Armée suisse: abandonner la prédominance dangereuse des questions financièresConclusions des rencontres de Lilienberg sur la politique de sécurité et l’armée en 2012hd. Sous le titre: «La politique de sécurité doit à nouveau être un sujet de discussion!», la «Fondation Lilienberg – forum d’entrepreneurs» a publié un excellent dépliant concernant l’état actuel de notre armée. Il comprend aussi l’urgence et l’obligation d’agir des différentes collectivités de notre pays. «La politique s’est accommodée du fait que depuis plus de vingt ans, on prive l’armée de moyens!» Cette phrase a été prononcée par le conseiller fédéral Ueli Maurer, chef du DDPS, à l’occasion des entretiens sur l’armée, le 15 novembre 2012 au Lilienberg. Situation de menace diffuse – sensibilisation aux problèmes de sécurité modifiéeOn cite avant tout l’absence d’une image de l’ennemi, respectivement de la menace, pour justifier cette évolution: «Nous sommes encerclés par des amis» est le bon mot d’esprit préféré qu’on cite dans ce contexte, mais il est extrêmement superficiel. Il est certainement hors de doute que la situation de politique de sécurité se présente actuellement de façon différente que durant la guerre froide et l’attitude menaçante d’alors d’un ennemi clairement identifiable. Mais ça ne signifie aucunement qu’il n’y a plus de menaces. Au contraire: il y en a, et elles sont diffuses et variées. Et c’est précisément ça qui rend la discussion sur le sens de la défense nationale, l’organisation et l’équipement de l’armée certes difficile, mais d’autant plus importante. De plus la perception de la menace s’est modifiée dans de larges couches de la population. De nouvelles peurs et besoins ont remplacé les anciennes idées: la peur de la manipulation des données et leur sabotage (cyberguerre), les catastrophes naturelles, les accidents nucléaires, le chômage, la criminalité et la violence quotidienne occupent aujourd’hui l’esprit de la plupart des gens – donc exclusivement des domaines pour lesquels l’armée, dans son rôle classique de défenseur du pays, n’est ni compétente, ni même apte. Cependant, cela ne semble vrai qu’à première vue: il échappe à l’imagination de beaucoup que l’armée, en tant que seul moyen de pression et dernière réserve de la Confédération, doit être engagée contre toutes ces peurs et ces menaces. Celles-ci se combinent d’ailleurs presque autant que l’on veut avec des troubles sociaux, des flux de réfugiés et des activités terroristes de toutes sortes. On pourrait aussi le formuler différemment: la sécurité est devenue une chose allant tellement de soi qu’on oublie qu’en tant que garante de liberté et de bien-être, elle doit constamment être conçue, soignée et si besoin défendue – ce qui a évidemment un coût! Il manque une politique de sécurité complète et compréhensibleQue cette perception insuffisante soit tellement dominante dans notre pays et qu’elle caractérise la soi-disant discussion de politique de sécurité dépend de plusieurs facteurs. Il n’y a pas, dans notre pays, de débat fondamental sur une politique de sécurité générale, complète et facile à comprendre, ni sur une saisie adéquate, moderne et apte à envisager l’avenir de notre armée. Mais dans notre mode de plus en plus globalisé, il manque aussi une discussion fondamentale sur les intérêts et les buts de la Suisse. En tant que petit Etat, nous ne pouvons simplement plus nous permettre ce manque dans un monde de plus en plus concurrentiel où l’on ne se fait pas de cadeaux! Le Conseil fédéral ne semble pas en être vraiment conscient. Cette observation s’accompagne de la constatation que nous n’avons pratiquement plus, dans notre pays, de politiciens de sécurité renommés et que la politique de sécurité n’a pas de lobby fort. Inquiétude profonde et perte de confianceCe vide grave et les sempiternelles disputes gonflées par les médias à propos de détails organisationnels et techniques, ainsi que la tactique du chef du DDPS, accompagnée par une communication déficiente, ébranlent la population et avant tout les nombreux hommes et femmes qui font de leur mieux pour assumer de façon crédible leur rôle dans l’armée. Action d’urgence – de qui l’exige-t-on?
Le Conseil fédéralLe Conseil fédéral doit enfin percevoir sa responsabilité dirigeante en politique de sécurité et lancer un débat sur les intérêts stratégiques et les buts de la Suisse, c’est-à-dire sur une politique de sécurité complète et compréhensible qui mérite son nom. De plus, le Conseil fédéral doit mettre un terme à son indigne dispute avec le Parlement sur le dos de l’armée, sur l’argent, les compétences et les priorités (par exemple celui qui se rapporte au mégaprojet du «développement futur de l’armée»). Le ParlementLe Parlement doit s’obstiner à maintenir ses droits et exiger du Conseil fédéral d’être informé de façon complète des conséquences des différentes variantes pour le budget de l’armée. Par ailleurs, le Parlement doit s’en tenir à ses décisions de l’automne 2011 (par exemple le plafonnement des dépenses à cinq milliards de francs) et il doit s’engager en faveur d’une politique financière qui garantisse à l’armée la sécurité de planification. Le chef du DDPSLe chef du DDPS est souvent en première ligne et à de nombreuses occasions, il s’engage de façon crédible en faveur d’une armée forte. Il est souvent bien seul au sein de son autorité collégiale et il doit alors se comporter de façon très tactique. Ce comportement ne doit pas entraîner une stratégie de communication précipitée et malheureuse qui augmente encore le désarroi – même chez les amis de l’armée! Le commandement de l’arméeLe commandement de l’armée doit se présenter de façon unie dans le sens d’une loyauté vécue et éviter les initiatives individuelles de quelques généraux. En outre, il doit rendre crédible son travail dans l’armée et concernant celle-ci de façon à ce que la population puisse renforcer sa confiance en cette institution et que les personnes accomplissant leur service maintiennent leur motivation élevée et leur bonne volonté dans l’engagement. L’économieL’économie doit reprendre enfin conscience que la sécurité signifie un énorme avantage pour le site de production suisse – et que cette sécurité a un prix. L’économie doit donc contribuer à la garantie de la sécurité, surtout par une attitude bienveillante envers les collaborateurs devant faire leur service militaire et particulièrement envers ceux qui veulent aussi se mettre à disposition pour la formation de cadres dans l’armée. Organisations en faveur de l’arméeLes sociétés en faveur de l’armée doivent prendre conscience qu’actuellement, elles sont les seuls vrais lobbys pour une politique de sécurité crédible. Il faut donc renforcer leur collaboration, resserrer leurs rangs afin qu’elles puissent se présenter unies, comme c’est actuellement le cas dans la lutte contre l’initiative du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). Elles doivent par ailleurs rechercher une information objective et transporter la discussion sur la politique de sécurité à l’intérieur de la population et des partis, afin que ceux-ci soient motivés à mieux s’occuper de ce sujet. Conclusion: La politique de sécurité doit obligatoirement être remise à l’ordre du jour!
En résuméLa garantie de la sécurité est une tâche centrale de l’Etat. La sécurité est aussi un avantage pour le site économique suisse. C’est pourquoi notre pays doit formuler une politique de sécurité complète et facilement compréhensible, accompagnant les intérêts et les buts stratégiques de la Suisse. Alors seulement on pourra discuter d’une conception de l’armée objective, moderne et pleine d’avenir. Les réflexions financières doivent jouer un certain rôle, mais elles ne sauraient être la force motrice. Seule cette façon de procéder mènera à plus d’objectivité, de crédibilité et de confiance en les institutions chargées de notre sécurité. • A commander chez: |