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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°4, 28 janvier 2012  >  Test de résistance dans des centrales nucléaires de l’UE [Imprimer]

Test de résistance dans des centrales nucléaires de l’UE

La sécurité entre prétention et réalité

par H.W. Gabriel, ingénieur

bha. La destruction de trois réacteurs à Fukushima a apparemment contraint les responsables de la politique nucléaire en Europe, à répandre des informations apaisantes pour la population. La Commission européenne a fait entre autres élaborer un rapport1 sur les soi-disant «stress tests» (tests de résistance) des centrales nucléaires. Ce rapport nous a été présenté début octobre 2012. Après la lecture de ce rapport, des doutes sérieux restent pourtant quant au fait de savoir si, dans l’avenir, après des accidents nucléaires, les risques pour la population sont vraiment écartés. Le terme de sécurité – dès qu’il s’agit de la grande technologie – devrait d’abord être précisément défini et ne devrait pas laisser libre cours à des possibilités d’interprétation subjectives. Jusqu’alors, la fusion du cœur du réacteur ne figurait pas parmi les accidents possibles. On considérait la sécurité de la centrale nucléaire garantie au cas où on pouvait pallier à la rupture d’un système de conduites. Ça serait le GAU – l’accident maximal prévisible.
Contrairement à cela, l’économie des assurances tient compte de la fusion d’un cœur de réacteur, ce qui signifie un accident maximal prévisible dans une centrale nucléaire. Jusqu’aujourd’hui, toute assurance refuse d’assurer les conséquences d’un accident maximal prévisible. Le montant à assurer dépasse le volume financier de toute société d’assurance, aussi grande soit-elle.
Il va sans dire que la radioactivité accumulée lors de la fission de l’uranium présente le thème principal de la problématique de sécurité. S’il s’agit de transports à Gorleben, de stockage provisoire ou final, des taux croissants de cancers et de leucémies, de poissons et de nourriture pollués, c’est toujours aussi la quantité dégagée de radioactivité avec son potentiel dangereux pour la santé et l’environnement qui est discutée. C’est l’occasion de mentionner le Deutsche Museum à Munich qui renvoie, dans la rubrique de la fission de l’uranium par Otto Hahn, à un fait intéressant: En ce qui concerne la problématique de la fission de l’uranium, on n’a pas été assez vigilant et l’on n’a pas suivi de plus près, en 1932, une indication sur la fission du lithium – la fission du lithium en hélium se fait sans dégagement de radioactivité.
Reste la question de savoir pourquoi l’UE ne poursuit pas une politique d’énergie nucléaire innovatrice.

1. Les objectifs et la mise en exécution des tests de résistance

Le «stress test» vise à la «réévaluation ciblée des marges de sécurité des centrales nucléaires à la suite des leçons qu’on a tirées des événements de Fukushima (3/2011)». Il s’agit là d’événements naturels extrêmes qui peuvent endommager les fonctions de sécurité des centrales nucléaires.
Grâce aux évaluations approfondies des risques et de la sécurité des centrales nucléaires, on veut dès aujourd’hui arriver à «écarter le danger dans une mesure exceptionnelle».
Une équipe d’experts des Etats membres et de la Commission européenne a analysé 132 centrales nucléaires, en service ou désaffectées, à 58 endroits différents de l’UE. La Suisse, l’Ukraine et la Croatie ont suivi les analyses.
Le 4 octobre 2012, le rapport final de la commission COM (2012) 571 final a été remis aux Conseil et au Parlement européens contenant des recommandations d’améliorations SWD (2012) 287 final.

2. Que veut dire «stress» et qu’est-ce qu’on entend par «tests»?

«Stress» est un terme inventé en 1936 par Selye désignant un modèle général de réaction que montrent les animaux et les êtres humains en réponse à des situations mettant les nerfs à l’épreuve: la sécrétion d’adrénaline, l’hypertension, des ulcères à l’estomac et des crises cardiaques peuvent en être les conséquences. En principe, les facteurs stressants sont guérissables par des thérapies appropriées. L’emploi du terme «stress» dans le contexte des centrales nucléaires nous suggère-t-il «l’écartement possible de dangers physiques élevés par des tremblements de terre»? La guérison possible d’une maladie nous suggère-t-elle aussi la guérison possible de trois fusions du cœur du réacteur? Est-ce qu’on n’aurait pas dû employer le terme, moins embellissant, mais plus réaliste de «crash-test» (essai de collision)?
Le «test» d’un véhicule concernant sa fiabilité et sa sécurité demande au testeur de «conduire». Evaluer un véhicule visuellement, y monter ou demander l’avis d’un tiers ne représentent pas un essai.
La visite d’une centrale nucléaire d’une journée seulement, par des testeurs ne peut apporter que ce qu’on sait déjà ou ce qu’on nous en dit.
Jusqu’aujourd’hui, dans aucune centrale nucléaire, aucun expert indépendant pour la sécurité nucléaire n’a été mis en place. C’est pourquoi le stress test de l’UE démarre par l’auto-évaluation effectuée par les gérants des centrales nucléaires.

