Une directive de Bruxelles oblige les Etats membres à conserver les donnéesPlaidoyer pour une protestation européenneEntretien avec Rolf GössnerRolf Gössner est avocat, journaliste et vice-président de la Ligue internationale des droits humains. Il a été le premier à porter plainte contre la conservation des données de connexions devant la Cour constitutionnelle allemande. Junge Welt: La directive prévoit que toutes les données de connexions seront conservées pendant six mois (Qui a téléphoné à qui et combien de temps? De quel téléphone portable l’appel a-t-il eu lieu? Qui envoie des courriers électroniques à qui?) La Cour constitutionnelle a mis fin à cela en mars 2010. Quels sont les inconvénients de son arrêt? Rolf Gössner: On n’a écarté que provisoirement les risques impliqués par les données conservées. Toutes les données accumulées jusqu’ici ont dû être effacées parce que les bases juridiques du droit allemand étaient contraires à la Constitution allemande. Mais la Cour n’a pas interdit la conservation de données en général; elle les autorise à certaines conditions strictes. La transmission des données enregistrées n’est possible qu’à la suite d’une décision du juge. Cela ne vous suffit-il pas? Non. D’une part parce que le risque d’usage abusif des données ne peut pas être maîtrisé et d’autre part parce que l’expérience et les études scientifiques montrent que les juges compétents ne sont pas capables d’enrayer les intrusions dans la vie privée. Cela se manifeste surtout lors des écoutes policières. Les juges ne peuvent s’appuyer que sur les pièces à conviction de la police qui sont unilatérales. S’ils veulent rejeter une demande, ils doivent le justifier, ce qui représente beaucoup plus de travail que d’accepter une demande. Et il n’existe pas de contrôle du processus comportant l’obligation de faire un rapport. Dans le procès contre le groupe présumé terroriste «Militante Gruppe», les juges d’instruction avaient donné leur aval aux demandes du Parquet. En mars dernier, la Cour de justice fédérale a déclaré que les mesures de surveillance étaient illégales parce que les présomptions étaient insuffisantes. Le recensement de 2011 obéit aussi à une directive de l’UE. Pourquoi trouvez-vous ce projet inquiétant? A la différence des recensements antérieurs, le recensement de 2011 puise des informations personnelles à de nombreuses sources mais sans le consentement des personnes concernées. Ainsi on collecte des données auprès des bureaux de déclaration de domicile, des cadastres et de l’Agence fédérale pour l’emploi, ainsi qu’à des «sources accessibles à tout le monde». En outre, jusqu’à un tiers des citoyens seront obligés de répondre à des questions sur leur vie privée. Une autre demande de Bruxelles consiste dans le programme de surveillance SWIFT. Cet exemple montre avec quelle rapidité le FDP a perdu sa «réputation» de parti des droits civils. A la fin de l’année dernière, le gouvernement fédéral noir-jaune a adopté l’accord sur les données bancaires entre l’UE et les Etats-Unis – combattu par le FDP – et a, après un veto spectaculaire du Parlement européen, approuvé récemment une nouvelle version améliorée. Selon cet accord, les autorités de surveillance américaines, dans le cadre de la «lutte commune contre le terrorisme», obtiennent l’accès à des millions de données extrêmement sensibles concernant des détenteurs de comptes et des virements bancaires, accord comportant de graves insuffisances en matière de droit à la protection des données. Le 8 juillet, le Parlement européen a accepté l’accord malgré ses défauts. Source: junge welt du 7/7/10 |