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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°35, 7 septembre 2009  >  L’UE nous prépare-t-elle le meilleur des mondes? [Imprimer]

L’UE nous prépare-t-elle le meilleur des mondes?

En Lettonie, on ferme des hôpitaux et des écoles

par Dieter Sprock

Du fait des attaques contre la Suisse – cette fois-ci menées sous prétexte de secret bancaire et de fiscalité – la discussion quant à une adhésion à l’Union européenne est relancée. Même au Parlement on entend des propos à ce sujet, avec comme argument que les attaques auraient été peut-être moins virulentes si la Suisse était membre de l’UE. Ces parlementeires oublient de dire que ces attaques avaient précisément pour but de rendre la Suisse mûre pour une adhésion, du fait que le «grand frère» de Bruxelles ne supporte plus le seul pays libre d’Europe, lequel de surcroît se porte mieux tant économiquement que socialement que ses vasseaux. Ils ignorent aussi le sort des petits pays qui se sont soumis à la centrale bruxelloise. La Lettonie en est un exemple marquant, ce pays qui passait jusqu’au début de l’année dernière pour un modèle du genre quant aux avantages d’une affiliation à l’UE.

Suite à l’adhésion de la Lettonie à l’UE, il y a cinq ans, les investisseurs étrangers y avaient vu un nouveau marché et déversèrent de l’argent dans ce pays, en premier lieu dans la construction et l’immobilier. Cette arrivée d’argent frais fit bondir la consommation, ce qui fit grimper les prix et les salaires. Ce furent surtout des banques scandinaves qui se lancèrent à la conquête de ces nouveaux pouvoirs d’achat en offrant des crédits à taux réduits. De nombreux Lettons s’empressèrent d’en profiter et achetèrent des appartements à crédit. Les paysans construisirent des fermes et des étables ultramodernes grace à des crédits avantageux de plusieurs millions d’euros. Cette façon légère des banques d’accorder des crédits favorisa les ventes spéculatives de la branche immobilière, apporta aux investisseurs du pays et étrangers de forts profits et fit grimper les prix des appartements.
Du fait de la crise, beaucoup de gens ne purent plus payer les intérêts des emprunts. Les prix dans l’immobilier tombèrent à plus de la moitié et la plus grande banque lettone, Parexbank, ne put être sauvée de la faillite que par la nationalisation. Ce qui fit grimper la dette publique du pays, à tel point que la faillite de l’Etat ne put être évitée que grâce à une injection du Fonds monétaire international (FMI). Aujourd’hui, la Lettonie est en ruine.

Le FMI et l’UE contrôlent l’administration du secteur public letton

Le crédit de 7,5 milliards d’euros, soit un tiers du produit brut intérieur, ne fut accordé qu’à la condition que le déficit budgetaire de la Lettonie ne dépasse pas 5%. Le gouvernement de Riga n’ayant pu atteindre ce but, le FMI bloqua en mars le paiement d’une tranche de crédit de 200 millions. Selon «Die Tageszeitung» du 14 août, «Etant donné le recul de l’économie de 18% au cours du premier trimestre 2009, et même de 19,6% au cours du deuxième, et de la diminution consécutive des recettes fiscales, le FMI et l’UE ont augmenté le plafond de déficit à 8%, mais ils ont mis le secteur public du pays sous la tutelle de leurs administrations». Le gouvernement ne peut plus prendre des décisions ayant un impact sur le budget de l’Etat sans avoir consulté le FMI et avoir reçu le feu vert de sa part. Afin de respecter les conditions imposées, on ferme des hôpitaux et des écoles, mettant au chômage des milliers d’enseignants et de collaborateurs du système de santé. Il est prévu de fermer 32 hôpitaux sur les 56 que compte le pays. Les 570 employés du plus grand hôpital de Riga, Rgas Pirma Slimnca, ont reçu leur lettre de licenciement, du fait de sa fermeture prévue pour la fin de l’année.
Du fait des coupes dans les budgets, certains salaires ayant été diminués de moitié, et de l’explosion du nombre de chômeurs, nombreux sont ceux qui ne peuvent plus se payer les médicaments nécessaires. A l’encontre des recommandations des médecins, nombreux sont les malades qui quittent l’hôpital, ne pouvant en payer les frais quotidiens de 18 euros leur incombant; il est même question de les augmenter à 50 euros. «Depuis juillet, toutes les opérations du cœur et des vaisseaux sont interrompues, dans la mesure où il n’y a pas de danger grave. Il en va de même des opérations des genoux et des hanches, à moins qu’on ait la possibilité de payer 10 000 euros.»
Chaque hôpital reçoit de l’Etat l’autori­sation pour un certain nombre d’opérations par mois. Lorsque ce quota est atteint, il n’y a plus d’opérations. Un fournisseur en gros de médicaments menaça certains hôpitaux de ne plus livrer de médicaments, du fait que le montant des dettes atteignait entre-temps 6 millions d’euros. Selon une étude du journal médical Latvijas, chaque mois 20 à 30 médecins quittent le pays. On les accueille à bras ouverts dans le reste de l’Europe. La rédactrice en chef du journal avertit que la compétence médicale est sérieusement mise à mal et l’avenir du système de santé gravement compromis.
Selon Gunta Ana de l’association faîtière des organisations de patients Sustento: «La Lettonie ne compte guère pour l’Europe. On nous abandonne et nous ne pouvons même plus prendre nos propres décisions. Nous avons écrit à l’UE pour lui signaler notre situation désespérée, mais n’avons reçu que des réponses vides de sens.»
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La Suisse a tout avantage à garder son indépendance, en ne se mettant pas sous la coupe de la dictature de Bruxelles. Même s’il fallait se serrer la ceinture – ce qui arrivera –, il est préférable de mener soi-même son propre destin.•