3. Considérations critiques des résultats

Une réévaluation ciblée des marges de sécurité et l’écartement des dangers dans une mesure jusqu’ici unique supposent qu’on aurait dû examiner les problèmes survenus à Fukushima de façon approfondie dans le cadre des centrales nucléaires de l’UE:
a) définition imprécise des influences/charges dont il faut tenir compte
b) conception technique fautive des réacteurs face à la fusion du cœur du réacteur et la panne de l’enceinte de confinement,
c) systèmes de réserve insuffisants,
d) défaillance humaine,
e) manque de plans d’urgence efficaces,
f) communication imparfaite au plan national et international.
Les considérations en matière de sécurité présentées par la commission étaient connues parmi les experts depuis des années. Seulement, c’est la première fois qu’on les a fixées par écrit pour en informer le Conseil de l’UE. (C’est aussi déjà un certain progrès.)
Prenons comme exemple le temps de fonctionnement des générateurs diesel pour le refroidissement en cas d’urgence durant moins d’une heure dans quelques centrales: le petit volume des réservoirs diesel et la consommation de diesel pouvaient aussi amener les autorités de sécurité à calculer le fonctionnement trop court.
Ce qui reste important à retenir toutefois c’est la définition imprécise des accidents dont il faut tenir compte et leur effet sur la centrale nucléaire.
Les recommandations visant à prendre des mesures en cas de tremblements de terre de 0.1 g (un dixième de l’accélération de la pesanteur), la crue maximale des derniers 10 000 ans, la défaillance des fonctions de sécurité pendant une heure (sans intervention humaine) sont courageuses, mais impossibles à remplir par beaucoup de centrales nucléaires en service.
La plupart des centrales nucléaires en service sont conçues selon le principe de l’«accident maximal prévisible» (GAU). Ce qui était «prévisible» a été négocié jusqu’alors sans base légale, bien que les principes essentiels de la protection de la vie et de la santé soient concernés: ils devaient tenir compte d’une rupture de système de conduites, sans tenir compte de la fusion du cœur du réacteur et de la défaillance de l’enceinte de confinement.
Depuis 1955, il y a eu, dans le monde entier, environ dix accidents avec la destruction du cœur du réacteur (en moyenne c’est à peu près tous les six ans une destruction de cœur de réacteur sur un total de 400 centrales nucléaires). C’est ce degré de probabilité qui définit le risque réel de nos centrales nucléaires d’aujourd’hui.
Ce qui est étonnant, c’est que dans l’analyse de la commission, il n’y aucune réflexion concernant la réduction du risque de fusion d’un cœur de réacteur. Des mesures d’élargissement des marges techniques de sécurité ne sont pas mentionnées.
Si l’on veut augmenter la rigueur des méthodes de probabilité, il faudrait les employer d’abord dans les affaires internes à l’entreprise, comme par exemple dans l’assurance nucléaire, resp. la provision de couverture, et non pas en amputant les citoyens de leurs droits fondamentaux à la protection de la santé et de la vie.
En mentionnant une discussion sans résultat lors d’un séminaire, on ne peut pas répondre à la question de savoir si la protection des centrales nucléaires est à prévoir en cas d’un accident d’avion.
On est en droit de se montrer curieux de la réalisation des recommandations de la commission concernant
–    l’amélioration des questions de sécurité et
–    le remaniement ambitieux des directives de l’UE relativement à la sécurité nucléaire.    •
(Traduction Horizons et débats)

1    Communiqué de la Commission à l’adresse du Conseil et du Parlement européens concernant les évaluations des risques et de la sécurité («stress tests») des centrales nucléaires dans l’Union européenne et des activités respectives, Bruxelles, 4/10/12, COM (2012)571 final