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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°16, 21 avril 2008  >  «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale» veut mettre un frein aux excès de communication de la Confédération [Imprimer]

«Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale» veut mettre un frein aux excès de communication de la Confédération

Initiative populaire fédérale

par Judith Barben, psychologue

Le 1er juin 2008, le peuple et les cantons ­suisses voteront sur l’initiative populaire fédérale «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale». Elle demande que le Conseil fédéral respecte le droit en vigueur et les principes de la démocratie directe en informant les citoyens de manière objective et neutre sur les sujets soumis au vote.
Dans le passé, le Conseil fédéral respectait généralement son devoir constitutionnel de neutralité en se tenant à l’écart des débats et des prises de position des citoyens et des groupes d’intérêt. Après la clôture des délibérations parlementaires, il se bornait à informer les citoyens sur les sujets soumis au vote par l’envoi de sa «brochure explicative».
Mais depuis plusieurs années, l’exécutif ne se soucie plus guère de ces règles fondamentales de la démocratie directe. Avec une audace croissante, le Conseil fédéral et son administration organisent avec l’aide d’agences de relations publiques et de communication de véritables campagnes de votations. Des stratégies et méthodes sophistiquées servent à faire passer subrepticement des «paquets de réformes» impopulaires tels que la privatisation de la Poste et des routes nationales, les atteintes à la souveraineté des cantons ou la suppression du libre choix du médecin.

Une propagande gouvernementale sans fin

Cette activité de propagande du Conseil fédéral a pris de telles dimensions que même la Neue Zürcher Zeitung, dans son édition du 23 avril 2004, a parlé d’une «avalanche sans frein» et que le Tages-Anzeiger a appelé le Palais fédéral «la plus grande agence suisse de relations publiques» (26 avril 2001). Et le magazine Facts écrit: «Ce qui, dans les pays anglophones, s’est incrusté dans la machinerie politique depuis longtemps sous le sobriquet de ‹spin doctors› s’impose maintenant progressivement dans les rouages de la politique fédérale, influençant de plus en plus les décisions. Les spin doctors […] sont devenus une composante de l’appareil fédéral de communication, qui a enflé démesurément ces derniers temps.» (24 décembre 1996). Aussi l’initiative revêt-elle une grande importance.
Les spin doctors ne se contentent pas d’influencer les citoyens. Ils visent également le Parlement qu’ils manipulent de la même manière. Un exemple en est le mandat que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a confié à l’agence de relations publiques zurichoise Richterich & Partner, société de droit privé. L’agence devait aider l’OFSP à dénigrer l’initiative populaire «Oui à la médecine complémentaire» dès avant (!) les débats parlementaires. L’initiative avait été déposée au mois de septembre 2005 et le conseiller fédéral Pascal Couchepin craignait qu’elle ne passe. Pour empêcher cela, on a débloqué en catimini un «budget de communication» de 300 000 francs et a donné ledit mandat à l’agence. L’OFSP a cherché à s’excuser en disant que vu le caractère délicat de la question de la médecine complémentaire «un accompagnement professionnel du projet au niveau de la communication était indispensable».

Un licenciement en guise de remerciement

Lorsque le procédé scandaleux fut rendu public, l’OFSP a immédiatement mis fin à ce mandat. Le conseiller fédéral Couchepin a déclaré que tout s’était fait à son insu et que la somme ne s’élevait qu’à 30 000 francs. Le lendemain déjà, le directeur de l’OFSP, Thomas Zeltner, a reconnu qu’il s’agissait bien de 300 000 francs (Tages-Anzeiger du 26 juin 2006). La Commission de gestion du Conseil des Etats a condamné l’attitude de l’OFSP en ces termes: «Dans un domaine très sensible, c’est-à-dire celui de l’utilisation de l’argent des contribuables dans le cadre d’une campagne de votation, [l’OFSP est allé] trop loin.» La collaboratrice qui avait dénoncé ce procédé anticonstitutionnel, a déclaré: «Le peuple a le droit de savoir ce qu’on fait de son argent.» Sur quoi elle a immédiatement reçu sa lettre de licenciement. Voilà ce qui se passe à Berne.
Le 17 novembre 2006, la Commission des institutions politiques du Conseil national a également exprimé son irritation face au manque de respect du Conseil fédéral à l’égard de la Constitution et du Parlement. Dans un communiqué de presse du 17 novembre 2006, cette commission déclare: «C’est avec étonnement que la Commission a pris acte de la position du Conseil fédéral qui entend à l’avenir également se réserver le droit d’émettre ‹une recommandation de vote s’écartant de celle de la majorité du Parlement›. La Commission y voit une provocation qui ne s’imposait pas et qui pose problème sur le plan du droit constitutionnel. […] La conception suisse de la démocratie n’admet pas que l’exécutif […] s’adresse directement au peuple en contournant ses représentants élus. […] Il importe justement de profiter de cette occasion pour rappeler la validité du régime constitutionnel.»

L’initiative populaire ne demande rien d’autre que le respect de la Constitution

L’initiative «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale» ne fait que répondre à un besoin urgent en demandant que le Conseil fédéral adopte l’attitude que lui impose la Constitution lors de votations. Car actuellement déjà, selon l’article 34, al. 2 de la Constitution, «la garantie des droits politiques protège la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté.» Le Tribunal fédéral commente cet article de la manière suivante: «La libre formation de l’opinion exclut fondamentalement toute influence directe des autorités visant à la falsifier dans le cadre des élections et des votations (ATF 114 1a). En outre, «toute tentative d’induire en erreur les citoyens» et toute «propagande gouvernementale» sont interdites. Comme il n’existe aucun moyen de recours au niveau fédéral, cette initiative y remédie en complétant et clarifiant le texte de la Constitution (voir encadré).
L’initiative empêche le démantèlement rampant de notre démocratie directe. La grande majorité des citoyens suisses veulent la préserver. C’est pourquoi l’initiative «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale» est appuyée par de nombreux citoyens et citoyennes.    •

Texte de l’initiative

Initiative populaire fédérale «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale»
Art. 34, al. 2 (actuel)
La garantie des droits politiques protège la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté.
L’initiative populaire a la teneur suivante:
La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit:
Art. 34, al. 3 et 4 (nouveaux)
Al. 3 A partir du moment où les débats parlementaires sont clos, la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté sont garanties en particulier de la manière suivante:
a.    le Conseil fédéral, les cadres supérieurs de l’administration fédérale et les offices de la Confédération s’abstiennent de toute activité d’information et de propagande. Ils s’abstiennent notamment de toute intervention dans les médias et de toute participation à des manifestations concernant le scrutin. Est exceptée une brève et unique information à la population par le chef du département compétent;
b.    la Confédération s’abstient de financer, d’organiser et de soutenir des campagnes d’information et de propagande concernant le scrutin ainsi que de produire, de publier et de financer du matériel d’information et de propagande. Est exceptée une brochure explicative du Conseil fédéral envoyée à tous les citoyens et citoyennes ayant le droit de vote. Celle-ci expose de façon équitable les arguments des partisans et des opposants;
c.    la date de la votation est publiée au moins six mois à l’avance;
d.    le texte soumis au vote et le texte en vigueur sont mis gratuitement à la disposition des citoyens et des citoyennes.
Al. 4 La loi fixe dans un délai de deux ans les sanctions applicables en cas de violation des droits politiques.