombre de logiciels d’apprentissage et de tests.
Et puis, quand tout marche dans le sens des réformateurs scolaires par la grâce de l’OCDE, il y a une expertise agaçante d’après laquelle rien ne fonctionne de ce qui est propagé plus haut … Alors l’idée suivante me passe par la tête: dans les Hautes écoles, on fait des études sur n’importe quel sujet. Mais quand il s’agit de savoir s’il est mieux pour nos élèves d’être guidés au sein d’une classe et en relation avec l’enseignant ou que chacun travaille seul sur son plan hebdomadaire – il n’y a dans ce pays pas d’études valables sauf celle qu’on garde sous clé au Bade-Wurtemberg. C’est pourquoi en Suisse un conseiller d’Etat peut dire que les plans d’études devraient être substitués parce qu’ils sont d’antan. Et c’est pourquoi nous devons nous appuyer toujours sur l’étude précieuse d’un chercheur de la Nouvelle-Zélande lointaine (John Hattie) parce que chez nous l’école est mise sens dessus dessous sans aucune preuves raisonnables. On se base sur des affirmations de l’OCDE n’ayant ni queue ni tête et chaque enseignant, chaque parent capable de réfléchir indépendamment et riche de sa propre expérience le sait pertinemment.
Eh bien, en Suisse on a heureusement la possibilité d’empêcher l’introduction du Plan d’études 21 dans les cantons. Au Bade-Wurtemberg il y a d’ailleurs un instrument semblable, le référendum (Bürgerentscheid), qui a été lancé avec succès par exemple à Rielasingen au sujet de l’établissement d’une école communautaire. Il est pourtant dommage qu’on n’ait pas atteint le quorum de 25% des votants – mais dans une démocratie les citoyens peuvent aussi franchir cet obstacle.     •