Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°14/15, 10 avril 2012  >  Ce qui importe dans l’éducation [Imprimer]

Ce qui importe dans l’éducation

Le comportement vis-à-vis des besoins des enfants

par Anita Schächter

Le plus grand souci des parents est le souci que l’enfant trouve son chemin dans la vie.
C’est une satisfaction pour les parents de voir que leur enfant trouve des amis, ait du plaisir à aller à l’école, ait de l’empathie pour les autres, soit prêt à aider, sache se comporter de façon adéquate avec ses émotions et ses échecs. Bref qu’il ait de la compétence émotionnelle.
Comment introduire mon enfant dans la vie afin qu’il sache prendre sa place dans la vie.
Pour y arriver, l’enfant doit pouvoir développer le sens de son importance pour ses proches. En plus il doit apprendre à se mettre à la place de l’autre. Finalement, les parents ont intérêt à garder à l’œil les grandes lignes.

La nature sociale

Comprendre l’enfant veut dire le voir dans sa nature sociale, reconnaître qu’il est capable d’empathie. Et savoir que le fait de ressentir son importance pour ses proches le fait grandir.
Lorsque la volonté d’aider se développe chez l’enfant à partir de la conscience de sa propre importance, cette contribution restera ancrée dans son âme. Avoir conscience de sa propre importance et savoir: «Ma contribution est importante, on a besoin de moi.»

«Je suis important pour les autres!» – devenir le semblable de son prochain

Exemple: Le petit enfant de cinq ans qui aide sa mère à couper les carottes aime aider. Il veut sentir que sa participation est importante pour que tout réussisse. Les remerciements de sa mère – vrais et non exagérés – donnent à l’enfant le sentiment d’être vu dans ce qu’il fait et d’être apprécié.
Le désir de participer et d’aider ses proches est lié à la nature sociale de l’être humain. L’être humain avec ses sens, avec sa capacité d’apprendre la langue, est en rapport avec ses proches. Pendant ses premières années, il n’est pas capable de vivre seul. S’il ne recevait pas les soins et l’aide désintéressée des proches, il ne pourrait pas survivre. La capacité d’aimer est innée dans la nature humaine. Elle se développe avec l’expérience de l’empathie qui n’est pas liée à des conditions.
La joie désintéressée de la communauté se développe là où les êtres humains sont présents les uns pour les autres. Celui qui fait quelque chose pour son prochain et qui reçoit le geste du remerciement, a la certitude qu’il est bon de s’entraider. Il commence ses journées avec le sentiment: «C’est juste d’agir ainsi!» L’être humain ressent cette certitude dans les petites et grandes occasions, dans le déroulement de la vie parmi les êtres humains.

Apprendre à voir avec le cœur – le développement de l’empathie

Le deuxième composant important pour le développement des sentiments positifs envers son prochain ou le sens de la responsabilité, c’est la capacité de faire des réflexions sur un autre être humain, de ressentir ses émotions et ce qu’il lui faut: De quoi a besoin mon copain de jeux, ma mère, mon père, les frères et sœurs, qu’est-ce qui est nécessaire aux malades et aux personnes dans le besoin? Là, des échanges répétés avec l’enfant, mais aussi parmi les adultes, sont nécessaires pour rendre compréhensible la situation, les motifs de nos prochains. Toujours et à nouveau il est important de voir avec les yeux de l’autre, d’entendre avec les oreilles de l’autre et de sentir avec le cœur de l’autre. C’est ainsi que s’exprime Alfred Adler, le fondateur de la psychologie individuelle, de manière palpable et compréhensible. C’est ce qui est exprimé dans la notion de l’empathie et du sens communautaire. La formation de la capacité d’empathie doit rester éveillée aussi à l’âge adulte pour qu’elle ne soit jamais mutilée. Au contraire, au courant de la vie, elle devrait acquérir une forme de plus en plus mûre. C’est ce qui nous amène avec l’âge à être une personne avec l’expérience de vie sur laquelle les plus jeunes aiment s’appuyer, vers laquelle ils aiment se tourner lorsqu’ils ont besoin d’un conseil ou d’une aide.

