3e Conférence internationale de la revue COMPACT en collaboration avec l'Institut culturel russe de Paris Paix avec la Russie.En faveur d'une Europe souveraineIntervenants (entre autres): «Le peuple allemand veut vivre en paix et en harmonie avec tous les Etats et tous les peuples en Europe et dans le monde»Interview de Willy Wimmer* à l’occasion de la prochaine Conférence de paix à BerlinHorizons et débats: La revue «Compact» organisera le 22 novembre une conférence internationale intitulée «Paix avec la Russie». Monsieur Wimmer, vous êtes un expert en sécurité, politiquement engagé, bénéficiant d’une large expérience internationale. Pourquoi a-t-on besoin, près de 25 ans après la fin de la guerre froide, d’une conférence affichant un tel thème? Willy Wimmer: Les circonstances dans lesquelles cette conférence importante aura lieu sont déjà catastrophiques. Nous croyons vivre dans un pays libre, permettant à tout un chacun de vivre à sa façon, libre d’exprimer ses opinions. Cette conférence, qui prévoit la participation d’un millier de personnes, prend presque un caractère de «samizdat», car, comme l’année dernière à Leipzig, des «terroristes de la pensée conforme» s’efforceront d’en empêcher la tenue. Comment voyez-vous la politique actuelle de la Russie face aux Etats-Unis, à l’OTAN et à l’Union européenne? La Russie a dû réaliser, suite à la réunification de l’Allemagne et la fin temporaire de la division de l’Europe, qu’on ne peut parler ni de la «maison commune européenne» ni de la prise en compte appropriée du plus vaste pays au monde. Il y a toujours et encore un «fil rouge» dans la politique occidentale envers la Russie: ou se faire piller ou la soumission totale. Si les Russes ne se laissent pas faire, ils seront exclus de l’Europe. En mai 2000, la fameuse Conférence de Bratislava a brutalement dévoilé ce fait. Les Etats-Unis nous considèrent comme une «région européenne» et nous tiennent sous contrôle, à l’aide des pays baltes, de la Pologne et de l’Ukraine, pour empêcher tout échange libre avec la Fédération de Russie. Les dirigeants de Washington ne cachent pas que les sanctions, prises récemment à l’égard de Moscou, ont pour but de tenir en laisse l’UE. Ce qui veut dire qu’on décide de notre politique économique alors même que les chiffres de la croissance sont en baisse. Quelles sont les raisons profondes de la politique des Etats-Unis, de l’OTAN et de l’UE contre la Russie, et notamment contre son président Vladimir Poutine? Il y a quelques décennies, les Etats-Unis pratiquaient une autre politique. Toutefois, lorsqu’il y a quelques semaines, l’ancien président des Etats-Unis Jimmy Carter a déclaré que les Etats-Unis n’étaient pas une vraie démocratie, ce fut révélateur pour l’Europe. Les Etats-Unis ont laissé une traînée de sang dans notre région et chez nos voisins. Il fut un temps où l’on estimait que «les démocraties ne mènent pas de guerre». Donc de deux choses l’une, ou bien les Etats-Unis avec leur OTAN ne sont plus une puissance démocratique et la «communauté de valeurs» de l’OTAN n’existe plus, ou bien ils apportent depuis 1999 la preuve que ce sont uniquement les démocraties qui mènent les guerres. Ils exigent de la Russie une capitulation sans condition et nous autres Allemands savons ce que cela veut dire, depuis Guillaume II et la propagande anglo-saxonne déchaînée contre lui et donc contre le Reich allemand. Quelles sont les répercussions de cet état de fait pour l’Allemagne? Cela apparaît clairement en observant ce qui se passe. Selon la bonne pratique diplomatique le président de l’Allemagne rend, dès qu’il est élu, visite à nos voisins. Il va de soi qu’une visite à Moscou en fait partie. Il ne faut pas oublier que ce président ne le serait pas sans Michael Gorbatchev et Helmut Kohl. Toutefois, une telle visite n’est pas juste un plaisir personnel, mais bien un devoir. Nous voulons vivre en paix et en harmonie avec les Russes et nous l’exigeons de lui. Mais c’est une erreur, car l’agenda de Gauck n’est pas celui du peuple allemand, peut-être plutôt celui de quelqu’un d’autre. Ainsi sait-on à quoi s’en tenir. Celui qui rêve d’un conflit avec la Russie n’a pas connu mon expérience d’un conflit conventionnel et atomique en Europe dans le cadre d’un important exercice de l’OTAN en 1989. En tant que ministre de la Défense lors de cet exercice, j’ai prié le chancelier Helmut Kohl de quitter cet exercice. Ce qu’il a immédiatement accepté. Il n’y avait rien à défendre dans cet exercice, ni en Allemagne ni en Europe. De plus, les protocoles additionnels de l’accord de Genève de la Croix-Rouge, accordent clairement la possibilité d’utiliser des armes nucléaires sur sol allemand, en conformité avec le droit international, alors que c’est interdit sur le territoire de la France (cf. encadré). Que faut-il, à votre avis, pour obtenir une désescalade de ce nouveau conflit est-ouest? Que pourrait, que devrait entreprendre l’Allemagne? Nous devons mettre un terme aux agissements des va-t’en guerre – y compris dans les médias. Afficher notre sens civique pour ne pas nous enfoncer dans la rigidité et l’impuissance. Oser davantage de démocratie, comme l’avait réclamé Willy Brand à l’époque. Monsieur Wimmer, nous vous remercions de cette interview. • (Interview réalisée par Eva-Maria Föllmer-Müller et Karl Müller) * Willy Wimmer fut député de la CDU au Bundestag de 1976 à 2009. Il fut le porte-parole du groupe parlementaire de la CDU/CSU pour les questions de la défense. Il fut secrétaire d’Etat au ministère fédéral de la Défense et vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. En 2014 parut son livre, rédigé en commun avec Wolfgang Effenberger, intitulé «Wiederkehr der Hasardeure: Schattenstrategen, Kriegstreiber, stille Profiteure 1914 und heute», ISBN 978-3943007077. Sacrifier l’Allemagne à la guerre nucléaire?km. De 1974 à 1977, une conférence a tenu ses assises à Genève afin de continuer à développer le droit humanitaire face aux conflits armés. Cette conférence a adopté deux Protocoles additionnels aux Conventions de la Croix-Rouge de Genève de 1949. Dans le premier Protocole additionnel, on a défini les règles s’appliquant aux conflits armés internationaux servant à la protection de la population civile et de l’environnement naturel. Les belligérants doivent, conformément à l’article 57 du protocole additionnel, «s’abstenir de lancer une attaque dont on peut attendre qu’elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et immédiat attendu». |