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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°12, 25 mars 2013  >  Le débat sur l’introduction d’une armée de métier en Autriche, analysé du point de vue du parti socialiste (SPÖ) [Imprimer]

Le débat sur l’introduction d’une armée de métier en Autriche, analysé du point de vue du parti socialiste (SPÖ)

Le socialisme autrichien s’est toujours prononcé, depuis sa création, en faveur de l’obligation générale de servir. Déjà lors du Congrès d’unification du parti de 1889/90, dans le «Programme de Hainfeld», on exigea que le peuple soit armé et on déclara à juste titre que les armées permanentes sont un instrument exclusif de la bourgeoisie régnante.
Le socialisme autrichien a toujours refusé une armée de métier, particulièrement depuis le 12 février 1934 lorsque le monde ouvrier et ses organisations furent combattus par les armes des austro-fascistes sous la direction du chancelier Dollfuss à l’aide d’une armée de métier composée d’anciens officiers de l’empire et de jeunes éléments venus de la noblesse. Une armée qui n’hésita pas à utiliser l’artillerie lourde contre les bâtiments communaux et les habitations des ouvriers.
De plus, le parti socialiste participa à l’élaboration du traité d’Etat définissant la neutralité autrichienne par la Loi sur la neutralité de 1955. Celle-ci s’avéra, dans les années 60, 70 et 80, être un excellent moyen pour mener une politique extérieure et pacifique active et souveraine en mettant l’accent sur le maintien d’un équilibre entre les Etats. Qu’on se souvienne de personnalités telles Bruno Kreisky, Erwin Lanc et quelques autres.
Ainsi, fut souligné pendant des décennies le caractère défensif de l’armée autrichienne dirigé aussi bien vers l’Est que vers l’Ouest. Il y eut toutefois un retournement complet à partir de l’effondrement des régimes des pays de l’Est, la fin de l’URSS et l’intégration croissante de l’Autriche dans l’UE. On s’intégra pas à pas dans les structures militaires de l’UE. L’Autriche entra dans le «Partenariat pour la paix de l’OTAN». On modifia dans le secret des lois en portant ainsi atteinte à la neutralité. Toutefois nous restions formellement neutres et avons refusé en 1999 le survol du pays aux avions de l’OTAN vers la Yougoslavie.
Cependant l’intégration militaire et la militarisation de l’UE augmentèrent d’année en année. C’est dans ce contexte qu’il faut voir le débat en vue de la suppression de l’obligation de servir et de la mise sur pieds d’une armée de métier. Il s’agit de préparer l’armée autrichienne aux besoins impérialistes de l’UE afin de pouvoir sans détour entreprendre des engagements militaires hors du pays sur la base de «mandats robustes». A cela, il faut ajouter une méchante blague du maire de Vienne, Michael Häupl, juste avant les élections communales de fin 2010. Espérant attirer les voix des jeunes gens, il se déclara ouvertement en faveur d’une armée de métier, ce qui supposait la fin de l’obligation de servir. Ce fut la violation d’un tabou pour beaucoup de socialistes traditionnels. Quelques jours plus tard, le ministre socialiste de la défense, Darabos, prit la même position à l’encontre du programme du parti en vigueur. Finalement, les partis gouvernementaux, soit les socialistes (SPÖ) et les bourgeois (ÖVP), convinrent de soumettre la question au peuple. Le résultat devait engager les deux partis.
De nombreuses organisations de la base et certaines structures du parti socialiste ne purent s’aligner sur la nouvelle ligne des dirigeants du parti et décidèrent des résolutions, demandant à la population de se prononcer en faveur de l’obligation générale de servir lors du référendum du 20 janvier 2013.
Voici, en tant qu’exemple, la résolution de la section 3 du SPÖ de Schwechat (cf. encadré).
Le référendum du 20 janvier 2013 fut gagné par les partisans de l’obligation de servir de toutes les orientations politiques et pour diverses raisons par 60% contre 40%. Les sondages entrepris après la votation ont montré que 57% des personnes ayant soutenu l’obligation de servir s’étaient décidés ainsi parce qu’ils voyaient un lien direct entre «une armée de métier et le renoncement définitif à la neutralité». Cela a été très positif et ouvre des perspectives politiques.

David Stockinger, président de la section 3 de l’SPÖ de Schwechat et membre de la présidence du parti municipal,
porte-parole du mouvement «Sozial­demokraten gegen ein Berufsheer»

(Traduction Horizons et débats)

Résolution du 20 novembre 2012

Séance du comité de la section 3 du SPÖ de Schwechat, tenue le 20/11/12 au centre du SPÖ de Schwechat. Décision unanime.

Résolution

Déclaration en faveur de l’obligation générale de servir.

