Attention aux spin doctors!

par Judith Barben*

Les manipulateurs savent depuis longtemps que de fortes émotions inhibent, voire rendent impossible la pensée claire et logique. Ils profitent sciemment de ce phénomène pour étouffer tout débat objectif. Cette méthode consiste à faire appel à l’affectivité. Il s’agit là d’une technique de manipulation psychologique visant par exemple à faire passer les débats du plan civique au plan purement affectif, où les arguments objectifs ne prennent plus.
C’est précisément cette tactique qui est utilisée dans la campagne actuelle en faveur de l’initiative sur les armes.
Des stratèges politiques, des «spin doctors», ont suscité une discussion artificielle sur le suicide et l’ont introduite dans le débat sur l’initiative. Sur un ton larmoyant, ils nous décrivent les souffrances atroces des familles d’un suicidé par une arme d’ordonnance. Ces images font appel au sentiment qui nous pousse à vouloir empêcher la souffrance. En réalité, on tente de nous attirer dans un piège émotionnel pour obtenir un Oui à l’initiative.
Cette argumentation absurde ignore complètement que selon l’Office fédéral de la statistique plus de 98% de tous les suicides ne sont pas commis par une arme de l’armée. Dans 98% des cas en Suisse, on a recours à d’autres armes ou méthodes.1 Le premier devoir des spécialistes et de la société tout entière est d’empêcher préventivement la souffrance morale.
Il faut s’opposer à l’appel à l’affectivité dans la discussion sur la question soulevée par l’initiative car il s’agit d’une tentative anti-démocratique de fausser le débat ci­vique. En fait, il s’agit de savoir si l’arme doit rester «entre les mains des militaires» et si l’honneur des soldats suisses et le dispositif de défense du pays doivent être préservés.     •

1    «17% de tous les suicides enregistrés par la police ont été commis à l’aide d’une arme à feu. Par ailleurs, il ressort de la liste des types d’arme que 9% de ces suicides par arme à feu ont été commis, selon les données communiquées par la police, au moyen d’une arme militaire.» Il s’agit donc de 1,53% de tous les suicides qui sont commis à l’aide d’une arme d’ordonnance. (www.ofs.admin.ch/ofs/portal/fr/index/news/03.html)

*    Judith Barben est psychologue et psychothérapeute FSP et l’auteure du livre «Les Spin Doctors du palais fédéral. Comment la manipulation et la propagande compromettent la démocratie directe», Editions Xenia, Vevey 2010.

© 2006, Current Concerns, www.currentconcerns.ch, Phone +41-44-350 65 50, Fax +41-44-350 65 51