L’amour à lui seul ne suffit pas – il faut une introduction pour savoir aider

Faire l’expérience de l’amour – aussi fondamentale et précieuse soit-elle – ne suffit pas à elle seule pour le développement de l’empathie. L’empathie et la compréhension ont besoin d’un apprentissage actif. Il faut reconnaître les premiers signes chez l’enfant et leur donner de la place pour que les sentiments positifs envers les proches, la serviabilité et l’amour du prochain puissent s’épanouir.
Tout cela peut se développer si les parents laissent participer leurs enfants aux travaux du ménage, au jardin, aux nettoyages et aux rangements. Ce qui est décisif, c’est que les parents donnent une place au sentiment de l’enfant d’être capable d’aider. L’enfant n’a pas besoin de grands mots, mais d’un sentiment de vraie joie et de gratitude pour l’aide effectuée. «Que c’est bien que la table soit déjà mise, ainsi nous pouvons tout de suite nous asseoir et commencer à manger.» L’adulte doit reconnaître le fond positif et la bonne intention. Avec la participation intérieure, on reflète pour l’enfant l’importance de l’aide effectuée. Ainsi l’enfant a la possibilité de se voir en tant qu’aidant et d’intégrer cette capacité dans son image de lui-même et de la consolider. Cette impulsion de participer, d’être responsable, l’accompagnera dans sa vie ultérieure.

Transférer de la responsabilité

Les parents doivent aussi transférer de la responsabilité à l’enfant, exiger qu’il se comporte de façon à faire du bien aux autres. («Va demander à papa s’il boirait bien une tasse de café.»)
Diana Baumrind a constaté que les enfants qui doivent accomplir des devoirs au ménage sont plus aimables et plus conciliants que les enfants qui n’ont pas de devoirs. La même chose est valable pour les enfants qui ont la responsabilité d’un animal domestique. Plus un enfant contribue au maintien de la vie de famille (c’est prouvé aussi dans des études comparatives interculturelles), plus il développe des sentiments positifs envers ses prochains. Des enfants par exemple qui doivent garder du bétail, prendre soin des frères et sœurs, développent plus d’empathie que des enfants qui n’ont pas eu l’occasion de prendre de la responsabilité. C’est le cas si l’enfant a pour seule tâche de ranger sa chambre. Le fait de ranger sa propre chambre n’éveille pas le sentiment chez l’enfant de contribuer au bien de la famille. Et c’est exactement ce qui est important pour faire grandir le sentiment d’importance, de responsabilité.