Nous, la section 3 du SPÖ de Schwechat, nous déclarons en faveur de l’obligation générale de servir et refusons une armée de métier, de professionnels, de volontaires ou quel que soit le modèle alternatif à l’obligation générale de servir, pour les raisons suivantes:
Seule l’obligation générale de servir garantit une mixité sociale au sein de l’armée. Les expériences d’autres pays, mais aussi la part des membres professionnels de l’armée autrichienne démontrent que dans une armée de métier la moyenne de la population (masculine) du pays n’est pas représentée et que cela amènerait une distorsion sociale et politique dans l’armée autrichienne. Une armée de métier présente toujours le danger de voir se former des groupes d’extrême droite, de fanatiques des armes et autres éléments néfastes, ce qui est démontré par les pays ayant une telle armée.
Renoncer à l’obligation générale de servir revient à rapprocher encore plus l’Autriche des structures militaires de l’UE. L’Autriche met déjà des troupes à la disposition des «groupes de combat» de l’UE. Ces dernières doivent, selon les vœux des stratèges militaires de l’UE être développées en tant que troupes de combat, voire en une armée européenne. Hannes Androsch, le directeur du comité des personnes en faveur d’une armée de métier, estime qu’une telle armée est plus compatible et plus souple pour des engagements à l’étranger. Selon lui, il s’agira à l’avenir de missions pour la protection de la fourniture en matières premières et de différentes ressources, ainsi que la protection des voies de transports qui doivent avoir lieu dans le cadre de l’UE et en coopération avec l’OTAN. C’est justement ce qui nous paraît inquiétant du point de vue de la neutralité! Les soldats autrichiens ne doivent pas être soumis au commandement de l’UE ou de l’OTAN pour des engagements à l’étranger dans l’intérêt économique des grandes puissances de l’UE. Au contraire! La social-démocratie doit s’engager pour faire revivre une véritable politique de neutralité et s’orienter pour cela à la politique extérieure menée par Kreisky. Cela avait été un grand avantage pour l’Autriche.
On peut aussi se demander qui contrôle une armée. Tant une armée avec obligation générale de servir qu’une pure armée de métier doit être soumise aux institutions démocratiques du pays. Mais laquelle se prête le mieux à la défense de la démocratie, des droits humains et du droit? L’histoire nous a démontré que ce n’est le cas que de l’armée de milice avec obligation générale de servir. Ce ne fut pas un hasard que le parti socialiste ait exigé dans son «Programme de Hainfeld» en 1889 «la suppression de toute armée de métier et l’armement général du peuple». Le 12 février 1934 n’aurait certes pas connu une fin aussi dramatique si le monde ouvrier ne s’était pas trouvé face à une armée de métier. C’est précisément dans la période actuelle où l’Europe se trouve à un tournant dangereux en ce qui concerne la société, où le fossé entre riches et pauvres se creuse et que les conflits politiques sont en passe de se durcir, qu’une situation semblable à celle des années 30 peut se présenter. Dans un système de l’obligation générale de servir, on est à peu près sûr qu’il y a une relation entre la population et l’armée, du fait que dans chaque famille, il se trouve des personnes ayant accompli leur service militaire. Ces liens n’existent pas dans une armée de métier.
Il est vrai que nous vivons dans une Europe pacifiée et qu’on peut espérer que les phénomènes guerriers appartiennent au passé. Mais il est vrai aussi qu’on s’était écrié en 1918 «Plus jamais la guerre!» ce qui n’empêcha pas l’Europe de se retrouver, 20 ans plus tard, dans la pire guerre de tous les temps. Personne ne peut donner la garantie que la situation actuelle perdurera, selon nos vœux. Pour une défense étendue du pays, c’est tout de même une armée de milice qui se prête le mieux, ne serait-ce que du fait de son importance en personnel, au contraire d’une pure armée de métier.
Nous saluons la décision du SPÖ de Basse Autriche de ne pas donner de mot d’ordre dans le référendum en faveur d’une armée de métier et de laisser liberté de vote aux membres et aux fonctionnaires.
La section 3 du SPÖ de Schwechat exige donc:
•    Le maintien de l’obligation générale de servir comme modèle pour l’avenir.
•    La réforme de l’armée autrichienne pour la rendre plus attrayante pour les conscrits et accroître son efficacité.
•    Un engagement du parti socialiste pour réanimer une politique de neutralité sérieuse de l’Autriche.
•    Nous appelons les membres de la section 3 de la SPÖ de Schwechat à voter, dans le sens de cette résolution lors du référendum du 20 janvier 2013, en faveur de l’obligation de servir et contre une armée de métier.
Envoyé au comité du parti de la commune de Schwechat, au comité du parti du district et à l’organisation provinciale de Basse Autriche de l’SPÖ, afin d’en prendre connaissance et d’agir dans le sens de cette résolution.
(Traduction Horizons et débats)