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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°8, 28 février 2011  >  Les tricheurs [Imprimer]

Les tricheurs

Quels sont les projets de l’Allemagne et de la Pologne pour l’Europe de l’Est?

km. Selon l’agence de presse allemande dpa du 19 janvier, le président de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, a accusé l’Allemagne et la Pologne d’avoir organisé un putsch contre son gouvernement: «Là [en Pologne et en Allemagne], on a élaboré des projets pour renverser l’Etat constitutionnel […]. Cela n’est pas une invention de nos services secrets.» Et réellement, il y a de nombreux indices concernant des émeutes planifiées longtemps à l’avance et de l’étranger dans le contexte des élections présidentielles de décembre 2010. L’agence de presse biélorusse les a publiés le 17 janvier sur son site anglais sous le titre «Behind the scenes of one conspiracy. Some declassified documents on the events of December 19 [«Derrière les coulisses d’une conspiration. Quelques documents rendus publics au sujet des événements du 19 décembre»] (http://news.belta.by/en/news/politics/?id=606616).
Il va de soi que les représentants des gouvernements polonais et allemand ne font pas preuve de la même franchise que Loukachenko. La chancelière allemande et le président polonais se sont rencontrés avec le président français, pour la première fois après une pause de 5 ans, le 7 février à Varsovie lors du sommet appelé «Triangle de Weimar». Dans le communiqué de presse du gouvernement allemand du 7 février, on peut juste lire ceci: «La chancelière allemande Angela Merkel a souligné à Varsovie le rôle important qu’occupe la Pologne concernant les relations avec les pays de l’Europe de l’Est. Selon la chancelière Merkel, l’Allemagne et la France ont l’intention d’approfondir la coopération de l’UE avec les voisins orientaux à l’aide de la Pologne. Elle a surtout mis l’accent sur l’engagement de la Pologne envers la Biélorussie et l’Ukraine.»
Tout dépend donc de la manière dont on interprète les déclarations officielles à la suite du sommet du «triangle de Weimar». Le chef du gouvernement polonais Tusk s’était amèrement plaint de la tentative de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel de forcer les pays membres sous le joug franco-allemand lors du dernier Sommet des chefs d’Etats et de gouvernements. Dès lors, la Pologne a été invitée à faire partie des pays dirigeants. «Les indices [pour la Pologne] d’adhérer au pacte de compétitivité des pays de la zone euro sont favorables», selon le communiqué de presse allemand mentionné plus haut. «Nous serions heureux si la Pologne faisait partie de ce groupe de pays», a déclaré Merkel lors de la conférence de presse du 7 février.
Dans ce communiqué de presse, on peut aussi lire: «Le président français Nicolas Sarkozy et le président polonais Bronislaw Komorowski ont souligné l’importance d’une coopération intensive dans le domaine de la défense commune. Komorowski a plaidé pour une intégration renforcée de la politique de sécurité et de défense.» Selon les propos du président polonais lors de cette conférence de presse, cet aspect constituera un élément central de la présidence polonaise de l’UE qui débutera le 1er juillet.
Sarkozy l’a épaulé en déclarant que «l’Europe ne peut pas se permettre de ne pas être vigilante dans un monde très instable et dangereux.» Il s’est montré très heureux «des efforts entrepris par la Pologne pour mettre en avant une Europe de la défense lors de sa future présidence».
Les intentions de la politique de défense polonaises visent pourtant la Russie. Ainsi est-il spécialement intéressant que le président polonais ait répondu à une question d’un journaliste qu’il avait l’intention d’inviter le président russe au prochain sommet du «triangle de Weimar». Le 8 février, l’agence de presse russe Ria Novosti a diffusé le texte suivant: «Première et plus grande surprise: le président polonais Bronislaw Komorovski a pour la première fois invité officiellement le président russe Dmitri Medvedev comme hôte du sommet.» Autrefois, il en avait été autrement: «La Pologne (surtout l’ancien président Kaczynski) avait instrumentalisé les rencontres [du «triangle de Weimar»] pour proclamer ses revendications éternelles contre la Russie et pour justifier son rôle primordial dans la politique orientale de l’UE.» L’agence de presse russe tente par la suite de présenter les faits dans le sens que la Pologne était seule au sein de l’UE avec sa position agressive envers la Russie. Cette façon d’expliquer les événements est motivée par des raisons diplomatiques, mais ne correspond pas à la réalité. La preuve en est la politique allemande actuelle. Il est plus qu’évident que les tentatives allemandes de «rattacher» la Biélorussie et l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN ne sont pas motivées par un penchant particulier pour les habitants de ces deux pays, mais qu’elles sont dirigées contre la Russie. Il est tout aussi évident que la Russie voit sa sécurité menacée par une telle politique.
Il reste à rappeler que, lorsque le mi­nistre des Affaires étrangères allemand von Ribbentrop et le ministre des Affaires étran­gères soviétique Molotov signèrent le Pacte germano-soviétique quelques jours avant le début de la Seconde Guerre mondiale et se jurèrent amitié et beaucoup d’autres choses, Adolf Hitler avait déjà planifié le projet «Lebensraum im Osten» [l’occupation de l’Europe de l’Est, ndt.] et organisé la guerre contre l’URSS. Il était un tricheur au service d’autrui. Il est très probable que les Russes le savaient, eux aussi. Où en sommes-nous aujourd’hui?    •