Le comportement vis-à-vis les besoins de l’enfant

Dans la génération actuelle de parents on peut reconnaître un changement, un motif préjudiciable pour le bien de l’enfant: Les parents mettent les besoins de l’enfant trop au centre de leurs efforts, et se font un devoir de maintenir ses humeurs dans le domaine positif, de garder la bonne entente avec lui et de refléter ses états d’âme.
On s’aperçoit que les parents font très attention aux besoins et aux états d’âme de leurs enfants. Si on veut savoir pourquoi, ils expliquent que c’est important pour le bien de l’enfant d’y prêter beaucoup d’attention. Cela se présente comme la certitude inébranlable qu’il s’agit là d’une orientation éducative juste. Avec ce leitmotiv les parents sont attirés dans un tourbillon qui leur fait perdre toute orientation vers une attitude éducative solide.
Etre à l’écoute de l’enfant ne veut pas dire combler tous ses besoins, cela ne veut pas dire servir ses états d’âme. Qui est-ce qui crée et assouvit les besoins dans notre société? Depuis longtemps, les besoins des enfants sont dirigés par la pub et les pressions de consommation par les groupes du même âge.
Le professeur de sciences politiques Zbigniew Brzezinski est le maître à penser parmi les stratèges globaux des USA. Il propage «the american way of life» comme bien d’exportation pour toute l’humanité: Un style de vie qui, dans les têtes des gens, a été lié à la liberté et à l’aisance. En réalité ce «way of life» sert les intérêts de moins de 5% de l’humanité, c’est-à-dire des plus riches des riches qui vivent au détriment de la majorité de la population mondiale, qui l’exploitent et la gardent dans l’ignorance. Dans son livre «Le grand échiquier», il fait l’esquisse d’une dominance mondiale et unilatérale des Etats-Unis, l’imposition des intérêts américains dans l’espace de l’Asie centrale. Dans son livre «Between two ages» il montre comment la manière de vivre des USA doit être implantée dans les têtes et les cœurs de l’humanité: Entre autre il se prononce, en se référant à Kurt Lewin, pour la satisfaction des besoins, pour l’orientation vers les besoins dans l’éducation.
La génération actuelle de parents s’est entièrement conformée à l’opinion que les parents doivent prendre au sérieux les besoins de leurs enfants. Ils ne ressentent plus aucune dissension concernant la véracité de cette ligne de conduite. Et ils agissent avec le sentiment de bien faire lorsqu’il s’agit de combler les besoins, mais aussi d’être à l’écoute des émotions de leurs enfants. Mais de cette manière ne se développent pas de jeunes citoyens capables de démocratie, qui seront capables de réfléchir aussi dans le sens de leurs concitoyens.
Une mère raconte qu’elle ne sait pas comment aider sa fille à se débarrasser de ses angoisses. Les angoisses de cette fille de six ans se seraient développées au cours de six mois de façon si intensive qu’elle ne voulait plus sortir de la maison lorsqu’il y avait des nuages. La mère attribue l’angoisse de Jara à un événement lors d’une excursion d’été où un violent orage avait éclaté soudainement et que finalement tout le monde avait trouvé refuge dans l’auto qui était garée sur un parking. Elle en tire la conclusion que cet événement a déséquilibré sa fille de façon si définitive qu’elle serait tellement envahie par la peur au point de refuser de sortir de la maison en voyant un seul nuage au ciel. Elle ne veut pas tourmenter sa fille par une réaction présumée fausse. Et donc elle est à l’écoute de toutes les émotions, états d’âmes et besoins de Jara. Qu’elle ait donné un faux signal et que toute cette compréhension puisse être pour sa fille la source de davantage d’angoisses encore, cette idée a surpris la mère. Cette réflexion est très importante: Les parents doivent, dans la relation avec leurs enfants, établir une hiérarchie, donner une orientation. Dans le comportement face aux émotions, il faut être sûr qu’une angoisse a un point de départ, mais aussi une fin, et que c’est nous qui apprenons à gérer les émotions, à les diriger. Il faut dans un certain sens une assurance osmotique des parents que la vie continue et qu’on se dirige ensemble vers de nouveaux devoirs.
D’où vient l’idée de la mère que les émotions et les besoins des enfants doivent toujours venir en premier lieu?
Assouvir les besoins des enfants veut dire renforcer dans l’esprit des enfants la ligne de conduite qui cherche à s’imposer sans évaluation. Un enfant qui s’oriente en première ligne d’après ses besoins devient facilement la proie d’autres forces comme les médias et l’industrie du divertissement. Il faut au contraire une bonne ration de conscience critique pour se trouver en équilibre avec sa propre vie et ne pas être dirigé par des intérêts extérieurs, et vivre en responsabilité avec son prochain et l’humanité.
Brzezinski aurait donné l’orientation pour la voie vers le siècle suivant en 1995, lors d’une invitation à Fairmont, devant 500 politiciens, dirigeants d’économie, scientifiques et représentants des groupes de médias de tous les continents. Deux notions ont alors été expliquées: la «société de 20/80» et le «tittytainment». Ce qui veut dire qu’à l’avenir uniquement 20% de la population seront nécessaires dans le processus du travail. Le reste, les 80% de la population mondiale – alors au chômage – devrait être maintenu tranquille par une forme moderne de la stratégie «du pain et des jeux». «Tittytainment» veut dire un divertissement assourdissant pour les 80% de la population mondiale frustrée, pour calmer ces gens exclus de l’aisance et du travail.
Abandonner nos enfants aux médias conduira à leur préparation pour qu’ils subissent passivement les dysfonctionnements politiques.
Les parents ont besoin de leur propre point de vue devant de telles questions concernant toute la société, afin d’être capables de protéger leurs enfants et de permettre leur entrée dans la vie responsable. Notre jeunesse est en danger d’être capturée par la littérature fantasy, les films violents, les jeux vidéo et le monde du sexe comme assouvissement égocentrique de ses besoins, et risque de l’accepter comme but unique dans la vie. Cette plongée de la jeune génération dans des mondes parallèles est programmée. Prendre un autre chemin dans notre comportement envers les enfants, c’est ce qu’il faut chercher. Si l’enfant est victime de ses besoins, il se laissera diriger. S’il apprend par contre à maîtriser ses émotions, il prendra le chemin d’une vie sous sa propre responsabilité. Si l’enfant apprend à évaluer ses émotions, il se sent indépendant et satisfait. Il commence à se donner des buts et à les poursuivre, il construit lui-même sa vie.     •
(Traduction Horizons et débats)